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Jacques Bolle, vainqueur de Grand Prix puis président de la Fédération Française de Motocyclisme de 2008 à 2020, s’est ensuite tourné vers d’autres activités, mais sa passion pour la moto reste bien intacte.

Rencontré fortuitement à Magny-Cours, cela nous a permis de recueillir ses propos sur sa nouvelle vie… et ses rapports actuels avec la course moto.

Jacques Bolle, pour nos plus jeunes lecteurs, on va remonter assez loin en rappelant que vous avez eu une carrière de pilote de GP, vous avez gagné un Grand Prix en 1983, puis que vous avez arrêté votre carrière peu de temps après. Quand et pourquoi ?
« J’ai couru 10 ans, dont 5 ans en Grand Prix, et il se trouve que l’écurie Pernod, dont j’étais l’un des pilotes officiels, ont eu des motos qui marchaient très bien quand j’ai fait une petite demi-saison avec eux en 83 en remplacement de Christian Estrosi qui s’était blessé. C’étaient des motos capables de remporter des Grands Prix, et pour cause. Mais l’année suivante, elles performaient nettement moins bien. Ce n’étaient plus des motos pour gagner, elles pouvaient rentrer dans les points, d’ailleurs, avec Jean-François Baldé mon équipier, on est souvent rentré dans les points, mais elles n’étaient plus capables de remporter des Grands Prix. Donc j’ai quitté cette écurie à la fin de l’année 1984. Et d’ailleurs, l’année suivante, ils sont tombés de Charybde en Scylla, ça a encore moins bien marché, et le team s’est arrêté à l’issue de cette saison 85.
Alors si tu veux, après avoir connu le sommet en 83 en remportant un Grand Prix, de me retrouver à me battre pour tenter de finir dans les 10, c’était démotivant, et je n’avais pas de solution qui m’intéressait fin 84. Donc j’ai préféré arrêter et me consacrer à autre chose. J’ai toujours travaillé à ma reconversion alors que j’étais pilote de Grand Prix, j’ai toujours anticipé. Donc j’avais des choses qui m’intéressaient à faire après ma carrière de pilote en Grand Prix, et donc je m’y suis consacré rapidement.” 

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Donc vous arrêtez en 85, et vous faites quoi ? 
“Alors j’ai fait 2 choses. Tout d’abord, je m’investis dans la Fédération. Alors évidemment, pas comme président la première année bien sûr, mais tout de suite je m’investis dans celle-ci. Et puis sur plan professionnel, je monte une structure d’organisation,
et j’organise des compétitions, notamment sur le circuit Carole. Par exemple, j’ai organisé la première manche de championnat France qui aujourd’hui s’appelle FSBK, à l’époque il s’appelait championnat Open.
Puis derrière j’organise des Promosport, des épreuves d’endurance.
Parallèlement, je reprends un restaurant et je m’en occupe pendant 4 ou 5 ans dans les années 90, c’était à Joinville-le-Pont. J’ai toujours fait plusieurs choses ensemble.
Puis je monte en responsabilité au sein de la Fédération.” 

Pourquoi cet investissement dans la FFM ? On comprend qu’il y a la passion de la moto, d’accord, mais il y a aussi beaucoup de pilotes qui arrêtent et qui font autre chose sans pour autant rentrer dans les institutions…
« Oui, mais écoute, l’intérêt général m’a toujours intéressé, donc moi je me suis dit que je pouvais m’investir, parce qu’en général les sportifs, dans toutes les fédérations d’ailleurs, sont toujours assez critiques vis à vis des instances fédérales. Mais pour ma part, je me disais qu’on pouvait peut-être améliorer les choses, que je pouvais peut-être apporter ma pierre à l’édifice. Et puis j’avais déjà été délégué des pilotes lorsque j’étais pilote, donc je connaissais un petit peu la Fédération. Et lorsque Olivier de la Garoullaye, le directeur de la communication de la Fédé, m’appelle en 1985 en me disant “écoute, il y a les élections
, est ce que ça t’intéresserait de te présenter ? Visiblement les affaires fédérales t’intéressent et on a besoin de jeunes. En plus, tu as une belle notoriété, avoir un jeune qui est connu, nous ça nous intéresserait”.
Je me suis présenté, j’ai été élu, mais à un poste relativement subalterne, j’ai été élu comme membre de la commission vitesse, c’est tout. C’était Jean-Pierre Moreau, à l’époque le patron du circuit du Mans, qui était le président de cette commission, mais celui-ci était justement très pris par le circuit du Mans, et rapidement il a vu que j’étais intéressé. Au bout de son mandat, il m’a demandé de prendre sa place, j’avais juste 30 ans
et je me suis retrouvé président de la commission vitesse de la Fédération en 1989.” 

