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Avec 2012 est venu un autre bouleversement de la réglementation. Destiné à réduire les coûts et à injecter plus de sensations fortes dans la course, le passage à une limite de cylindrée de 1000 cm3 et des règles permettant aux machines dérivées de motos de route de participer, les fameuses CRT, ont conduit à des remaniements dans tous les domaines. C’est cette année qu’est apparu le RC213V, comme le troisième modèle du 21e siècle développé par le HRC, pour faire suite au RC212V.

En piste, le résultat a été beaucoup plus serré, les ingénieurs ayant la pression pour tirer le meilleur parti de ce que le règlement autorise. En tant que troisième génération de Honda à 4 temps du 21e siècle, le nouveau prototype a été baptisé RC213V, il a été le plus réussi. Cela est dû à plusieurs améliorations de conception, y compris un passage à un angle en V à 90 degrés, éliminant le besoin d’un arbre d’équilibrage, et le passage à un vilebrequin contrarotatif, qui aide à contrer les forces gyroscopiques des roues.

Un V4 à 90 degrés n’est pas aussi compact qu’un V à angle plus étroit (comme le V5 qui était à 75.5°), mais Honda a décidé que les avantages du moteur l’emporteraient sur les inconvénients, tant qu’ils travaillaient sans relâche sur la conception du cadre, de la boîte à air, de l’échappement et du réservoir de carburant pour réduire les dimensions globales. Tout cela a été abordé dans notre dossier qui compare les V4 et 4 cylindres en ligne.

Alors que personne ne confirmera les chiffres exacts, des chiffres aussi élevés que 270 ch ont été abordés pour caractériser la puissance de ces monstres !

 

La RC213V de Casey Stoner en 2012, portant le n°1 de Champion du Monde

 

La première année des 1000 cm3 a été disputée. La Honda a remporté 12 des 18 courses de l’année, mais Jorge Lorenzo sur sa Yamaha a gagné les 6 autres. Le métronome qu’il était n’a jamais terminé au-delà de la seconde place, ce qui lui a permis d’emporter le titre pilote. Le HRC a dû se satisfaire du titre constructeur.

 

La RC213V de Marc Márquez lorsqu’il est arrivé en MotoGP en 2013

 

Honda était désormais sur la bonne voie, et même la retraite anticipée du chef d’équipe Casey Stoner fin 2012 n’a pas pu arrêter le succès de l’équipe. D’autant plus que son remplaçant n’était autre que Marc Márquez.

Cette année-là, le châssis était fortement similaire à celui de 2012, et quelques modifications ont été apportées au cours de la saison, que seuls les observateurs les plus aguerris étaient capables de remarquer.

En 2013, le RC213V a permis au jeune Espagnol d’être titré dès sa première saison en MotoGP. Ce n’était pas arrivé depuis que le King Kenny Roberts avait remporté le titre mondial en 1978.

Dès le début, Márquez avait la capacité de tirer profit plus que quiconque les capacités du RC213V. Sa technique de pilotage très agressive lui a permis de profiter pleinement de la stabilité de freinage impressionnante de la moto, où il dépassait aisément ses rivaux.

 

La RC213V de Marc Márquez en 2014

 

En se concentrant de plus en plus sur l’électronique plutôt que sur des évolutions plus visibles en termes de châssis ou d’aérodynamique, le RCV 2014 était à nouveau visuellement identique à celui de 2013, à un détail près : la nouvelle prise d’air béante, une évolution par rapport à l’année précédente qui a donné à la moto un visage clairement différent. Mais les autres modifications techniques étaient difficiles à repérer.

En 2014, Márquez était encore plus fort que lors de sa première saison en MotoGP, remportant 13 des 18 courses, égalant le record de la saison de Mick Doohan, réalisé avec le NSR500 de Honda en 1997.

 

La RC213V de Marc Márquez en 2015

 

Un rapide coup d’œil au RC213V de 2015 montre une machine si similaire au modèle précédent qu’elle aurait pu ne subir aucune modification.

