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Gigi ‘Gadget’ Dall’Igna a sorti un nouveau tour de son chapeau. Lingénieur en chef de Ducati – l’homme qui a donné des ailes aux MotoGP en imposant les ailerons mais qui est également à l’origine des dispositifs de holeshots, des carénages de roues et bien plus encore que nous ne pouvons imaginer – a mis au point un gadget qui permet à ses pilotes de dompter encore mieux le puissant moteur du Desmosedici !

Un châssis à géométrie variable est l’un des plus grands rêves que les ingénieurs MotoGP cherchent à réaliser depuis des décennies. La géométrie – comme à peu près tout le reste sur une moto – est une histoire de compromis, car il est impossible de concevoir une moto qui fonctionne parfaitement dans les trois phases suivantes : freinage, virage et accélération.

Le dernier gadget de Dall’Igna est la suite logique de son dispositif de holeshot et réalise un travail similaire, en modifiant la géométrie et le centre de gravité de la moto pendant la phase de sortie de virage.

Une fois de plus, c’est une technologie empruntée à un autre sport mécanique : l’aéro est venu de la Formule1, le dispositif de holeshot du motocross et le réglage de géométrie du VTT. Simple, mais il fallait y penser!

Le pilote Pramac , Jack Miller, qui a testé le dispositif de holeshot fin 2018, a commencé à utiliser celui de correction d’assiette lors du GP de Thaïlande d’octobre dernier. Cette année, les quatre pilotes ayant une GP20 (Dovizioso, Petrucci, Miller et Bagnaia) ont pu le tester.

Lors des tests de Losail réalisés fin février, Miller a confirmé que cette fameuse manette a le même rôle que le dispositif de holeshot : il abaisse toute la moto pour éviter les wheelings et donc améliorer l’accélération.

La fameuse manette qui permet de modifier l’assiette de la moto en course

Mais comment se fait-il que Ducati utilise un tel dispositif, qui permet d’enfoncer la suspension arrière, alors que les ingénieurs MotoGP perfectionnent depuis de nombreuses années l’électronique pour améliorer les performances en sortie de virage, en évitant justement l’enfoncement de l’amortisseur (qui est suivi d’un wheeling) ? Il y a là une énorme contradiction !

En fait, pas vraiment, car même si l’électronique limite l’enfoncement de l’amortisseur en sortie de courbe via l’anti-wheeling, celui-ci est nécessaire pour permettre à la roue arrière d’être plaquée au sol. Le pilote appuie sur sa manette magique plus tard, une fois qu’il est quasiment hors du virage, alors qu’il entre dans la phase d’accélération et donc potentiellement, de wheeling.

En sortie de courbe, le correcteur d’assiette a donc le même rôle que les ailerons : il réduit physiquement les wheelings, de sorte que l’anti-wheeling géré par l’ECU n’a pas besoin d’entrer en fonction. Et c’est là que c’est utile, car lorsqu’il le fait, il diminue le couple disponible à la roue arrière, ce qui nuit à l’accélération.

La suspension et les ajusteurs d’assiette assistés électroniquement ont été interdits en 2010 par le règlement MotoGP. C’est pourquoi ce mécanisme est câblé et actionné hydrauliquement via une unité auxiliaire fonctionnant en parallèle avec l’amortisseur. Lorsque le pilote appuie sur l’interrupteur, le dispositif auxiliaire comprime l’amortisseur.

Mais il peut également avoir un autre intérêt (dont Ducati a dû « oublier » de nous parler) qui pourrait être encore plus important que l’utilisation revendiquée par l’usine pour son pilote.

Les dispositifs aérodynamiques mobiles – qui augmentent la force d’appui dans les courbes et réduisent la force d’appui sur les lignes droites – sont interdits en MotoGP. Mais aucune règle n’interdit de régler la hauteur de l’ensemble de la moto et ainsi d’abaisser la moto de quelques millimètres et de modifier l’angle aérodynamique de quelques degrés pour augmenter la vitesse de pointe. Est-ce que cela pourrait expliquer l’impressionnante vitesse de pointe de Ducati, passant de 351,6 km/h au GP du Qatar l’an dernier à 355,2 km/h lors des tests de pré-saison?

L’ingéniosité et la volonté de Ducati de décrypter le règlement du MotoGP de manière si intelligente est impressionnante, mais y aura-t-il des protestations si les constructeurs concurrents décident que l’ajustement aérodynamique est en fait le rôle principal de ce dispositif ?

Est ce vraiment une innovation?

La Elf GP 500

Le correcteur d’assiette de Ducati est peut-être nouveau en MotoGP, mais les ingénieurs luttent avec les compromis inhérents aux châssis de motos conventionnels depuis des décennies. Au début des années 1980, la Elf Honda 500 GP était équipée d’une barre de torsion qui permettait de connecter les suspensions avant et arrière. Ainsi, lorsque l’amortisseur arrière se comprimait lors de l’accélération, l’extrémité avant était forcée de descendre pour maintenir une position plus horizontale. Belle idée, mais la première moto d’Elf se comportait comme un fauteuil à bascule !

Le travail actuel de Ducati et de ses têtes pensantes est sacrément intéressant car il suggère que les performances en MotoGP atteignent un point où les cerveaux les plus aventureux cherchent à nouveau des alternatives à la conception de châssis conventionnels.

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