Il est l’heure de débriefer cette saison. Comme tous les hivers depuis deux ans, cette chronique analyse en détail la campagne de chaque pilote, du moins bien classé au champion du monde. Il s’agit là d’apporter un point de vue argumenté sur la performance de chacun de nos héros, afin d’en discuter tous ensemble. Vous êtes prêts pour ce nouveau volet, consacré à Pecco Bagnaia ? C’est parti !
L’épisode d’hier était consacré à Fabio Di Giannantonio ; retrouvez-le en cliquant ici.
Une théorie qui ne tient pas
Cet article sera différent des autres. D’habitude, je reviens sur la saison de chaque pilote en détail, mais j’ai déjà beaucoup parlé des déboires de Pecco Bagnaia au cours de l’année. Oui, sa campagne était un véritable désastre, une catastrophe, l’une des pires pour une superstar dans l’histoire des Grands Prix. Maintenant, il s’agirait de comprendre pourquoi. Dans cette quête de vérité, une théorie que je réfute depuis le début de saison revient en boucle : d’après bon nombre d’observateurs, y compris d’anciens pilotes, si Bagnaia est totalement passé à côté, c’est à cause de Marc Marquez ! En effet, il ne supporterait pas la pression instillée par les victoires à répétition de son coéquipier, ce qui minerait son mental et créerait cette spirale négative de laquelle il n’est toujours pas sorti.

Je l’avais vu vice-champion du monde. Bien sûr, j’avais tort. Photo : Michelin Motorsport
Je n’y crois pas une seconde. Je vais essayer de vous prouver que les malheurs de Pecco Bagnaia n’ont aucun rapport, ou presque, avec la domination de Marc Marquez.
Un coéquipier n’a pas autant d’influence
Premièrement, revenons aux racines de cette théorie. Jamais, dans l’histoire, le fait qu’un coéquipier domine l’autre n’a totalement ruiné la saison ou la carrière de ce dernier. Ça ne se vérifie pas, ou alors, ça serait une grande première. Des exemples, j’en ai à la pelle. En Formule 1, Michael Schumacher était le roi chez Ferrari au début des années 2000, et son secondant, Rubens Barrichello, n’arrivait pas aux mêmes résultats. Il était cantonné à la deuxième place, c’était son rôle, pour ainsi dire. En termes de talent, le Brésilien ne pouvait pas rivaliser. Mais Barrichello, aux côtés d’un monstre, avait la place pour s’exprimer, alors que tout, je dis bien que tout était fait pour que « Schumi » l’emporte.
C’est aussi le cas en MotoGP. Prenons Marc Marquez en exemple, lui qui n’a pas commencé à dominer en 2025, à ce que je sache. De 2013 à 2015, un Dani Pedrosa encore très fort lui faisait face, et, même s’il ne pouvait rivaliser au classement général, Pedrosa gagnait des courses, n’était pas totalement à la rue comme Bagnaia cette année. Pareil pour Bottas avec Hamilton, François Duval avec Sébastien Loeb, et même Edwards avec Rossi.
Vous me rétorquerez peut-être que personne ne réussit à côté de Max Verstappen en F1. Alors, c’est vrai, mais nous parlons là de pilotes, qui, sans leur manquer de respect, ne sont pas du niveau de Barrichello, Bottas – rappelez-vous l’ère Williams – ou Bagnaia en MotoGP. Yuki Tsunoda, Pierre Gasly et Alex Albon ne m’en voudront pas. D’ailleurs, Sergio Perez, le plus notable d’entre eux, arrivait tout de même à gagner des GP dans une écurie apparemment dédiée à Verstappen.
Oui, comme l’a souligné Pol Espargaro, voir son coéquipier tout rafler doit miner le moral. Mais pas au point de peiner à suivre Somkiat Chantra en Indonésie dans le cas de Bagnaia, un triple champion du monde en carrière ! La domination du voisin de box est gênante, mais elle ne peut avoir autant d’influence sur la performance d’un pilote, notamment quand celui-ci a déjà fait ses preuves.
Le Grand Prix que beaucoup veulent oublier
Si cette théorie était vraie, alors, Bagnaia aurait commencé très fort, motivé, comme ce fut le cas, puis, lentement, aurait perdu le fil jusqu’à se retrouver dans les tréfonds du classement. C’est ce qui est arrivé… si l’on omet sciemment un immense détail. Cette anomalie qui disqualifie la théorie n’est autre que la domination totale de Pecco Bagnaia au Japon, sur les trois jours, à un moment de la saison où on le croyait fini.
Si ce n’est à cause de son matériel, comment expliquer une telle différence de performance ? Une semaine après, en Indonésie, sur un circuit où il avait réalisé, en 2023, l’une de ses meilleures prestations en carrière, il est tombé depuis la dernière place. Qu’est-ce que Marc Marquez aurait à voir là-dedans ? Ça prouve bien qu’une fois doté d’une machine qui lui convenait, il était toujours capable, après avoir subi la période Marquez, de s’imposer au nez et à la barbe de celui-ci. Comment expliquer, à travers le prisme Marc Marquez, la différence de vitesse entre l’Indonésie, où il était perdu, et la Malaisie, où, parti depuis la pole position, il a écrasé le Sprint ? Ça n’a aucun sens.

Bagnaia et Tardozzi ont dit qu’ils s’entendaient très bien, et Marquez donnait même des conseils à Pecco.
La vérité sur Pecco Bagnaia
D’après moi, les problèmes de Pecco s’expliquent totalement par la Ducati Desmosedici GP25. Comme expliqué dans l’article d’hier sur Di Giannantonio, je pense que Marc Marquez, par son génie, arrivait à compenser les failles d’une moto mal née, irrégulière, et imprévisible. Marquez lui-même reconnaissait qu’il y avait un problème à Mandalika, seul Grand Prix où il n’a pas joué devant.
Dans le cas de l’Italien, je ne crois pas à la défaillance mentale, car il a prouvé, à de maintes reprises, qu’il était l’un des meilleurs sur ce point. Dos au mur, peu sont plus capables que lui sur la grille. D’ailleurs, je pense que la double victoire au Japon témoigne d’une immense force mentale. Deuxièmement, comme expliqué dans cet article, je crois encore moins à la théorie qui nomme Marc Marquez comme responsable indirect de ses déboires. C’est un problème purement technique, qu’il sera difficile de résoudre en 2026, car les motos seront sans doute très proches de celles de cette saison, en raison des concessions limitées dont bénéficie Ducati et du viseur braqué sur 2027.
De ce fait, je pense toujours que s’il regagne confiance en son matériel et si Ducati trouve des réponses, il serait capable de battre Marc Marquez. Non, ses détracteurs ne m’influenceront pas : je continue à croire qu’il fait partie des meilleurs pilotes du monde, que ce n’est là qu’une mauvaise passe. N’oublions pas que cette année, dans ce marasme, il a quand même proposé de belles choses. Je rappelle simplement qu’il a plus de poles qu’Alex Marquez et qu’il a battu Marc fair and square à Motegi sur les trois jours dès lors qu’il avait une Demosedici qui lui allait, suivant ce fameux test de Misano.
Croyez-vous encore que Marc Marquez soit à la source des maux de Bagnaia ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Marc Marquez, en 2025, n’était pas beaucoup plus rapide que Pecco Bagnaia en 2024, d’après les chronos en course.
Photo de couverture : Michelin Motorsport




























