Il est l’heure. Depuis longtemps, je désire aborder un sujet brûlant qui fête ses dix ans ; Sepang 2015, événement majeur de l’histoire du MotoGP et de mon parcours de passionné. Mon plus grand défi ne sera pas de vous convaincre, non, mais de résumer ma pensée en 3000 mots ou presque. Pour cette raison, cette analyse sera divisée en deux parties, une aujourd’hui, et une demain. Alors, sans perdre de temps, c’est parti !
Préambule
Je sais que ce sujet est particulièrement sensible, et c’est pourquoi je suis dans l’obligation de faire un disclaimer.
Premièrement, ce que je vais dire dans cet article n’engage que moi, et pas la rédaction du site.
Deuxièmement, je n’ai aucune attache émotionnelle envers les deux protagonistes que nous allons étudier, à savoir, Marc Marquez et Valentino Rossi. Mon idole de jeunesse se nommait Jorge Lorenzo, donc autant vous dire que j’étais plus que satisfait de l’issue de cette affaire. C’est peut-être pour ça qu’elle m’a tant passionnée et que je suis capable d’en parler de manière tout à fait détachée.
Dernièrement, et cela devrait paraître logique pour tout humain de plus de 16 ans, inutile de s’insulter pour une brouille qui date d’il y a dix ans – et de s’insulter tout court, d’ailleurs. Je sais que c’est inévitable, mais si vous êtes incapable d’aborder objectivement ce sujet, que vous m’insultez, car vous n’êtes pas d’accord avec mes conclusions, alors vous avez un problème. Le remède sera difficile à trouver, mais je vous invite à lire De la constance du sage de Sénèque pour commencer.

On ne va pas beaucoup parler de Pedrosa, mais c’est bien lui qui a remporté le Grand Prix de Malaisie 2015. Photo : Box Repsol
Contexte
J’imagine que, si vous lisez cette chronique, vous êtes passionnés depuis un bon moment, et que vous savez globalement ce qu’il s’est passé à l’époque. Cependant, si vous êtes un fan plus récent, je me ferai un plaisir de vous expliquer davantage la situation en commentaires si vous le désirez. N’hésitez pas à me demander des précisions si vous n’avez pas vécu cela ; il n’y a aucune honte à être plus jeune, retenez bien cette phrase.
Lorsque la saison 2015 a débuté, Marc Marquez, chez Honda Repsol, était tenant du titre, après une campagne monstrueuse en 2014. À cause d’un excès d’engagement et d’une performance impressionnante des deux pilotes Yamaha Valentino Rossi et Jorge Lorenzo, Marquez s’est rapidement retrouvé en difficulté au classement général. Rossi, neuf fois champion du monde, était le plus régulier, mais pas le plus rapide. Jorge Lorenzo, grâce à quatre victoires consécutives tôt dans la saison, s’est rapidement opposé en rival de Rossi, comme au bon vieux temps.
Avant d’arriver au Grand Prix d’Australie, nous avions donc : Valentino Rossi, leader du championnat, mais sous la menace de son coéquipier plus véloce Jorge Lorenzo, Marc Marquez troisième décroché du championnat, mais capable de remporter des courses, et Dani Pedrosa en arbitre, l’autre officiel Honda.
Le plus beau Grand Prix de tous les temps ?
Il faut savoir que Marc Marquez, adoubé (pour de vrai ou pour de faux) par Valentino Rossi à ses débuts en MotoGP, s’était déjà accroché plusieurs fois avec « The Doctor » lors de cet exercice. Il s’est fait faucher à Termas de Rio Hondo, et a tenté de le dépasser de manière musclée à Assen, dans le dernier virage.

Marc Marquez n’était pas aussi populaire qu’aujourd’hui, mais il était très aimé des fans de Rossi. Photo : Box Repsol
La situation était très tendue avant le départ du GP d’Australie. Lorenzo et Rossi étaient rivaux depuis 2008, et Marquez, en électron libre, commençait à sérieusement agacer Rossi. Durant cette fameuse course à Phillip Island, Lorenzo semblait se diriger vers une victoire certaine, mais Marquez, qui avait bataillé plus à l’arrière une bonne partie de l’épreuve, le remonta sur la fin et remporta la mise. Détail très important : Rossi se fit battre par Andrea Iannone pour le gain de la troisième place.
Affrontement légendaire
Cette course était magnifique, l’une des plus belles de l’histoire. Je me souviens pertinemment des commentaires après cette épreuve : personne n’avait rien relevé d’anormal. Puis vient la conférence de presse du Grand Prix de Malaisie, qui, comme en 2025, suit l’Australie. Alors qu’il mène toujours le championnat de neuf points, Valentino Rossi choque la planète en accusant Marquez d’aider Lorenzo à remporter ce titre. Feuilles de temps à l’appui, il veut prouver que Marc l’aurait ralenti à Phillip Island pour l’empêcher de remonter Lorenzo. Dans la salle, personne n’en croit ses yeux, Marc Marquez en premier.
Je vous la fais courte, mais les mots étaient durs à entendre. Lorenzo, présent également, assène alors une remarque : « Il m’a tellement aidé qu’il m’a battu ! ». Lors de la course, Pedrosa s’envole, bientôt suivi par Lorenzo. Derrière, Marquez se retrouve aux côtés de Rossi, et les deux ne se lâchent plus. Dans l’avant-dernier virage, l’Italien semble mettre un coup de pied à Marquez, qui chute. Rossi, non pénalisé, termine troisième, dans la cacophonie la plus totale. La sanction arrive plus tard : il doit partir dernier à Valence, finale du championnat. Lors de cette ultime épreuve, Lorenzo s’impose devant Marquez, Pedrosa finit troisième, et Rossi remonte quatrième. « Por Fuera » triomphe pour la cinquième fois de sa carrière, pour mon plus grand plaisir. Je ne sais pas comment j’aurais pu vous résumer ceci de manière plus concise.
Qui est le fautif ?
Maintenant que nous avons tous les éléments, en gros, penchons-nous sur les conclusions. Mon avis est plutôt simple à résumer : d’après moi, le principal fautif est Valentino Rossi, mais Marc Marquez a aussi des torts. Je m’explique. Tout d’abord, comme beaucoup de gens, j’ai trouvé cette scène en conférence de presse absolument pitoyable (mais entertaining !), indigne de la légende de Vale’. Ce qu’il disait ne faisait aucun sens, et la remarque de Jorge Lorenzo résume tout. Pourquoi Marquez aurait-il aidé Lorenzo en le battant à trois courses du terme, alors qu’il aurait très bien pu faire semblant de rester deuxième ou troisième afin d’embêter Rossi s’il avait voulu ? De plus, Andrea Iannone, compatriote de Rossi, ne s’est pas gêné pour le doubler.

