Le billet de Loulou avant la Thaïlande : « BUBUFFLE »

Dorna a raison d’aller organiser des GP en Extrême Orient.

D’abord il y a un monde fou qui vient sur les circuits, (Buriram, en Thaïlande, pour son ouverture en 2018, 222 000 spectateurs) ensuite ces pays sont un marché colossal pour les constructeurs de motos, enfin, ces GP du bout du monde sont aussi un vrai voyage avec des découvertes parfois complètement démentielles.

La Thaïlande ?

En ce qui me concerne, ça commence sur l’eau… et sous l’eau.

Deux trous noirs sortent à peine de la surface du canal entre les nénuphars géants et les herbes hautes, pour respirer. Ce sont les naseaux énormes de « Bubuffle ». Deux autres encore moins visibles, les yeux. Ce qui dépasse le plus c’est cette paire de cornes gigantesque du buffle d’eau. Il est en train de buller, de ne rien faire, peinard dans cet étang… Ne rien faire et se la couler douce, c’est ce qu’il préfère « bubuffle »..

Notre embarcation passe tout près, il ne moufte pas, ça fait tout drôle parce que son cousin d’Afrique est le plus dangereux des « Big Five »…*

En fait, il bosse de temps en temps, on le voit bien d’ailleurs ça lui casse les pieds, quand on repique le riz, il a souvent un enfant sur le dos pour le guider, c’est moins lourd et du coup « bubuffle » est plus fort pour creuser le sillon de vase…

Le reste du temps, il bulle…

« Bubuffle », ton petit garçon et toi vous avez été une de mes 1001 joies de vivre…

La Thaïlande, on peut y aller pour plusieurs raisons.

La première est un tourisme dit sexuel, une dégueulasserie sans nom, chaque fois que j’ai pris cet avion pour Bangkok, je me suis demandé comment un mec pouvait être assez dérangé pour faire un tel voyage juste pour un câlin tarifé avec une jeune esclave évidemment mineure…

Je lis dans la presse que le gouvernement et les associations luttent contre, mais ce tourisme là représente un paquet de dollars…

L’autre tourisme, plus classique, consiste à aller s’étendre sur les plages de Phuket, là aussi ça m’échappe complètement, déjà sur la côte d’Azur la plage ça me gave sévère alors se farcir onze heures de zinc pour ça…

Il m’est arrivé d’abandonner ma bande de potes qui allait se faire rôtir et de prendre un train pour aller dans un coin perdu et (très) loin de tout, Kanchanaburi.

Trois heures de voyage vers l’ouest, cette ligne absolument sublime a été construite en partie par des prisonniers de guerre anglais, qui y ont souffert le martyre.

Kanchanaburi est l’endroit où cette voie de chemin de fer traverse la rivière Kwaï…

Sur ce pont (celui du film a été construit à Ceylan, peu importe), frisson, entre l’horreur et l’incroyable beauté de l’endroit…

Étonnant le pouvoir du cinéma, ce film m’a donné envie de connaître cette partie du monde, comme Lawrence d’Arabie m’a fait courir sur l’échine un frisson irrésistible de sable chaud… Le film a été tourné dans le sud de l’Espagne (comme les westerns de Sergio Leone), au Maroc, en Irak et en Syrie.

Et ce sont deux films de David Lean, avec des musiques qui ont fait le tour du monde…

Des films de guerre, étonnant comme cela donne envie de découvrir un pays…

Retour du pont de la rivière Kwaï à Bangkok, avant d’aller faire la fiesta sur les plages comme un fameux personnage de Baudelaire  (… Pendant que des mortels la multitude vile, sous le fouet du plaisir ce bourreau sans merci, va cueillir des remords dans la fête servile…) j’ai passé une énorme matinée au marché flottant de Bangkok. C’est un spectacle de carte postale connu dans le monde entier mais c’est comme la baie de Ha Long au Vietnam, même si on connaît par cœur, c’est encore plus beau que ce que l’on croyait…

Je doute que les commentateurs anglais ou français du MotoGP ne fassent allusion à ce genre de voyage, je doute que la carte postale habituelle avant le GP soit tournée à plus de 20 km du circuit, Buriram est à 400 bornes à l’est du pays, près de la frontière cambodgienne. On verra des temples, des vélos, peut-être des éléphants qui travaillent (eux aussi !) comme des esclaves à transporter des troncs d’arbre mais « bubuffle », lui, il va rester peinard. L’hélico ne le verrait d’ailleurs pas. Quand au pont… il fait le pont, normal pendant un weekend…

Surtout que tout le pays sera, soit sur le circuit de Chang, soit devant sa TV…

*Les Big Five sont les cinq espèces africaines les plus redoutables et les plus recherchées par les photographes, le lion, le léopard, l’éléphant, le rhinocéros et le buffle. En Asie, le Big One, c’est le tigre, il y a d’ailleurs près du pont de la rivière Kwaï un endroit où l’on soigne les jeunes blessés ou orphelins.