Alors que la boîte de vitesses seamless était toujours réservée aux machines de l’équipe Repsol Honda, les équipes satellites ont eu accès au moteur équipé de soupapes à rappel pneumatiques, afin de les aider à surmonter le déficit de performance que la version précédente subissait.

En 2015, bien que Márquez et Pedrosa aient remporté 7 courses, le titre de champion a échappé à Honda. Rossi et Lorenzo, alors sur Yamaha, se sont disputés le titre, et Márquez a terminé troisième du championnat. Ce fut un revers temporaire car Honda a beaucoup appris de cette défaite et la HRC avec Márquez ont depuis remporté tous les titres de pilotes et constructeurs, ne laissant aucune miette aux concurrents !

 

La RC213V de Marc Márquez en 2016

 

En 2016, le MotoGP et son règlement ont subi une réécriture majeure des règles. Les pneus Bridgestone ont été remplacés par Michelin, mais surtout, 2016 marque l’apparition d’un ECU unique, fourni par Magneti Marelli, et il a fallu réaliser un gigantesque travail de l’ombre pour l’adapter à la Honda. Ces changements ont exigé une énorme quantité de travail de la part des ingénieurs HRC, qui sont invisibles aux yeux du public. La nouvelle gestion électronique était moins performante que celle développée par le HRC, notamment au niveau du contrôle de traction, il a fallu adapter les performances du moteur et les revoir à la baisse.

Le châssis est annoncé entièrement nouveau, l’évolution se situe donc dans ce que l’on ne voit pas, comme, par exemple, l’épaisseur des tôles d’aluminium ou la géométrie. Honda s’est concentrée sur le réglage de la rigidité du châssis pour l’adapter aux nouveaux pneus – des indices visuels comme un nouveau bras oscillant, avec un orifice plus grand sur le côté droit, en sont l’exemple.

 

Le HRC a aussi développé ces fameux ailerons. Ici, on en compte 6 !

 

A l’instar de Ducati, la Honda a été équipée d’ailerons plus ou moins évolués au cours de la saison, mais plus discrets que certains de ses concurrents.

En effet, en 2016, Ducati remonte en grâce et sur la plus haute marche du podium. Les ingénieurs italiens, initiateurs des ailerons modernes, en ont proposés divers types, allant du plus simple au plus extravagant. Effet de mode ou pas, tous les teams développent leur propre solution, sans que l’on sache réellement s’il y a un impact réel ou juste un effet placebo, puisque certains pilotes roulent aussi vite sans. Face à une révolte, vraisemblablement initiée par le HRC, la FIM interdit les ailerons pour 2016. Ducati s’estime être le principal manufacturier lésé.

Prouvant peut-être qu’une évolution à partir d’une base connue plutôt qu’une révolution est la meilleure voie vers le succès, les changements presque invisibles étaient encore suffisants pour hisser la Honda au sommet en 2016, Márquez remportant son troisième titre sur la machine, le reprenant ainsi à son compatriote Jorge Lorenzo.

 

La version 2017 de la RC213V de Márquez

 

Ils ne seront pas restés bien longtemps loin des MotoGP, ces ailerons. Yamaha a dégainé le premier, Suzuki et Aprilia ont emboîté le pas à Phillip Island. En effet, ceux-ci sont désormais travaillés en soufflerie et intégrés au carénage (plutôt que d’être des appendices rapportés), ils sont donc homologués par la FIM. 2017 sera une guerre aérodynamique ou ne sera pas.

Ces carénages modifiés sont apparus plus tardivement sur la Honda. Étant donné que Honda n’a jamais été aussi sérieusement impliqué dans les appendices aérodynamiques que ses rivaux – et a quand même remporté le titre 2016 – il est peut-être logique de s’en passer et de se concentrer sur des voies plus traditionnelles vers la performance.