Rossi n’a pas dit que la vérité sur le Grand Prix de Phillip Island. Photo : Box Repsol
Cela fait directement écho à un défaut de Valentino Rossi. Ce dernier n’a jamais été très bon sous la pression, comme c’était le cas en 2006, lors de la finale à Valence contre Nicky Hayden. Tous les champions ont des failles, et celle-ci lui a coûté très cher. Les mots employés à l’égard de Marc Marquez ne pouvaient que mettre en rogne l’Espagnol, comparé à un pilote moins honnête encore que Max Biaggi. Je ne sais pas si un coup de pied a réellement été donné, car de nombreux pilotes disent que oui, et d’autres réfutent cette thèse. En tout cas, Rossi a bien écarté, c’est certain. Pour moi, ce championnat est perdu en conférence de presse, bien avant cet accrochage historique et la chute de Marc Marquez. Tenir un avantage de neuf points sur deux courses face à Lorenzo, c’était chaud, mais je pense que Rossi aurait pu le faire à la régulière. Il s’est lui-même tiré une balle dans le pied, et a perdu ce championnat tout seul, avec son orgueil. Dans la même veine, il me paraît impensable que Marc Marquez ait aidé Jorge Lorenzo à Phillip Island, mais également à Valence, où l’officiel Yamaha était au-dessus.
Les torts de Marquez
Tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Marc Marquez a interféré dans cette lutte pour le titre, à un moment bien précis. Voyez-vous, au début du Grand Prix de Malaisie, Marquez s’est fait doubler par Lorenzo, comme si de rien n’était. Il n’a même pas essayé de riposter dans l’enchaînement suivant. Selon moi, il attendait Valentino Rossi pour l’harceler, car il n’avait pas supporté ses propos en conférence de presse. Et, effectivement, on le voyait tourner autour du n°46, il ne le lâchait plus, entraînant l’incompréhension de « The Doctor ». Sur le principe, c’est incorrect, mais un grand champion comme Rossi n’aurait jamais dû lancer cette polémique. Je vois ça comme un retour de bâton : on ne peut pas proférer de telles calomnies sans s’attendre à une réaction de la part du concerné. Si Lorenzo avait pris un meilleur départ, Marquez aurait eu la même stratégie, j’en suis convaincu. Mais le hic, c’est qu’il a, d’après moi, laissé passer Lorenzo pour se retrouver au niveau de Rossi et cela a interféré, par définition, dans la course au titre.
Conclusion
Jorge Lorenzo a remporté un championnat largement mérité, car il a été le meilleur pilote de cette saison, d’assez loin d’ailleurs. Valentino Rossi ne peut s’en prendre qu’à lui-même, car il s’est mis un bâton (voire une grume) dans sa jante avant lors de cette conférence de presse, ce qui n’aide pas pour rouler, vous en conviendrez. La direction de course n’a malheureusement pas fait son job, car, si les experts pouvaient confirmer qu’un coup de pied avait bien été donné, il aurait dû recevoir un drapeau noir, et partir normalement à Valence. Après, la situation n’avait jamais été aussi tendue dans l’histoire, donc je peux comprendre leur hésitation, mais ils auraient dû trancher. Leur passivité donne finalement des billes à Rossi, et ça, c’est injuste. Marquez, lui, a réagi comme un humain, et pour cette raison, je ne peux pas lui en vouloir.
Demain, nous reviendrons sur « l’après » Sepang 2015, et tout ce que cela a engendré. Je suis curieux d’avoir votre avis, alors, dites-le-moi en commentaires !

Moi, j’ai beaucoup apprécié cette course. C’était fou en tant que spectateur. Photo : Box Repsol
Photo de couverture : MotoGP