Il y a quelques jours, Andrea Iannone a déclaré qu’il aimait les pilotes charismatiques, et qu’il était plus sensible au charme d’un Rossi que celui d’un Marc Marquez, par exemple. C’est subjectif, bien sûr, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse aujourd’hui. Dans cette interview, il a aussi cité un pilote totalement oublié de nos jours : Marco Lucchinelli. Pour une fois qu’un pilote actuel rend hommage à quelqu’un dont la meilleure période en carrière date d’avant les années 1990, ça mérite qu’on en parle. Voici son histoire.
Marco Lucchinelli commence sa carrière sur Laverda, tout comme Franco Uncini, autre italien avec qui il partagea le destin, en quelque sorte. Lui préfère l’endurance, et se fait remarquer suite à de belles piges dans des courses de longue distance. Son style de pilotage le caractérise. Il envoie du bois sec dès ses premières années. Le natif de Bolano interpelle Yamaha, et se voit offrir une pige en 350cc au Grand Prix des Nations à Imola, en l’an 1975. Terminant 7e, il fait très forte impression.

Un profil unique.
C’est une pépite comme il y en a peu. Suzuki Gallina y voit un gros potentiel, et décide, pour sa deuxième année seulement au plus haut niveau, de lui donner un guidon de choix en 500cc, la catégorie reine. Dans la formation, il est seul en 1976, ce qui est parfois un handicap pour un rookie. Mais lui n’aime pas les généralités. Pour sa première course, il est déjà le plus rapide en piste et monte sur la 3e marche du podium. Une manche plus tard, il est déjà 2e.
Même si le soufflé retombe (comme lui d’ailleurs, son style de pilotage favorisant les chutes) dans les courses suivantes, il parvient à se hisser 4e du championnat du monde. Mais comme Uncini, ce ‘golden boy’ galère pendant quelque temps. La faute, majoritairement, à des faux pas en course. Il gagne alors le surnom ‘Crazy Horse’, ou ‘cheval fou’ en français, d’après son style bestial.
Entre 1977 et 1979, il ne termine que 14 courses sur 30. Il n’est jamais sorti du top 10 quand il voyait le drapeau à damier. Mais c’est aussi pour cela que l’on aime ces légendes, et qu’Andrea Iannone l’a cité. Certes, ça ne paye pas au général, mais on voyait un guerrier en mission, un animal tentant de maîtriser la mythique RG500. Cependant, sa première victoire met du temps à arriver. À plusieurs reprises, il ne passe pas loin, mais échoue dans les derniers instants. Tout se débloque en 1980 : il commence à enregistrer ses premières pole positions, mais chute encore trop souvent pour tenir la distance face au roi Kenny Roberts et Randy Mamola. Il termine l’année sur une belle victoire en Allemagne, et avec la troisième place du championnat.
L’année 1981 s’annonce épique. Randy Mamola, autre chien fou, arrive aussi à maturité. Randy entame l’année parfaitement, et tient un solide rythme durant le premier tiers de la saison. À Monza, Lucchinelli termine à une frustrante 5e place après avoir signé la pole et décide de passer la démultipliée. Marco, il ne fallait pas l’énerver. Il signe six pole positions d’affilée (!) et quatre victoires en cinq courses. Le championnat est d’ores et déjà emballé.

Ici en 1980. Pour l’anecdote, il a même testé pour Brabham en F1.
Avec cette série de coups de massue, l’avantage psychologique est pris sur Mamola. Seule une course ratée à Silverstone permet à l’Américain d’espérer, mais c’est plié une course plus tard, en Finlande. La pole, le meilleur tour en course, la victoire sur Mamola avec 20 secondes d’avance. Merci, au revoir. Le titre de champion du monde est amplement mérité. Un champion du monde fait de feu, de flammes, mais qu’on a pourtant tendance à oublier. Pour 1982, ce dernier décide d’accepter le challenge Honda, et laisse sa place à… Franco Uncini, bientôt champion du monde avec son ancienne monture, la Suzuki.
Après une disette de deux ans, il accepte l’offre de Cagiva, mais c’est déjà la fin. Il décide de mettre un terme à la moto au plus haut niveau au début de l’année 1986. Pourtant, on l’apercevra sur quatre roues, en bon passionné. Il décidera même de remonter sur une Ducati en Superbike, pour prendre deux victoires en 1988 et la 5e place du championnat.
Marco Lucchinelli, comme Franco Uncini d’ailleurs, est un homme très difficile à classer. Les deux sont champions du monde, et restent dans les mémoires de ceux qui ont senti la gomme cramée et les bruits stridents à l’aube des eighties. De vrais arsouilleurs, des purs Italiens. Je suis assez content qu’un pilote de la trempe d’Andrea Iannone lui ait rendu hommage.
Connaissiez-vous ce pilote champion du monde ? Dites-le-moi en commentaires !

Ici avec Boet Van Dulmen à Assen en 1981, l’année de son titre. Photo : ANEFO
Photo de couverture : MotoGP































