Le patron de Bajaj Auto, Rajiv Bajaj, ne fait pas dans la demi-mesure. Dans une interview récente à CNBC-TV18, il a affirmé à voix haute ce que beaucoup murmuraient : « l’industrie manufacturière européenne est morte ». Les ouvriers de KTM à Mattighofen en frémissent encore.
KTM, marquée par une crise financière majeure, a accumulé une dette estimée entre 1,8 et 2,2 milliards d’euros avant de déposer le bilan fin 2024. Le constat est sans appel : entre des stocks monstrueux (jusqu’à 182 000 motos invendues à la fin de 2024) et une production stoppée temporairement, KTM se trouve à un tournant.
Bajaj ne propose pas des solutions tièdes. Il prône une réforme en deux temps : d’abord, redéfinir KTM comme une marque premium, épurer les gammes produits (« trop de déclinaisons tue la marque »), et recentrer les efforts sur l’essentiel.
Ensuite, baisser les coûts de production drastiquement, ce qui pourrait passer par un transfert de l’assemblage hors d’Europe. Bajaj évoque l’exemple de Triumph, dont la production a largement migré vers l’Asie.
« À titre d’exemple, Triumph a déménagé 100 % de sa production vers la Thaïlande, il y a 15 ans. Si Triumph a pu le faire, pourquoi KTM ne le ferait pas ? »
Bajaj ajoute un constat choc : les KTM fabriquées en Inde rapportent un EBITDA supérieur à 30 % — un chiffre difficile à ignorer quand on regarde les marges.
Les réactions KTM en Europe : déni ou panique ?
Du côté de Mattighofen, la réaction a été contrastée. Le CEO de KTM, Gottfried Neumeister, a tenté de calmer le jeu en déclarant sur GPone qu’« aucun plan de délocalisation n’était à l’étude pour le moment ». Une déclaration qui sonne comme un contrepoint ferme… mais qui peine à dissiper l’inquiétude, tant les mots de Bajaj résonnent fort.
La vision de Bajaj est ambitieuse, mais elle pose une question majeure : quel avenir pour KTM si l’Europe perd son rôle de base industrielle et technologique ?
Transférer la production en Inde pourrait assurer la rentabilité, mais au risque de fragiliser l’image “Made in Austria” qui a longtemps incarné l’identité KTM. Déménager l’usine, c’est aussi potentiellement sacrifier le cœur historique du motocyclisme autrichien — et laisser des milliers d’emplois dans l’air. Et surtout, laisser entendre que la production européenne est “moribonde” relance le débat sur l’âme du trigramme de Styrie : marque de passion né à Mattighofen, ou simple usine mondialisée de motos premium ?
Bajaj l’a dit : « oui, il faut relancer KTM. Oui, il faut la sauver. Mais cela passe par un reset total : des coûts, une marque, une organisation. » Les prochains mois diront si ce “reset” sera une renaissance pour KTM… ou une rupture douloureuse avec ses racines.