Raul Fernandez est enfin vainqueur en MotoGP ! Quatre ans après son arrivée, l’Espagnol a remporté sa première course en catégorie reine… et je ne vois personne s’en émouvoir. C’est un sentiment que je peux comprendre, et, pire, que je partage. Explications.
Très fort, oui, mais…
Certes, Raul Fernandez ne m’a jamais fait rêver. Mais, d’habitude, je suis plutôt content quand un jeune remporte la mise. Vous savez, je suis bon public : l’histoire de Fabio Di Giannantonio m’avait touché fin 2023, tout comme celle de Miguel Oliveira avant lui, etc. Globalement, j’aime les beaux perdants, ceux qui donnent tout, qui traversent des passes difficiles, et qui rebondissent. Et Fernandez, à y réfléchir, coche toutes ces cases : exceptionnelle saison rookie en Moto2, presque récompensée du titre 2021, années très discrètes en MotoGP, aucun coup d’éclat, et puis, la renaissance.

Difficile de croire qu’il a gagné avant Pedro Acosta. Photo : Michelin Motorsport
Aussi fou que cela puisse paraître, ses cris de joie qui témoignaient une passion indéniable m’ont laissé de marbre dimanche matin. Puis, après la course, un tour sur les réseaux sociaux – reflet de notre monde, qu’on le veuille ou non – m’a fait comprendre que je n’étais pas tout seul, que ce soit du côté français ou à l’international. Personne ne semblait particulièrement ému par cette victoire entièrement méritée d’un pilote qui a longtemps galéré.
Mais alors, pourquoi ce sentiment ? J’ai quelques pistes, que je vais vous partager. Premièrement, Raul Fernandez n’est pas si attachant que Fermin Aldeguer, qui, lui aussi, s’est imposé pour la première fois il y a quinze jours. Il n’y peut sans doute rien, le pauvre, mais je ne peux m’empêcher de me remémorer ses paroles sur Remy Gardner, ainsi que cette affaire contractuelle au moment de son accession en MotoGP. Après tout, c’est le drame de l’histoire : certains ont des gueules qu’on aime, certains des gueules qu’on déteste, et certains des gueules qu’on aime détester. Le problème, c’est que Raul Fernandez, d’après moi, car c’est là une considération éminemment subjective, ne rentre dans aucune des cases susnommées. Il me laisse indifférent, de la personnalité à la décoration de casque en passant par ce triste numéro 25 blanc.
Raul Fernandez face à un MotoGP faible
Bon, mais ce n’est pas tout. Ce seul argument ne peut expliquer le manque d’engouement suite à sa victoire. Raul Fernandez a eu le malheur de gagner au pire moment, dans la pire saison. Il n’y peut pas grand-chose, là encore, mais c’est ainsi qu’est écrite l’histoire. Les saisons où de nombreux vainqueurs se succèdent ne sont jamais bonnes pour le sport, historiquement, car la victoire est par le fait dévaluée. C’est une thèse que j’ai déjà exposée : depuis l’introduction de l’ECU unique, de nombreux pilotes peuvent jouer la victoire. On se rappelle bien plus d’un succès acquis dans une année très compétitive où peu de noms différents se détachent (Sarron en 1985 à Hockenheim, par exemple, Elias au Portugal en 2006 ou Zarco à Phillip Island en 2023), que d’une victoire dans une année où sept à neuf pilotes différents s’imposent (Vinales à Misano en 2020 ou Miller au Japon en 2022).
De plus, le MotoGP actuel est sans doute le plus faible qu’il m’ait été donné de voir. Déjà, l’année est l’une des plus ennuyeuses de toute l’histoire motocycliste, au moins depuis la fin du règne de Giacomo Agostini. Aucune bataille pour la victoire, aucun suspense, aucune course tendue. J’aurai l’occasion d’en reparler en fin de saison. Comme si cela ne suffisait pas, Marc Marquez, le champion qui a tué toute concurrence, est blessé, et sera probablement absent jusqu’à la fin de l’année. Jorge Martin, titré l’année précédente, est lui aussi ailleurs, après une terrible saison passée à l’hôpital. Pecco Bagnaia, que l’on sait pourtant capable de se battre pour la couronne, traverse une crise et a perdu le mode d’emploi de la Ducati Desmosedici. Rajoutez à cela l’absence de Fabio Quartararo aux avant-postes, la dernière « star » du championnat – car il est très apprécié en France comme à l’étranger –, et vous obtenez un MotoGP très pauvre en substance.

Va-t-il confirmer ? Photo : Michelin Motorsport
Mais reste encore un paramètre, sans doute le plus important d’entre tous. Si encore, Raul Fernandez avait gagné une bataille acharnée contre « Diggia » et Pedro Acosta, cela nous aurait marqués davantage. Le problème, c’est qu’avec la pénalité de Marco Bezzecchi, qui semblait être le seul en mesure de rivaliser – voire de battre largement – Raul Fernandez, tout suspense fut anéanti dès le septième tour. Quand l’on cumule les trois points cités, forcément, ça ne résulte pas en une course mémorable… et un vainqueur mémorable. Ce sentiment ne peut qu’être appuyé par la déception procurée par ce rendez-vous habituellement très attendu des fans de MotoGP. Je crois que jamais je ne m’étais autant ennuyé devant la course à Phillip Island depuis les années Stoner.
Conclusion
N’allez surtout pas croire que je veux diminuer l’exploit de Raul Fernandez, qui, comme dit précédemment, mérite largement sa victoire. J’aurais aimé être touché davantage, comprenez-le bien, et je m’en veux presque. Mais je me dois aussi d’être honnête avec vous, chers lecteurs. Il a d’ailleurs fait une épreuve parfaite, de bout en bout. Raul est, d’après moi, victime du contexte, exactement comme d’autres avant lui dans l’histoire. Nous pouvons penser à Dani Pedrosa à Sepang en 2015, par exemple, course dont nous reparlerons très bientôt. Je tiens à le féliciter, car il a l’air d’être un vrai passionné, qui a effectivement traversé pas mal de saisons difficiles avant d’en arriver là. Chapeau à lui et à Trackhouse Racing qui font briller haut les couleurs des États-Unis, pays historique de notre championnat bien aimé.
Je suis curieux d’avoir votre avis concernant cet article. Avez-vous été marqué par la victoire de Raul Fernandez ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

Davide Brivio a désormais gagné avec trois marques : Yamaha, Suzuki, et Aprilia. Photo : Raul Fernandez
Photo de couverture : MotoGP