Aujourd’hui, penchons-nous sur ce qui est peut-être le plus beau comeback d’une marque en Grands Prix. Cet épisode Rétro se focalisera sur Ducati, de la descente aux enfers aux titres constructeurs enfilés comme des perles. Si vous pensez que la firme de Borgo Panigale domine depuis toujours, détrompez-vous…
Revenons au début des années 2010, il y a déjà 15 ans (ça file). Ducati a connu des déceptions en chaîne à l’aube de cette décennie. Années galère ? C’est le mot. Valentino Rossi et Nicky Hayden n’ont pas réussi à prendre une seule victoire en deux ans. La légende de Tavullia claque la porte fin 2012 pour revenir chez Yamaha, et les rouges doivent composer avec Andrea Dovizioso. Il est un pilote respecté, ayant réalisé de belles performances chez Honda Repsol, puis chez Yamaha Tech3.
Une époque qu’aimeraient bien oublier les fans de Rossi…
Mais sans se mentir, son nom est moins vendeur. La discrétion le caractérise, mais il a démontré qu’il savait se montrer rude en piste : Cal Crutchlow en sait quelque chose. La saison 2013 est une purge. Un Nicky Hayden sur le déclin ne peut faire mieux que neuvième au général, tandis que l’Italien découvre la machine avec une décevante huitième place au classement.
Pas un podium de la saison. Des chutes. Bref, tout va mal chez Ducati. Ceci est d’autant plus impressionnant quand l’on sait qu’il y a trois ans à peine, Casey Stoner parvenait à remporter plusieurs courses et à inquiéter les meilleurs.
La direction doit réagir. C’est pourquoi un sorcier du nom de « Gigi » Dall’Igna est mentionné. Ce dernier est décrit comme un excellent metteur au point et visionnaire hors pair qui a su faire marcher Aprilia par le passé, et ce dans toutes les catégories. La firme de Borgo Panigale lui attribue le poste de directeur de la compétition, en lieu et place de Bernd Gobmeier.
La formation est consciente que ceci prendra du temps. Paolo Ciabatti ne s’enflamme pas, tandis que Cal Crutchlow voit son arrivée d’un très bon œil. La magie opère. Dall’Igna trouve en Dovizioso un pilote délicat, intelligent, qui comprend sa vision. La philosophie Ducati change, et les problèmes liés à la partie cycle s’effacent lentement. Le visage de la marque se transforme dès 2015, où les motos n’ont plus les mêmes traits que les versions précédentes.
Un Andrea Iannone prometteur (qui remplace un Crutchlow décevant), rejoint les rangs (cinquième au général), tandis que ‘Dovi’ effectue une saison en dent de scie. La partie cycle est toujours meilleure, et le Desmosedici étale une vitesse de pointe hallucinante. Dès 2016, on annonce le moteur Ducati comme étant le meilleur du plateau.
Cette même année devait voir les Ducati au sommet. Hélas, quand le sort s’acharne, difficile de lutter. Après une deuxième place au Qatar, Dovizioso est fauché par son coéquipier dans l’avant dernier virage du Grand Prix d’Argentine, puis par Pedrosa au premier virage du circuit des Amériques alors qu’il occupait la troisième position.
Mine de rien, Andrea Iannone avait un sacré potentiel. Je ne pense pas qu’il soit allé au bout de ce qu’il pouvait faire. Photo : Michelin Motorsport
La série noire continue à Jerez, où un problème mécanique le force à l’abandon. Au Mans, c’est une inexplicable chute similaire en tout point à celle de Marc Márquez qui met fin à sa course. À partir de là, trop de retard au championnat pour espérer quoi que ce soit : une saison déjà en péril après cinq courses seulement. Il est difficile d’imaginer la frustration des officiels Ducati. Mais Dovizioso et Dall’Igna, savent, au fond d’eux, que les efforts finissent un jour par payer, en témoigne la conservation de la ligne directrice établie pour le développement. Finalement, et contre toute attente, c’est l’autre Andrea qui fait gagner la machine sur le circuit de Spielberg, six ans après le dernier succès de Stoner. Dans une saison très ouverte, Dovi remporte aussi sa course à Sepang.
Rien ne pouvait les arrêter. Jorge Lorenzo décide de faire le pas en direction des rouges, mais Dovi reste le maître à bord. Il faut prendre un instant pour le saluer. Nous parlons d’un pilote discret mais dur au mal, qui a su transformer sa frustration en motivation pour réaliser de magnifiques saisons 2017, 2018 et 2019, soit trois titres de vice-champion du monde. Nous parlons d’un pilote autrefois malchanceux mais qui n’a jamais rien lâché, donnant toujours le meilleur de lui même en piste, et montrant que oui, battre Márquez n’est pas impossible.
L’arrivée de Dovizioso, puis de Dall’Igna représente un tournant majeur de cette décennie. D’écurie à éviter à formation de rêve jouant le titre chaque année, il y a eu du chemin de parcouru. En un sens, je pense que « Desmodovi » et Lorenzo ont façonné la moto si souvent victorieuse aux mains de Bagnaia, Martin et consort.
Avez-vous vécu cette évolution depuis le départ de Stoner pour Honda ? Dites-le-moi en commentaires !
Andrea Dovizioso n’est pas passé loin d’un titre mondial à Valence en 2017. Ça s’est joué à une perte de l’avant rattrapée dans le premier virage. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport
