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La nouvelle de la condamnation du circuit d’Albi s’est dissipée dans le flot de l’actualité mais elle mérite d’être remise au premier plan car elle pourrait constituer une jurisprudence à même de mettre rapidement en danger toutes les activités de sport motocycliste en France.

C’est en synthèse ce dont nous alerte Alexis Masbou.

Nous avons donc interviewé l’albigeois double vainqueur de Grand Prix afin de dresser un tableau aussi complet que possible de cette situation préoccupante.


Alexis, peux-tu faire une synthèse de la situation du circuit d’Albi, pour ceux qui n’auraient pas suivi cette affaire ?

Alexis Masbou : « Le circuit d’Albi, construit en 1962 et géré jusqu’à présent par la mairie, a été repris depuis 2015 par la société privée DS Events afin d’y redynamiser les activités sportives qui étaient quasiment inexistantes les derniers temps. Jusque-là, Jean-Jacques Lapeyre et la mairie avaient fait ce qu’ils pouvaient mais l’arrivée de la nouvelle équipe a permis une reprise des activités, qu’elles concernent la voiture, la moto ou d’autres sports.
Malheureusement, si je connais très bien la problématique des relations avec les riverains anti-circuit puisque je l’utilise depuis mon enfance dans les année 2000. Mais 2017 a marqué un tournant avec l’adoption d’une nouvelle loi du code de la santé qui interdit un certain niveau de bruit. Du coup, une bagarre juridique beaucoup plus intense s’est mise en place contre le circuit par l’association des riverains du circuit d’Albi – Le Sequestre. Et on en est donc arrivé à la condamnation du 19 janvier où, pour la première fois, un circuit a été condamné pour nuisances sonores.
Depuis la nouvelle homologation, il a été construit un mur antibruit pour limiter les nuisances, mais la condamnation est bien réelle et cette situation pourrait faire jurisprudence pour les circuits Français.
Évidemment, je trouve ça très inquiétant parce que nous, à Albi, on a toujours eu ces quelques réfractaires qui ont cherché à causer du tort au circuit mais, jusqu’à présent, la loi ne leur avait pas donné raison. Avec la loi qui a été modifiée au sujet des émergences sonores, des sonomètres ont été posés dans différents endroits autour du circuit pour quantifier le niveau de bruit à la fois du circuit et de l’aérodrome. Il faut quand même rappeler qu’à la base, il s’agit d’un aérodrome, construit au milieu de terres agricoles, et sur lequel s’est greffé un circuit. L’expansion de l’urbanisation jusqu’aux abords du circuit s’est donc faite à posteriori et en toute connaissance de cause. Mais certains riverains profitent de la nouvelle loi et de la pose des sonomètres, en particulier d’un qui est placé très proche de la plus grande ligne droite, pour justifier d’un niveau de bruit trop important. C’est pour ça qu’un mur antibruit a été construit. On n’a pas encore de retour sur l’efficacité de ce mur mais quoi qu’il en soit, le circuit a été condamné. Il aurait fallu qu’il adapte toutes ses infrastructures et ses activités en moins de trois ans, et, au-delà du cas propre d’Albi, c’est ça qui peut rendre difficile l’avenir de tous les circuits en France car il faudrait que toutes les émergences sonores des circuits soient arrêtées dans un instant T, ce qui n’est évidemment pas possible. »

Aujourd’hui, il y a toujours des activités sur le circuit malgré la condamnation ?

« Oui. Elles sont limitées à la voiture, aux camions et aux vélos. Le circuit va continuer ses activités malgré la condamnation au sujet de laquelle ils vont faire appel. L’évolution des activités ira sans doute vers des sports mécaniques moins bruyants, basés sur l’électricité, l’hydrogène ou le solaire, mais pour l’instant le plaisir des gens et la mobilité restent quand même très liés aux moteurs thermiques, comme sur la route. »

On comprend bien la problématique et on se doute bien qu’à terme les activités basées sur les sports mécaniques thermiques iront se réduisant, mais le cas d’Albi est assez révoltant car ce sont des riverains qui sont arrivés après la construction du circuit qui le mettent en danger. Y a-t-il un moyen d’aider à défendre le circuit ?

« Nous, on y travaille chaque semaine mais chaque internaute peut nous aider en signant la pétition qui tourne sur Internet il y a déjà environ 30 000 signatures mais plus il y en aura, mieux ce sera.
Il faut bien comprendre que le danger ne concerne pas seulement le circuit d’Albi, puisque Lédenon, Montlhéry… sont également concernés à terme, donc j’espère que tous les passionnés vont se mobiliser pour défendre notre sport. J’espère aussi qu’ils vont le faire de la façon la plus intelligente possible, car on voit parfois des propos excessifs, même si je comprends bien la frustration des gens, puisque je la vis. Il faut donc rester audible pour les personnes qui ne sont pas passionnées de sports mécaniques, mais il faut aussi crier haut et fort que la France est depuis plus d’un siècle un des grands pays des sports mécaniques et que ces derniers réunissent des millions de passionnés et font vivre tout un pan de l’économie. »

Y a-t-il un moyen de trouver un compromis avec les riverains du circuit d’Albi ?