Le châssis en aluminium a été modifié dans son équilibre de rigidité et conçu pour atteindre le meilleur compromis entre la vitesse de passage en courbe et la stabilité en ligne droite. Le bras oscillant carbone est apparu sur les machines du HRC fin 2017, lors des essais pour la saison suivante. Utilisé avec un certain succès par Ducati depuis 2009, c’est la première fois que Honda testait un tel élément sur ces RC213V, après des années passées à en modifier la rigidité.

Un tout nouveau moteur a été développé pour cette saison, avec un calage Big Bang adopté et un vilebrequin contrarotatif, qui permet d’annuler l’effet gyroscopique du moteur et de rendre la moto plus maniable. Il avait déjà été testé l’année passée mais nécessitait une fiabilisation.

 

Márquez, tel un funambule, arrive à récupérer presque n’importe quelle situation!

 

À ce stade, on dépasse le stade du running gag. Le quadruple champion du monde de MotoGP semble posséder un superpouvoir qui l’empêche de se crasher. Quand on pense que Marc Márquez va glisser sur le tarmac, il parvient toujours à redresser sa moto.

Le titre de champion du monde MotoGP a été attribué lors de la 18e et dernière course de la saison 2017 à Valence. Avant cette épreuve décisive sur ses terres, Márquez n’avait besoin que d’une onzième place pour être sacré en cas de victoire de son rival italien, Andrea Dovizioso, qui termine quant à lui une deuxième place du championnat bien méritée !

 

La RC213V de Dani Pedrosa, pour sa dernière année en MotoGP en 2018

 

En 2018, les silencieux en titane made in HRC sont de diamètre un peu plus conséquent qu’auparavant, là encore pour améliorer leur rendement. Le silencieux des deux cylindres arrière qui débouche derrière la selle décrit un tour complet sur lui-même afin de donner un caractère plus plein au V4. La qualité des soudures est par ailleurs impressionnante.

 

La qualité de soudure des échappements SC Project sur les Honda est impressionnante

 

Une nouvelle prise d’air frontale légèrement plus large a été adoptée, qui nourrit en air frais un conduit d’admission plus direct, puis une boîte à air de plus gros volume. Le but du jeu est d’augmenter la puissance, qui est estimée fin 2019 à quasiment 300cv.

Au fil de l’année, on a vu apparaître diverses évolutions, parmi lesquelles un cadre recouvert de carbone, cette solution a déjà été utilisée par Ducati, Suzuki puis Aprilia, car elle permet de faire varier les différentes rigidités d’un cadre sans avoir à réusiner un nouvel élément à chaque fois.

Márquez remporte son cinquième titre en MotoGP, le troisième consécutif, au Japon. Victorieux sur la piste nippone, le Catalan devient champion à quatre manches de la fin à la faveur de son exceptionnelle régularité – seulement quatre courses sur dix-huit en dehors du podium – et des erreurs de ses adversaires. Au cours de la saison, il gagne trois courses consécutives au printemps, trois autres courses consécutives à l’automne et neuf au total. Le HRC est sacré Champion côté constructeurs.

A la fin de l’année, Dani Pedrosa quitte l’équipe Repsol Honda Team, et rejoint l’équipe Red Bull KTM Factory Racing pour être pilote d’essai et participer au développement de la machine.

 

La RC213V de Jorge Lorenzo en 2019

 

2019 marque l’arrivée au sein du HRC d’un autre espagnol pour remplacer Dani Pedrosa. Lorenzo, triple champion du monde MotoGP, devait former avec Marc Marquez, quadruple champion du monde, une collaboration spectaculaire au sein du HRC. Après avoir gagné avec la Ducati, Jorge Lorenzo voulait gagner avec la Honda, et celle-ci a été remaniée pour son « deuxième » pilote.

Spécialement réalisé pour Lorenzo, qui a besoin d’un support pour se caler au freinage et de flancs plus larges pour s’y maintenir, la forme du réservoir a évolué tout au long de l’année. C’est une modification qu’il avait demandée pendant sept mois à Ducati, et avec laquelle il a gagné dès qu’elle fut adoptée au Mugello 2018. Chez Honda, il l’a obtenue dès le second test en novembre à Jerez, une semaine après avoir découvert la moto à Valence. Mais il l’avait commandé avant !