Puis vous assurez la fonction de Président de la FFM, pendant combien de temps ? Une vingtaine d’années ? 
“Non, on ne peut pas, c’est limité dans le temps. C’est comme Macron :  Macron est limité à 10 ans, à la Fédération c’est 12 ans maximum, donc j’ai fait 12 ans de 2008 à 2020.  Après, se représenter, ce n’est p
lus possible.” 

Vous quittez la FFM, visiblement, on y reviendra plus tard, toujours avec la passion de la moto. Mais aujourd’hui, est-ce que vous continuez à regarder les Grands Prix? 
Oui, bien sûr, mais pas systématiquement. Je veux dire que j’ai d’autres points d’intérêt. Je sais qu’il y a des gens qui ne rateraient pour rien au monde un Grand Prix, voire le sprint le samedi et le Grand Prix le dimanche. Moi ça m’arrive souvent d’en louper, mais lorsque je n’ai rien d’autre à faire, lorsque je n’ai pas une autre activité, je regarde volontiers les Grands Prix.” 

Vous restez un peu informé sur les Grands Prix ou c’est juste à la télé quand vous regardez les courses ? 
« Non, je
reste informé puisque je suis proche d’Alain Bronec et je lis toujours Moto-Journal. La presse écrite m’intéresse toujours. Bon ce n’est pas comme avant, quand j’étais jeune, Moto-Journal je le lisais de la première à la dernière page. Maintenant je le feuillette plutôt et s’il y a un article qui m’intéresse, je le lis, mais je n’y passe plus autant de temps.” 

Vous avez d’autres activités sur lesquelles on reviendra tout à l’heure, mais on était au JuniorGP à Magny-Cours, et là on remarque non seulement votre présence mais aussi des autocollants On Air, votre société, sur la moto d’Enzo bellon. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ? 
Aujourd’hui je dirige une société que j’ai créée en 2019, qui s’appelle On Air Fitness. C’est quelque chose qui a démarré juste avant le COVID, on avait à peine démarré et on a pris le COVID sur la tête ! Mais cela ne nous a pas empêché de nous développer, aujourd’hui on approche les 100 clubs de fitness en franchise et on ouvre en moyenne 3 nouveau établissements par mois. Donc c’est une société qui marche bien et comme je considère que le sport moto m’a beaucoup apporté dans la vie, aujourd’hui ça me fait plaisir de pouvoir renvoyer la balle. Je suis resté en relation avec la Fédération même si je n’ai plus d’activité au sein de celle-ci. Son président, Sébastien Poirier, et Alain Bronec m’ont dit il y a 6 mois “écoute, on a un garçon qui semble intéressant. Il s’appelle Enzo Bellon, si tu peux lui donner un coup de main ce sera bienvenue”. J’ai dit « d’accord, on va l’aider”, et puis voilà. Ce n’est pas le seul pilote que l’on soutient. On aide aussi un garçon qui a été champion de France junior en Motocross. Et Sébastien m’a parlé d’une filière que la FFM met en place en matière de Motocross, ils veulent faire une sorte d’équipe de France pour les jeunes en championnat d’Europe de Motocross. Et donc là aussi, ils aimeraient avoir une aide de On Air Fitness.”

