En 2027, le MotoGP changera de visage. Michelin s’en va, Pirelli arrive, et avec lui une philosophie radicalement différente du pneu de course. Un basculement majeur, presque idéologique, que Giorgio Barbier, directeur de Pirelli Racing, assume pleinement. Mieux : il s’en réjouit. Mais derrière le discours posé, une question brûle déjà toutes les lèvres dans le paddock : ce MotoGP version Pirelli sera-t-il plus libre… ou plus dangereux ?
À partir de 2027, Pirelli quittera le WorldSBK pour se consacrer exclusivement au MotoGP. Un choix stratégique, rendu possible par le retrait de Michelin et par la nouvelle réglementation (moteur 850 cc, pneus standardisés nouvelle génération).
« Nous sommes très satisfaits des progrès réalisés en Superbike et, parallèlement, nous nous préparons à relever ce nouveau défi en MotoGP », explique Barbier à GPone.
Contrairement à Michelin, Pirelli ne veut pas créer un pneu “hors-sol”, uniquement adapté aux prototypes. Sa doctrine est claire : continuité entre la course et la série.
« Les caractéristiques des pneus Pirelli en MotoGP resteront identiques à celles utilisées par les pilotes en championnat WSBK. Nous ne sommes pas là pour copier. » Un message limpide : Pirelli ne fera pas du Michelin-bis.
Si 2025 a été consacrée au développement des pneus arrière, 2026 sera l’année du pneu avant, le plus délicat à mettre au point en MotoGP.
« Le pneu avant est toujours le plus difficile. Le choix est unique, et nous voulons élargir notre gamme. »
La promesse de Pirelli repose sur un mot-clé : feedback. Le pilote doit sentir la limite, pas la découvrir par terre.
« La principale caractéristique de nos pneus restera la réactivité de l’avant, cette capacité à informer le pilote sur ce qui se passe. »
Barbier Pirelli : « j’espère un MotoGP où chacun pourra s’exprimer pleinement, en toute confiance »
Un discours qui tranche avec certaines critiques adressées à Michelin ces dernières années.
Ironie de l’histoire : la philosophie Pirelli moto vient du monde auto. « Pirelli avait une mentalité automobile, F1 et rallye. Les premières machines produisaient des pneus carrés… les rendre ronds nous a pris plus d’un an », raconte Barbier en souriant.
Deux prototypes initiaux : un profil “poire” pour tourner vite et un profil plat pour freiner fort. Résultat ? « L’un ne tournait pas, l’autre s’arrêtait trop tôt. »
C’est de cette erreur fondatrice qu’est née la signature Pirelli actuelle, très appréciée en Superbike.
Un point intéressant : Toprak Razgatlioglu retrouvera Pirelli en MotoGP, tandis que Nicolò Bulega testera déjà les pneus en tant que pilote d’essai Ducati.
« Bulega aura probablement un avantage. Il testera beaucoup nos pneus, contrairement à Toprak qui devra repasser par Michelin avant de revenir chez nous. »
Mais la vraie inconnue n’est pas là. Le nom revient comme une obsession : Marc Marquez.
Barbier ne cache pas sa fascination : « Marc a appris par lui-même ce que signifie repousser les limites. Il est devenu plus sensible. Il chute encore, mais avec moins de violence. Il cherche toujours la limite. »
Et c’est précisément là que tout se jouera. « Ce qui m’intriguera le plus, ce sera sa façon d’interagir avec notre pneu avant. »
En clair : si Marquez comprend et exploite le pneu Pirelli, tout le MotoGP suivra. S’il le met en difficulté, c’est toute la philosophie qui sera remise en cause.
Barbier refuse le terme, mais glisse une idée forte : « j’espère un MotoGP où chacun pourra s’exprimer pleinement, en toute confiance. »
Les essais de Misano ont été rassurants, mais prudence : « avant chaque séance, nous avions des doutes. Et c’est normal. »
Pirelli n’arrive pas pour lisser le MotoGP. Il arrive pour le transformer. Plus de ressenti, plus de responsabilité pilote, moins de béquilles artificielles. Et au centre de cette mutation, un homme : Marc Marquez.
S’il dompte le pneu Pirelli, ce MotoGP 2027 pourrait redevenir un championnat de pilotes. S’il échoue, la polémique sera immédiate. Une chose est sûre : le MotoGP n’a jamais autant joué avec le feu… et avec ses pneus.
