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Fermin Aldeguer

Il est l’heure de débriefer cette saison. Comme tous les hivers depuis deux ans, cette chronique analyse en détail la campagne de chaque pilote, du moins bien classé au champion du monde. Il s’agit là d’apporter un point de vue argumenté sur la performance de chacun de nos héros, afin d’en discuter tous ensemble. Vous êtes prêts pour ce nouveau volet, consacré à Fermin Aldeguer ? C’est parti !

L’épisode d’hier était consacré à Fabio Quartararo ; retrouvez-le en cliquant ici.

 

Un très bon rookie

 

J’ai conscience que ce papier sur Fermin Aldeguer va peut-être vous surprendre. Avant de passer à ce qui pourrait vous fâcher, commençons par le féliciter chaleureusement pour sa première saison en catégorie reine. Arrivé chez Gresini Racing après une moyenne saison 2024 en Moto2, Fermin Aldeguer avait beaucoup de pression au moment de passer dans la cour des grands. Ducati l’avait signé (pas Gresini mais la maison mère) sur la base de quelques Grands Prix fin 2023, une situation assez inédite.

 

Fermin Aldeguer

Un pilote très charismatique. Photo : Michelin Motorsport

 

C’était un peu la grande inconnue, et, finalement, ça a payé. Oui, ça a payé, car, même si son classement n’a rien de transcendant – nous y reviendrons –, il a quand même des coups d’éclat incroyables cette saison, notamment une victoire dominante en Indonésie. Cela en fait un rookie vainqueur, ce qui n’est pas si fréquent, mais pas si rare non plus, étrangement, à l’échelle de l’histoire.

J’ai beaucoup aimé sa force de caractère, ses remontées qui montrent une résilience à toute épreuve, mais aussi son personnage. Face aux caméras, il est détendu, prêt à relever n’importe quel défi. Oui, c’était un très bon rookie, ça ne fait pas de doute, mais entamons doucement la partie de l’article qui risque de trancher avec cette analyse.

 

Fermin Aldeguer, si incroyable que ça ?

 

Fermin Aldeguer a conquis tout le monde en 2025. À en juger par les commentaires, j’ai la vive impression que beaucoup voient en lui une future superstar, voire, un prétendant au titre dans quelques années. D’après moi, rien de ce qu’on a vu ne permet d’affirmer tel propos, même si je n’oserais pas remettre en question son talent intrinsèque, très impressionnant.

La tristesse de la saison d’Ai Ogura a un peu biaisé le débat, si bien qu’on voit beaucoup de gens s’enflammer pour Aldeguer. Mais, laissez-moi rappeler quelques éléments.

Premièrement, Aldeguer est arrivé dans la meilleure équipe MotoGP actuelle, avec l’une des meilleures motos de l’histoire de la discipline. Il n’y a qu’à voir les performances d’Alex Marquez pour s’en convaincre, lui qui est passé d’un pilote décevant (je maintiens) en 2023 et 2024 à un prétendant à la victoire chaque week-end. Gresini, qui a imposé chaque pilote depuis sa prise d’indépendance début 2022, est une institution qui exploite au mieux ses capacités.

Deuxièmement, il n’est « que » huitième du classement général. Alors, oui, c’est un beau classement pour un pilote MotoGP, et encore plus pour un rookie, mais c’est loin d’être exceptionnel au premier sens du terme. D’ailleurs, sans imaginer qu’il puisse gagner une course, je l’avais vu neuvième à la fin de l’année, largement devant Ai Ogura. Voici la preuve que ça n’était donc pas totalement insoupçonnable, inatteignable. Si l’on regarde l’histoire récente, il a réalisé une moins bonne première saison que Pedro Acosta, Jorge Martin, Fabio Quartararo, Johann Zarco, Brad Binder (une fois rapporté au matériel), et que, tenez-vous bien, Jonas Folger, dixième en 2017 en manquant cinq courses. Je ne veux pas obscurcir l’exploit d’Aldeguer, car réussir au plus haut niveau est tout de même rare, mais simplement vous rappeler qu’il ne faut pas nécessairement s’emballer au risque d’être déçu.

 

Fermin Aldeguer

Effectivement, il n’a que 20 ans, ce qui est relativement jeune. Malheureusement, l’histoire nous apprend que ça ne garantit pas le succès au plus haut niveau. Photo : Michelin Motorsport

 

Troisièmement, ses exploits. Il a été incroyable en Indonésie, c’est vrai, mais un peu comme Bezzecchi l’avait été en Inde en 2023 ou Oliveira au Portugal en 2020, si je me fais bien comprendre. Pour une raison x ou y, personne ne pouvait le rattraper, il était seul au monde, comme s’il avait trouvé le parfait réglage sur ce circuit. Je ne dis pas que c’est une victoire circonstancielle, car il aurait dominé n’importe qui, même Marc Marquez, mais juste, qu’elle n’est pas représentative. S’il avait gagné les suivantes avec huit secondes d’avance sur le sec, je n’aurais rien eu à redire, mais ça n’a pas été le cas.

Quatrièmement, il a encore des failles importantes, ou, disons, des axes d’amélioration à exploiter, et c’est bien normal. Premièrement, sa régularité dans la performance, extrêmement aléatoire. Il était assurément l’un des plus irréguliers cette saison, passant, parfois, du podium à la 14e place lors du GP suivant. Il n’est pas souvent tombé, ce qui est une bonne chose, mais le manque de régularité est rédhibitoire pour jouer un titre à notre époque. Il faut être bon tout le temps. Dernièrement, son style. À de trop nombreuses reprises, il a été au contact avec un autre pilote, exagérait sur ses dépassements, style Brad Binder ou Alex Marquez : « pousse-toi ou on se crashe tous les deux ».

Deux me viennent en tête. Aux États-Unis, d’abord, où il se dirigeait vers une quatrième place avant de tomber. Son dépassement sur Miller était très rude, et si l’Australien ne relevait pas, c’était la chute assurée. Le deuxième exemple est intervenu en Autriche, où, lors de sa remontée vers la deuxième place, il a multiplié les blockpass très tendus.

 

Conclusion

 

Le but de cet article n’était pas de vous faire croire que je déteste Aldeguer, ou que je pense qu’il n’est pas un bon pilote. Au contraire, même, je l’apprécie plutôt. Simplement, je trouve que beaucoup osent, par exemple, remettre en question la première saison d’Acosta en 2024, vu que lui n’avait pas gagné dès sa première année. Pourtant, la campagne d’Acosta n’avait rien à voir, on ne peut pas juger une saison rookie d’après le seul prisme de la victoire. Aldeguer a les clés pour réussir à gravir les échelons jusqu’au titre, je n’ai pas de doute là-dessus. Mais s’il vous plaît, laissez-lui le temps de se développer, d’affûter ses lames, avant d’affirmer qu’il est la relève, car cela créera, chez vous, un sentiment de frustration s’il n’explose pas sous peu.

Quel est votre ressenti quant à Fermin Aldeguer ? Voyez-vous en lui un futur crack ? Dites-le-moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

Aldeguer, vu qu’il remonte souvent, n’a pas le temps de soigner ses dépassements. Dommage. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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