Vous pensez le suivre plusieurs années, ou c’est juste un one shot ? 
« Ça, j’en discuterai avec Alain Bronec. Je n’ai pris aucun engagement, mais je pense s’il marche bien, il n’y a aucune raison qu’on arrête. En revanche, s’il n’y a pas de résultat, ce sera autre chose. Mais je fais confiance à Alain. En fin de saison, on fera un bilan et puis on verra ce qu’on fait pour l’année prochaine. Les résultats ne veulent pas forcément
tout dire. Quelquefois un garçon peut être en queue de peloton mais avoir montré de très belles choses aux essais ou même en course. Et puis dans le dernier tour il s’est fait sortir. Moi je n’ai pas le temps d’analyser tout ça, donc c’est Alain qui me dit “écoute, là ce qu’il a démontré, c’est très bien” ou “ça été moyen”. Mais vraisemblablement s’il continue à être intéressant et à être un pilote en devenir pour la vitesse française, il n’y a pas de raison qu’on ne continue pas à l’aider.” 

Pour terminer sur la moto, comment qualifieriez-vous l’évolution des Grands Prix depuis votre époque jusqu’à aujourd’hui avec le rachat par Liberty Media? 
« Alors les Grands Prix par rapport à mon époque, ça a évolué de façon vraiment très importante. Je dirais même surtout par rapport à mes
toutes premières années de Grand Prix, parce que cela avait déjà beaucoup évolué entre 1980 où j’ai fait mes premiers Grands Prix, et fin 1984 où j’ai fait les derniers, quand j’ai débuté il y avait encore des circuits naturels, il y avait Imatra, le fameux circuit où on traversait une voie ferrée, il y avait encore l’ancien circuit de Brno où on traversait des villages à 200 à l’heure.
Donc déjà, ça a beaucoup évolué en termes de sécurité, tout simplement, parce que la sécurité, c’était un sujet très important à l’époque. Il faut rappeler que les pilotes avaient fait des grèves dans plusieurs Grands Prix dans les années 70 et au début des années 80, à Nogaro par exemple, pour des questions de sécurité.
Les circuits, dès les années 80, ont vraiment évolué car c’était vraiment un sujet majeur.
En termes d’organisation du paddock, d’accueil des pilotes, moi j’ai moins connu cette évolution qui est arrivée avec l’arrivée de la Dorna en 1992. Elle a un petit peu tout chamboulé, elle a professionnalisé les choses, c’est elle qui a permis l’arrivée de la TV en GP. Rappelons qu’à mon époque les Grands Prix moto n’étaient pas retransmis à la TV, sauf exception. Et d’ailleurs, moi j’ai eu une chance extraordinaire, car ma victoire au Grand Prix d’Angleterre a été un des
très rares Grands Prix de l’époque qui a été retransmis à la télé. Et pour là aussi voir l’évolution, ils ont retransmis les 250 et pas les 500 ! C’est comme si tu disais aujourd’hui « on ne peut retransmettre qu’un Grand Prix demain dimanche, donc on va retransmettre les Moto2 mais pas les MotoGP ».
Aujourd’hui ça semblerait totalement inconcevable. Eh bien à l’époque, les catégories étaient beaucoup plus proches les unes des autres. Il faut rappeler que Spencer a été double champion du monde en 250 et en 500 en 1985. Le service des sports de TF1 qui avait un créneau pour retransmettre exceptionnellement une course moto un dimanche après-midi, le 31 juillet, eh bien avait fait le choix de retransmettre les 250, parce qu’il y avait une chance de victoire française en 250 alors qu’il n’y en avait aucune en 500. Et ils ne sont pas trompés puisque non seulement il y a une victoire française, mais il y a eu même un fait unique dans l’histoire des Grands Prix, il y a eu 3 Français sur le podium ! C’est la seule fois de l’histoire des GP où il y a eu un podium 100% Français.” 

