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Jorge Martin

Pour cet article, j’aurais pu vous faire un copié/collé de celui paru juste après le Grand Prix du Qatar. En effet, Jorge Martin va disputer, ce week-end, le Grand Prix de la communauté Valencienne, dernière manche du championnat MotoGP 2025. Et, honnêtement, je ne comprends pas ce choix.

 

Bis repetita ?

 

Je ne devrais pas avoir de mal à vous convaincre, car je sais pertinemment que je n’ai pas été le seul choqué à l’annonce de sa participation. Pour bien comprendre, un petit bilan de sa saison s’impose. Blessé lourdement dès les essais de Sepang l’hiver dernier, il avait dû attendre le Qatar, quatrième manche, pour courir au guidon de l’Aprilia RS-GP. Tout le monde le pensait : c’était beaucoup trop tôt au vu de la gravité de la situation. Touché à la main, il n’arrivait même pas à mettre ses gants tout seul, à contrôler parfaitement sa machine. Et, le dimanche, ça n’a pas manqué. Dans un accident qui aurait pu très mal se terminer, le « Martinator » s’est de nouveau blessé, très lourdement. De retour à Brno, huit épreuves plus tard, il s’est remis en selle, et cette fois, ça allait mieux.

 

Jorge Martin

Ça lui permettra au moins de purger sa pénalité de deux long laps. Photo : Michelin Motorsport

 

Toujours en prenant énormément de risques malgré son état – en témoigne cette remontée au Balaton Park –, il a fini par craquer de nouveau, au départ du Grand Prix du Japon. Strike complet : en plus de faucher son coéquipier Marco Bezzecchi, il s’est blessé, encore une fois, de manière tout aussi sérieuse. Pour une seule saison, ça commence à faire beaucoup. À partir de là, plusieurs choix s’offraient à lui. Pleinement se concentrer sur 2026 et ne pas précipiter un retour, comme lui conseillait d’ailleurs Marc Marquez, ou revenir, en dernière minute, à Valence, alors qu’il n’y a rien à jouer. Vous l’aurez compris, Martin a choisi la deuxième option.

Après tout, c’est son choix, et qui suis-je pour le commenter ? C’est vrai, mais, d’abord, il s’agit d’un pilote MotoGP – cette rubrique a toujours eu pour vocation de communiquer des avis subjectifs concernant ceux-ci et leurs décisions. De plus, Jorge Martin lui-même m’avait donné raison, à Brno, en avouant être revenu trop tôt au Qatar.

Je vais maintenant vous exposer des arguments qui me poussent à dire que c’est une très mauvaise idée.

 

1. Préparer 2026, une nécessité pour Jorge Martin ?

 

C’est ce qu’on entend de sa bouche. Il a bien insisté : Jorge Martin revient à Valence pour préparer les tests de post-saison, et, par extension, 2026. le problème, c’est que cette thèse est facilement réfutable.

Premièrement, Marc Marquez aurait peut-être pu revenir à Valence s’il l’avait souhaité. Interrogé sur ce fait, il a bien expliqué que s’il revenait, c’était pour voir les fans une dernière fois en 2025, il n’a même pas évoqué les essais de mardi comme motivation. Pecco Bagnaia, au Portugal, avait lui-même questionné la pertinence de ces tests en disant que son vrai premier contact avec la GP26, il l’aurait à Sepang l’année prochaine. De ce que l’on comprend, Valence sert à se familiariser avec des pièces, des directions techniques. Mais ce n’est pas essentiel pour comprendre la moto de l’année d’après, qui, elle, n’est disponible qu’à Sepang. Admettons que Martin se blesse mardi, et qu’il soit contraint de manquer les essais en Malaisie ? Dans ce cas-là, il passerait à côté de la préparation.

Deuxièmement, Jorge Martin a déclaré, il y a quelques heures à peine, qu’il voulait aussi courir pour la passion, voyez plutôt : « Mais cette étincelle, je ne peux pas la perdre parce que je ne serais plus moi et je ne gagnerais plus de courses ni ne ferais de pole positions. » Cela ne vous rappelle-t-il pas son état d’esprit avant le GP du Qatar ?

 

2. Un risque permanent, et pas que pour Jorge Martin

 

Deux éléments me gênent quant à sa participation à cette course. Premièrement, le risque qu’il se blesse de nouveau, qui paraît évident. Étendons-nous un instant sur cette problématique.

Tout à l’heure, lors de son point presse, il nous a confié qu’il ne prendrait aucun risque. Mais, une phrase plus tard, il parlait de l’étincelle qui le fait vivre, de son envie de courir. N’est-ce pas là contradictoire ? S’écoutera-t-il au moment de l’extinction des feux ? Pour un compétiteur champion du monde de la trempe de Jorge Martin, permettez-moi d’en douter.

 

Jorge Martin

Jorge Martin a été déclaré « fit » pour participer au GP. Photo : Michelin Motorsport

 

Ensuite, le risque n’est pas qu’incarné par son pilotage : il est permanent en MotoGP. Cette année, combien de pilotes se sont fait percuter ? Combien de pilotes se sont fait cueillir par des conditions difficiles ? La météo n’est pas encore claire, notamment pour la journée de samedi, où des averses pourraient faire leur apparition – ce n’est pas rare à Valence. Sur un départ, admettons qu’il se qualifie entre la 10e et la 17e place, tout peut arriver. Un pilote, derrière lui, peut le saborder et le renvoyer directement à l’infirmerie, compromettant ainsi 2026 et ruinant tous ses efforts réalisés depuis le Japon. D’ailleurs, au Qatar, il s’en est fallu de peu pour que sa chute se transforme en véritable drame justement à cause d’un concurrent.

Deuxièmement, le risque qu’il blesse un autre pilote. À Losail, j’avais été particulièrement alerté par son langage corporel. Il souffrait sur la RS-GP, et ça se voyait. Que se passerait-il s’il venait à être physiquement trop en difficulté pour continuer ? Ne risquerait-il pas de refaire la même erreur qu’au Japon, par exemple ? Son intensité au guidon sera-t-elle en adéquation avec sa forme physique ? Difficile à croire.

J’avais déjà été outré par la décision des médecins au Qatar, qui l’avaient laissé courir malgré ce qu’on distinguait à l’œil nu. Espérons que, cette fois, Angel Charte et ses équipes soient en mesure de lui dire « non » si son état ne lui permet pas de prendre part aux courses.

 

Conclusion

 

Oui, cela m’inquiète profondément. J’ai peur d’être privé, longtemps encore, du talent qu’est Jorge Martin. J’ai comme l’impression qu’il « force sa chance » comme disent nos amis anglo-saxons, qu’il cherche à combler un vide au prix de sa santé. Désormais que c’est lancé, je ne peux qu’espérer deux choses : qu’il s’en tienne à ce qu’il nous a dit à l’instant, c’est à dire, qu’il redoublera de prudence, et qu’il ne soit pas mêlé à des accidents dans lesquels il n’aurait aucune responsabilité.

Selon vous, est-ce un choix judicieux ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Dites-le-moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

Cet article vaut également pour Maverick Vinales, et peut-être davantage encore. Photo : Michelin Motorsport

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport

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