Parlons MotoGP : Voici pourquoi Yamaha prend un énorme risque

C’est désormais officiel depuis plus d’une semaine : Toprak Razgatlioglu rejoindra Pramac Yamaha en MotoGP, dès 2026. Forcément, il y a beaucoup à dire sur ce transfert anachronique, et je dois avouer que je ne m’y attendais pas.

 

Toprak chez Pramac Yamaha en MotoGP, une surprise ?

 

Oui, j’ai été assez surpris de cette annonce. Certes, cela faisait un certain temps que c’était dans les tuyaux, mais depuis plusieurs années, on annonçait régulièrement Toprak en catégorie reine sans que cela ne se fasse. Forcément, au vu de son âge – paramètre dont je reparlerai –, je pensais que c’était trop tard. Mais non, Yamaha, par l’intermédiaire de son équipe satellite, a décidé de recruter Toprak pour la saison 2026. Il faut dire que c’est totalement à contre-courant, car les pilotes venus du Moto2 sont finalement très bons en MotoGP. Depuis longtemps, le Superbike est un championnat à part, qui n’a plus vocation à faire percer de nouveaux éléments. C’est même tout le contraire, car, c’est triste à dire, mais c’est actuellement un refuge pour ceux qui n’ont pas réussi en mondial ou qui sont trop vieux pour y figurer. Malheureusement, les exemples ne manquent pas.

 

 

C’est en cela que ce transfert est presque anachronique. Qui est le dernier transfuge marquant ? Cal Crutchlow vient de ce monde, plus précisément du Supersport, mais n’a disputé qu’une saison complète en Superbike, c’est pour cette raison qu’il est incomparable à Toprak. Je ne vois personne d’autre que Ben Spies, absolument incroyable en WSBK lors de la saison 2009. En MotoGP, alors qu’il bénéficiait d’un très bon guidon officiel Yamaha, il n’a jamais vraiment explosé, et a même beaucoup déçu. Sa carrière au plus haut niveau s’est terminée quelques courses seulement après le début de saison 2013, c’est dire. D’accord, il y a une victoire à Assen et une belle deuxième place à Valence, mais à une époque où quatre à cinq machines seulement pouvaient s’imposer. Il ne faut pas réécrire l’histoire parce que son casque était magnifique : le passage de Spies en MotoGP était un échec.

 

Un grand risque

 

Honnêtement, je ne comprends pas trop cette décision. J’ai du mal à saisir ce que Toprak Razgatlioglu pourrait apporter à l’entreprise japonaise, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il est assez âgé pour arriver en MotoGP : à 28 ans déjà, il n’est plus tout jeune, et donc, moins enclin à absorber de nouvelles informations. Je ne nie aucunement son grand talent, qui lui a permis de décrocher deux titres en WSBK, mais j’ai déjà dit dans un précédent article que je n’avais pas une grande estime de cette catégorie, largement inférieure à ce qu’elle était au début des années 2000. Toprak gagne, fait le show et célèbre, oui, mais devant qui ? Alvaro Bautista, 40 ans, qui n’avait plus sa place en MotoGP lorsqu’il a fait la transition ? Nicolo Bulega, qui a raté son passage en mondial ? Danilo Petrucci – troisième du championnat –, qui, lui aussi, n’avait plus d’option pour rester en MotoGP ? Cela ne m’impressionne guère, mais n’y voyez pas là un manque de respect. Je pense simplement que le Superbike est un cran en dessous ; le Turc n’y peut rien.

De ce fait, choisir Toprak en 2025 est un grand risque, car Yamaha a un projet à assumer. Les moyens ne manquent pas à Iwata, certes, mais ce n’est pas une raison pour gâcher des occasions. Vu que la moto est plutôt performante depuis quelques courses, notamment grâce aux exploits individuels de Fabio Quartararo, j’aurais aimé voir un jeune loup issu du Moto2 aux manettes. Quelqu’un qui apporte une certaine fraîcheur, une explosivité, un peu comme Pedro Acosta en 2024. Encore une fois, je regrette que Yamaha ne s’intéresse pas à Aron Canet qui est l’un des pilotes les plus réguliers en mondial toutes catégories confondues depuis le début de sa carrière. La grille Moto2 regorge d’immense talents : il n’y a qu’à voir où Fermin Aldeguer se situe actuellement alors qu’il était dépassé par la concurrence en 2024. Plus incroyable encore : Manuel Gonzalez, leader du championnat, n’est même pas au centre des rumeurs. L’essai proposé par Trackhouse Aprilia était juste un cadeau, car apparemment, l’écurie ne cherche pas de sang frais pour l’instant.

 

 

À mon sens, l’arrivée de Toprak bouche encore un peu plus l’accès à la catégorie suprême, ce qui n’est pas bénéfique. Rien n’indique qu’il sera véritablement performant : lors de son unique test MotoGP, il n’avait pas particulièrement brillé. Espérons que Yamaha ne se tire pas une balle dans le pied avec ce pari, car je suis persuadé que le plateau Moto2 regorge de talents plus sûrs qu’il était difficile d’ignorer.

 

Des avantages évidents

 

Tout n’est pas noir non plus. La firme aux diapasons n’a pas seulement recruté un très bon pilote Superbike, mais aussi une superstar, appréciée partout sur le globe. Hormis Marc Marquez et Fabio Quartararo, personne, actuellement, ne plaît autant à l’international. Toprak est animé par le sens du spectacle, dont l’expression est aussi permise parce qu’il joue devant, bien entendu. L’avoir avec soi, c’est l’assurance de bénéficier d’une exposition médiatique folle, ce qui n’est jamais négligeable du point de vue économique.

De plus, il faut rappeler qu’il est turc : le pays à cheval entre l’Asie et l’Europe est un énorme marché trop peu représenté en sports mécaniques. Là-bas, il est une icône, et un ambassadeur intéressant pour quiconque l’emploie, forcément.

 

Conclusion

 

Je comprends aisément que son profil intéresse une équipe MotoGP. Toprak est un personnage à part dans le monde motocycliste, mais je trouve simplement que son recrutement n’est pas une si bonne idée à ce stade du projet Yamaha. J’aurai l’occasion d’en reparler, mais je pense malheureusement qu’il ne réussira pas à imposer sa personnalité en catégorie reine. Après tout, qu’il me fasse mentir !

Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de la future arrivée de Toprak. Dites-le-moi en commentaires !

 

 

Photo de couverture : Toprak Razgatlioglu