C’était beau, c’était beau ! 
« Précédemment c’était une époque où à Imatra, le paddock, c’était un terrain de foot, ce sont des choses qu’on voyait souvent à cette période.
Et un autre point important, à l’époque tout pilote pouvait tenter sa chance en Grand Prix. Il fallait avoir une licence internationale et tu pouvais essayer de te faire engager, mais ce n’était pas facile. Quand j’ai débuté les Grands Prix, je n’avais aucune notoriété, j’arrivais avec 0 point en Grand Prix. Alors évidemment j’ai choisi des Grands Prix où je savais que c’était plus facile pour se faire engager, notamment
le Grand Prix de Finlande qui était à l’autre bout de l’Europe et où moins de pilotes se rendaient, et j’ai marqué mes premiers points en 1980, avec une place de 6e en 250. Mais quand je suis arrivé là-bas, je n’étais pas engagé, et j’ai même loupé la première séance d’essai. Donc j’ai fait le pied de grue au secrétariat de l’organisateur, il a fallu que j’attende le vendredi midi pour avoir un engagement et ce qui m’a permis de faire le reste des essais, et j’ai fait 6e du Grand Prix. Une fois que j’avais marqué ces points, c’était évidemment plus facile après pour te faire retenir.” 

Passons aux salles de sport, qui visiblement marchent bien ? Pourquoi ? 
“Pourquoi les salles de sport marchent ? Parce que c’est un secteur d’activité qui est en devenir. Aujourd’hui, d’après moi, tout ce qui est lié à la santé
c’est quelque chose qui est important pour les Français et pour les Européens. Et c’est un secteur qui était peu professionnalisé il y a 20 ans, c’étaient souvent des anciens coachs, des anciens sportifs, des culturistes qui montaient des salles. Mais bon, on peut être un excellent culturiste et pas être un homme d’affaires !
Donc le secteur était assez amateur
, il y a 20 ans sont arrivées les premières chaînes comme Basic Fit, Fitness Park puis plus récemment On Air Fitness, on a professionnalisé clairement le secteur. En 2010, la majorité des salles étaient des salles indépendantes, c’étaient des acteurs qui n’étaient pas adhérents à un réseau, et aujourd’hui les réseaux c’est les 2/3 des salles. Donc les 2/3 des salles de fitness aujourd’hui sont chez Fitness Park, soit chez Basic Fit, soit chez On Air Fitness, soit dans un autre réseau. En ce qui nous concerne, on est devenu avec 100 clubs franchisés, la 3e enseigne en France en nombre d’adhérents.” 

Dans les salles de sport, il y a Monsieur tout le monde mais il y a aussi évidemment tous les sportifs de haut niveau. Est-ce que cela apporte un plus si une salle est fréquentée par un champion, de moto ou autre ? 
“Renaud Lavillenie, par exemple, fréquente les salles de Clermont Ferrand, mais ce qui importe encore plus, ce sont les influenceurs ou les gens qui ont de la notoriété. Très récemment, j’étais dans une salle On Air, et on a vu un type arrivé avec un accompagnateur, c’était Gad Elmaleh, qui venait faire sa séance de sport !
Donc ça, on a quand même beaucoup de gens, d’acteurs ou des présentateurs TV, qui aiment bien le concept de mes salles et qui se mettent en valeur dans les salles, en faisant des selfies ou des petites vidéos, et on voit que c’est dans une salle On Air Fitness.” 

Pourquoi ils aiment bien ? On a vu que ça semblait assez branché, il y a de la musique, il y a un décor moderne, et cetera… Quel est le concept ?
« C’est tout ce que tu viens de dire. C’est parce le concept est différent. Les conditions d’accueil sont, je pense, meilleures. On a beaucoup travaillé sur le confort de l’accueil, sur la musique, sur le design, sur
plein de détails. Par exemple, les gens qui font de la musculation, ils aiment bien se prendre en photo, donc on a des espaces dédiés à cela, avec des miroirs derrière. On a travaillé sur beaucoup de points de détails. On essaie bien sûr d’être vraiment à la pointe en matière de matériel. Lorsqu’il y a du nouveau matériel qui arrive, on essaie tout de suite d’en équiper nos clubs. Enfin voilà, on essaie d’avoir le concept le plus abouti vis-à-vis de la concurrence.” 

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