Il est l’heure de débriefer cette saison. Comme tous les hivers depuis deux ans, cette chronique analyse en détail la campagne de chaque pilote, du moins bien classé au champion du monde. Il s’agit là d’apporter un point de vue argumenté sur la performance de chacun de nos héros, afin d’en discuter tous ensemble. Vous êtes prêts pour ce nouveau volet, consacré à Brad Binder ? C’est parti !
L’épisode d’hier était consacré à Johann Zarco ; retrouvez-le en cliquant ici.
La plus grosse déception de l’année
Dans mon article sur Joan Mir – que vous pouvez retrouver en cliquant ici –, les plus curieux d’entre-vous ont pu constater que malgré les critiques émises à son sujet, je ne lui ai pas attribué le titre de « déception de l’année ». Non, cette saison, la palme revient aisément à Brad Binder, il n’y a même pas de débat.

Brad Binder a parfois manqué de chance, il est vrai, mais il a aussi eu des occasions de s’exprimer. Photo : KTM
Je n’ai jamais été fan de l’officiel KTM. Cependant, en 2022 comme en 2023, j’étais forcé de reconnaître son talent, d’autant qu’il l’avait exprimé de deux manières différentes. Durant la première de ces campagnes, il avait été un monstre de régularité, terminant à la sixième place du championnat. Rien ne pouvait le perturber. Puis, en 2023, il s’est transformé en un pur attaquant, qui n’avait pas peur d’aller au charbon face à Jorge Martin ou Pecco Bagnaia. Même si je lui reprochais parfois sa maladresse, il avait réussi à terminer quatrième du général, non sans avoir été en bataille pour la troisième place jusqu’aux dernières courses.
Nous admirions un pilote flamboyant, qui n’avait jamais peur. Certes, il ne gagnait pas le dimanche, mais son approche en faisait un élément électrisant. Il était à la hauteur de sa réputation : il ne faut pas oublier que comme Pedro Acosta, Brad Binder était vu comme un crack à son arrivée en MotoGP lors de la saison 2020, et d’ailleurs, contrairement à Acosta, il a réussi à s’imposer dans son année rookie.
Dès lors, je n’avais aucun mal à dire qu’il était l’un des trois meilleurs pilotes du monde quand je prenais un peu de recul. Je l’imaginais être le futur de KTM, l’incarnation de cette marque, même, en témoignait ce contrat exceptionnellement long. De plus, fin 2023, il n’avait que 28 ans, ce qui restait relativement jeune. Oui, j’attendais une explosion, une consécration. Et jamais elle ne vint.
Mes doutes pointèrent le bout de leur nez en 2024. Au terme d’une saison très solide mais éminemment discrète, je me demandais s’il n’avait pas dominé ses coéquipiers pendant toutes ces années parce que ceux-ci n’étaient tout simplement pas au niveau. À part l’irrégulier Miguel Oliveira, qui est toujours le dernier vainqueur d’un Grand Prix pour KTM à l’heure où ces lignes sont écrites, il n’avait jamais connu de collègue fort. Mais l’arrivée de Pedro Acosta a tout remis en question.
En 2025, Brad Binder a été extrêmement décevant. Aucune victoire, pour la quatrième saison consécutive. Aucun podium. Aucun top 3 en Sprint. Il termine 11e du classement général, et prend une valise par Pedro Acosta.
Les comparaisons qui font mal à Brad Binder
Pour la première année depuis leur arrivée en MotoGP, KTM avait, cette saison, quatre excellents pilotes. À vrai dire, il s’agit sans doute du meilleur contingent si l’on observe seulement les noms. Acosta/Binder/Bastianini/Vinales, vous rendez-vous compte ? Eh bien, tous sauf Binder sont montés sur un podium cette année. La comparaison avec Acosta, son coéquipier, est extrêmement douloureuse. Binder prend 22-0 en qualifications, il n’a jamais battu Pedro Acosta le samedi matin. Ensuite, aux points, ce n’est même pas comparable : Il y a 152 unités d’écart entre les deux pilotes. Et puis, quand on regarde les courses, c’est encore plus édifiant. Là où Acosta réussissait à menacer les plus forts sur la deuxième partie de saison, Binder demeurait très discret.

Pedro Acosta, en 2024, pour sa première année, était déjà à son niveau. C’était un premier indice. Photo : KTM
Car c’est là le plus étrange : la KTM RC16 semblait performante après le Grand Prix de Tchéquie ! Enea Bastianini, qui la découvrait, arrivait à la placer très haut en course. Oui, Binder aussi a profité de ce retour de la marque de Mattighofen tard dans l’année, mais n’a jamais fait mieux que quatrième, résultat obtenu par Maverick Vinales au bout du cinquième Grand Prix.
On ne peut pas écrire l’histoire avec des « si », mais j’aime quand même le faire. Si Bastianini n’avait pas complètement perdu le fil après avoir trouvé les bonnes solutions en Tchéquie et si Maverick Vinales ne s’était pas blessé en Allemagne, je pense, tenez-vous bien, que Brad Binder aurait terminé dernier des pilotes KTM. Ce n’est là qu’une supposition, bien sûr, mais je crois réellement que ça ne se joue pas à grand-chose.
Le problème, c’est que je commence à refaire le film entier. En 2023, Binder jouait devant, oui, mais qui d’autre avions-nous pour nous assurer qu’il n’était pas porté par la KTM ? Jack Miller ? Augusto Fernandez rookie ? Un Pol Espargaro blessé ? Pedro Acosta, avec cette RC16 forte du début (rappelez-vous Jerez et les premières manches), n’aurait-il pas carrément pu se battre pour le titre mondial au guidon de cette moto, au vu des prestations assez irrégulières de Jorge Martin et Pecco Bagnaia cette année-là ? Ces questions sont tout à fait légitimes, car pendant trop longtemps, Binder n’a jamais eu de concurrence chez KTM.
Conclusion
Brad Binder doit réagir au plus vite. À mes yeux, aucun pilote sur la grille n’a connu une telle décote depuis deux ans, je ne peux pas mieux le formuler. Il est passé d’un futur prétendant au titre mondial à un pilote du milieu de grille qu’on ne voit jamais à l’écran. Pour l’année prochaine, KTM lui assignera un nouveau chef mécanicien en la personne de Phil Marron, qui s’occupait, jusqu’ici, de Toprak Razgatlioglu en Superbike. Son ancien chef mécano’, Andres Madrid, lui a été ôté (au profit de Bastianini) car KTM voulait rompre cette espèce de routine qui s’était installée entre les deux amis. Peut-être est-ce la clé, mais ce qui est sûr, c’est qu’il va devoir la trouver rapidement s’il ne veut pas rentrer, dans quelques années, dans la case des « talents générationnels qui n’ont finalement rien donné ».
Qu’avez-vous pensé de la saison de Binder ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l’entièreté de la rédaction.

L’année prochaine sera décisive pour Brad Binder. Photo : KTM
Photo de couverture : KTM




