« Je pense malheureusement qu’il ne peut pas y avoir de dialogue entre les extrémistes anti-circuits et les passionnés de sports mécaniques. On le voit à Albi : quelle que soit la solution que l’on propose, ils essaient de la démonter. L’exemple caractéristique est le mur antibruit qu’ils ont essayé de faire enlever. Ils ont même réussi à faire annuler une course de vélos… le bruit est un argument utilisé pour nuire au circuit mais leur objectif est clair : ils veulent simplement faire fermer le circuit et l’aérodrome ! Dans ces conditions, il est impossible de pouvoir discuter avec cette poignée de personnes qui est totalement opposée à nous et à toute activité de sports mécaniques ou non d’ailleurs. Par contre, je pense que la grande majorité des gens comprend que les sports mécaniques existent et qu’ils représentent un secteur économique non négligeable en France. Tuer les circuits reviendrait à délocaliser ces activités mais également délocaliser l’économie générée chez nos voisins européens, car si ça ne roule pas en France, ça roulera forcément ailleurs. Nous, on a simplement envie de continuer à vivre notre passion en France, même s’il faut bien être conscient qu’à l’avenir les motos très bruyantes vont très rapidement se réduire. »

Tu as également évoqué d’autres circuits…

« Oui, car il ne faut pas croire que ce qui se passe à Albi est un cas isolé et que ça ne se passera qu’ici. Cela menace la plupart des circuits en France. À Albi, il y avait cinq riverains concernés au début, mais comme ils ont réussi à obtenir un peu d’argent, ils seront peut-être 100 ou 1000 bientôt, uniquement pour récupérer de l’argent ! Et comme l’avocat qui s’occupe des riverains anti-circuit d’Albi s’occupe également des riverains de Lédenon et s’occupait du riverain du circuit de Bresse, ils se donnent donc les clés de la réussite pour récupérer de l’argent et peut-être faire fermer les circuits à l’avenir. »

Quel rôle peut jouer la Fédération Française de Motocyclisme dans ce combat ?

« Je suis en relation avec la FFM, avec Sébastien Poirier, avec Patrick Coutant, très régulièrement depuis un an pour essayer de trouver des solutions juridiques à tous ces problèmes. Franchement, on se sert énormément des services juridiques de la FFM qui, depuis Jacques Bolle, sont très performants. Je pense que c’est la seule chose qui fait qu’on se maintient encore un peu à flot, mais le danger est immédiat et il est important que tous les gens qui se rendent sur les circuits en aient conscience. Le sport moto est attaqué de toutes parts. On le voit aussi avec le Touquet, au nom de l’écologie et de la détérioration des terres, et maintenant on y ajoute le bruit. En ce qui concerne Albi, la fédération est vraiment dans l’action, et je pense que c’est obligatoire pour espérer survivre.
Je me bats pour qu’on puisse encore faire de la moto dans 10 ou 15 ans en France et ne pas être obligé d’aller en Espagne. »

Un mot sur ton école Masbou-Expérience, pour rester dans le positif ?

« Je me consacre de plus en plus à mon école car j’ai envie de partager les bonnes valeurs de notre sport, surtout actuellement.
Pour les stages adultes, suite à tous les aléas avec le circuit d’Albi, nous avons dû nous exporter à Nogaro, Pau, Lédenon et Issoire pour la saison 2021. Pour les enfants l’école grandit bien et j’ai aussi de plus en plus d’enfants qui viennent régulièrement faire des activités à Albi. On se rapproche de la barre des 500 enfants qui viennent sur l’année ! Je suis très content car l’idée est vraiment d’ouvrir l’école au plus grand nombre afin de permettre à tous de découvrir notre sport. Grâce à la mairie d’Albi et aux différents acteurs locaux, j’arrive donc à faire découvrir la moto à un très grand nombre d’enfants, et parmi eux certains commencent à se prendre au jeu de la vitesse. J’espère que l’on pourra faire sortir les talents de demain, et pour cela, je voulais toucher le plus de monde possible, sans oublier ceux qui n’auraient jamais imaginé possible de pratiquer la moto, un peu comme quand j’ai commencé, j’aimerais donc aussi donner la chance à d’autres. Et aujourd’hui ça fonctionne très bien ! Je me régale à les voir évoluer, après un moment d’anxiété au début, ils terminent tous fiers et vraiment heureux d’avoir réussi à maîtriser un deux-roues. C’est la plus belle des récompenses pour mon équipe et moi ! »

Merci Alexis, et bon courage pour ton combat, en espérant que les passionnés prendront conscience du danger et se mobiliseront !

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Le circuit en 1962…

 

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