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Avec près d’une décennie de décalage (ou de « retard ») sur l’auto, le pinacle de la compétition moto se résout en 2016 à l’adoption d’un boitier électronique commun à tous les concurrents. Cela peut-il redistribuer les cartes ? Cela explique-t-il la forme des Suzuki lors ou les difficultés des Honda officielles ? C’est ce que nous avons cherché à savoir, tout en tenant compte de l’expérience qu’avait vécue la Formule 1 à cette époque.

Désormais, outre les pneumatiques, toutes les machines présentes sur la grille de départ de la catégorie MotoGP utilisent les mêmes boitiers et logiciels électroniques. Développés et mis au point en grande partie par Magnetti-Marelli, ils sont fournis par la Dorna.

L’électronique unique, plus économique ?

En 2007, le passage à l’électronique unique en Formule 1 avait été initié par Max Mosley, le Président de la Fédération Internationale de l’Automobile. L’objectif était de maitriser les coûts des écuries qui dépensaient des sommes colossales dans la gestion électronique de leurs machines, et surtout de mieux contrôler l’activité des équipes engagées en F1. Le spectre du retour des voitures dites « intelligentes » étant de plus en plus présent. Autrement dit, les monoplaces étaient davantage régies par les algorithmes des boitiers électroniques que par le talent des pilotes, et notamment au niveau de l’anti-patinage. Prohibé par le règlement, les constructeurs savaient parfaitement le dissimuler aux instances sportives qui avaient toujours une longueur de retard sur les ingénieurs des grosses équipes…

En MotoGP, le contrôle de motricité étant accepté, la notion d’un meilleur contrôle des équipes passe au second plan. Il s’agit donc avant tout d’éviter que le constructeur disposant de la plus grosse capacité financière ne prenne systématiquement l’avantage grâce à un meilleur développement de son électronique.

La Dorna et Magnetti-Marelli assurant le développement des nouveaux logiciels, les constructeurs pourront ainsi faire l’économie d’un poste de dépenses qui a pris chaque année davantage d’importance. Certes on a noté une augmentation du personnel dévolu à l’exploitation de ces nouvelles ECU (surtout chez Honda et Yamaha, Ducati étant déjà familiarisé avec la base du logiciel, déjà utilisée en catégorie Open), mais l’exploitation seule exigera toujours moins de personnel que le développement ET l’exploitation.

Pour autant, cela va-t-il permettre de faire des économies ? Y croire serait faire preuve d’un bel optimisme car à la seconde où ce poste de dépenses disparait, il est reversé vers un autre secteur.

Sur 4 roues, l’effort s’est immédiatement porté sur l’aérodynamique. Déjà très présente auparavant, l’aérodynamique est devenue déterminante en l’espace de quelques mois. Prédire que l’on pourrait voir fleurir les appendices aérodynamiques sur les MotoGP serait prendre un énorme risque… à moins que le phénomène n’ait déjà débuté…

Chez Yamaha, on a ainsi vu apparaître les premiers ailerons quelques semaines après que la firme aux 3 diapasons (ainsi que Ducati et Honda) ait été obligée de geler le développement de son électronique « usine »… Honda vient de lui emboîter le pas au Qatar. On pourrait ainsi voir, demain, surgir sur les MotoGP des appendices aussi sophistiqués qu’en F1, entièrement déterminés par des batteries d’ordinateurs, et non plus par une intuition humaine des flux aérodynamique.

L’électronique unique, plus équitable ?

En fournissant un matériel identique à tous les concurrents, on pense logiquement que tout le monde est placé sur un pied d’égalité. Le principe est valable pour les pneumatiques, il l’est tout autant pour l’électronique. La situation est très différente aujourd’hui pour la MotoGP comparée à celle de la F1 en 2008 car l’appel d’offre lancé par la FIA à l’époque avait été remporté par McLaren Electronic Systems. Un peu comme si Honda était devenu le fournisseur unique de la MotoGP. Dérivé du matériel utilisé jusque-là en catégorie « Open », la nouvelle ECU semble tout de même mieux maitrisée par Ducati que par Honda et Yamaha qui sont encore en phase de découverte.

Cela a-t-il redistribué les cartes en Formule 1 ? A première vue, pas vraiment. Ferrari avait remporté le titre constructeur en 2007 (avant l’électronique unique) et en 2008 (première saison sous ce pont de règlement). Donc point de bouleversement. Pour l’anecdote, en 2007, McLaren avait inscrit 14 points de plus que Ferrari mais avait finalement été disqualifiée pour tricherie. Heureusement pour nous, la moto est à l’abri des comportements antisportifs…

La Scuderia s’était remarquablement bien adaptée au système développé par son grand rival McLaren alors que dans le même temps, l’équipe Renault avait connu des essais de présaisons émaillés de pépins. Des difficultés qui ne sont pas sans rappeler celles rencontrées par Honda lors des premiers essais il y a quelques semaines et qui ont subsisté encore au Qatar.

En fait, il a fallu attendre la saison 2009 pour voir les effets indirects de l’adoption de l’électronique unique sur la hiérarchie de la Formule 1. L’importance prise par l’aérodynamique s’est alors concrétisée sous la forme d’une trouvaille déterminante, le double-diffuseur. Grâce à cette invention de Ross Brawn, la BGP001 est devenue championne du monde aux mains de Jenson Button. Autrement dit, une toute petite équipe était parvenue à tenir tête aux mastodontes de la discipline. Ironie du sort, cette auto, développée par Honda, avait été rebaptisée et a triomphé sous les couleurs de l’équipe Brawn GP car le constructeur japonais avait décidé de jeter l’éponge avant le début du championnat.

Vu sa puissance de feu, on imagine mal comment Honda pourrait manquer 2 fois son rendez-vous avec la gestion électronique unique…

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