Lorenzo apprécie une commande de frein arrière au pouce gauche en plus de la pédale pour ne pas avoir à limer sa botte dans les virages à droite avec plus de 60° d’angle. En 2019, le nouveau maître-cylindre arrière Brembo « push and pull » lui permettra de choisir entre le levier au pouce et une gâchette à l’index.

Pour suivre Ducati, un spoiler de bras oscillant a également été adopté, et, au Red Bull Ring, de nouveaux ailerons avant. Sur le bras oscillant, on note également un conduit de refroidissement de l’étrier arrière. A l’image des Ducati qui ont intégré des Salad Box depuis un bon moment, Stefan Bradl a essayé à Brno une boîte disposée sous le dosseret de selle pour y loger une masse tout à l’arrière de la moto…

En 2019, Marc Márquez a remporté neuf victoires impressionnantes, en partie grâce à une autre refonte majeure du moteur qui a considérablement augmenté la puissance. Au Mugello 2019, le RC213V le plus rapide appartenait au pilote du team LCR, Cal Crutchlow chronométré a 354,7 km/h, soit une amélioration de 30,2 km/h par rapport au premier RC211V !

Marquez n’a pas tout à fait remporté le GP d’Italie 2019 – il est passé sous le drapeau à damiers 0,04s du pilote local Danilo Petrucci – mais cela vaut la peine de comparer leur temps de course à la saison inaugurale du MotoGP. La course du Mugello 2019 a été deux minutes et sept secondes plus rapide que celle de 2002.

 

Márquez célèbre son huitième titre de Champion du Monde comme il se doit!

 

Márquez a terminé 2019 avec une victoire au Grand Prix de Valence, qui clôturait la saison. Ce fut son 56e succès en MotoGP et le 81e de la RC213V au cours des huit années et 145 courses de l’ère 1000cc. Les autres coureurs qui ont remporté des courses avec le RC213V sont Stoner, Pedrosa, Crutchlow et Miller. Pour la troisième saison consécutive, Márquez est sacré Champion du Monde devant Andrea Dovizioso. Lorenzo quant à lui échoue au fond du classement, et prend sa retraite à la fin de la saison.

Vivement la suite…

Toutes les évolutions du règlement et les avancées technologiques ont exigé une énorme quantité de travail de la part des ingénieurs HRC. Le moteur RC213V a subi plusieurs remaniements majeurs au cours des dernières années, afin de le rendre plus performant mais également toujours exploitable.

L’aérodynamisme est également devenu un facteur beaucoup plus important en MotoGP, avec de nouvelles conceptions aérodynamiques augmentant la force d’appui à l’avant du RC213V pour réduire davantage les wheelings.

 

Les 2 RC213V d’Álex et Marc Márquez lors de la présentation du Team pour 2020

 

 

Mais il y a eu un autre facteur qui s’exprime dans le fait que le RC213V a remporté 6 des 8 derniers championnats de pilotes et 7 couronnes de constructeurs : le génie de Marc Márquez. Il s’est avéré être le maître de l’adaptation à toutes ces différentes technologies. Un style de pilotage agressif combiné au RC213V l’a rendu presque imbattable, manquant le titre une seule fois depuis ses débuts en 2013 dans la catégorie reine ! Et que dire de ses multiples rattrapages…

 

 

Lorsque le MotoGP sera de retour, Márquez et les autres pilotes RC213V, Álex Márquez, Cal Crutchlow et Takaaki Nakagami, feront de gros efforts avec leurs ingénieurs Honda pour amener le RC213V vers les 100 victoires.

Un seul regret pour Márquez : il n’a jamais eu la chance de piloter le V5 RCV qui déclenchait chez Honda cette envie de gagner !

Sources : MotoGP.com, Pit-Lane.biz, Honda Pro Racing, RedBull, Mat Oxley et bien d’autres.

 

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