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Alain Bronec, votre équipe a gagné le Grand Prix de Catalogne à Barcelone le weekend dernier. La dernière victoire remontait à 10 ans, avec le regretté Shoya Tomizawa au Grand Prix du Qatar en Moto2. Pouvez-vous nous raconter ce weekend qui restera également gravé dans votre mémoire ?

Alain Bronec : « Depuis le début de saison, Darryn est très compétitif mais a du mal à finir les courses. Il faisait des remontées fantastiques mais il usait beaucoup trop ses pneus et c’est vrai qu’il avait du mal à concrétiser jusqu’à présent. A Barcelone, on a vraiment beaucoup travaillé pour les essais dès le vendredi et il est passé directement en Q2. Ça a rassuré Darryn ! En Q2, il finit neuvième, et pour nous, cette troisième ligne était parfaite. »
« Comme d’habitude, le départ de la course s’est bien passé , il a gagné des places et il s’est retrouvé instantanément dans le groupe de tête. Ensuite, il a fait une course sage, en reculant au maximum jusqu’à la septième place, mais sans aucun stress car il savait qu’il pouvait remonter. A cinq tours de la fin, il s’est montré plus incisif pour passer deuxième dans l’avant-dernier tour. On savait qu’il serait fort au freinage de la ligne droite de derrière et qu’il était très vite dans les derniers virages du Stadium. Il a donc pris la tête au bon moment et personne n’a pu le rattraper. Pour nous, c’est évidemment une grosse satisfaction, et pour lui c’est une prise de conscience qu’il peut se bagarrer devant et gagner. Régulièrement, il était devant, mais jamais dans l’emballage final. Cette fois, il était vraiment présent et fort dans les derniers tours. »

Il y a eu beaucoup de courses où Darryn a fait des remontées fantastiques, mais commettait des erreurs à quelques tours de l’arrivée. Cette fois, c’était différent puisqu’il partait d’une bien meilleure position sur la grille de départ. Mais y a-t-il eu aussi des débriefings pour analyser comment mieux gérer les fins de course ?

« C’est un ensemble de choses. Darryn n’avait jamais gagné un Grand Prix, et c’était son objectif. Si on prend l’exemple de Jerez, quand il tombe à quatre virages de l’arrivée alors qu’il était dans le groupe de tête, c’est parce qu’il s’était fixé comme objectif de gagner. À Misano 2, dans les mêmes conditions, il se fait passer par un pilote à cinq tours de la fin, mais il ne veut pas perdre une place. Donc il sort un peu large et chute sur des bosses. Bien sûr qu’on lui dit à chaque fois et qu’on travaille sur le fait que pour gagner une course, il faut déjà être à l’arrivée ! On a donc fait de la pédagogie et au final ça a marché. Maintenant, ce qu’on espère, c’est que Darryn va se sentir plus apaisé grâce à cette première victoire. Pour continuer à faire progresser Darryn , notre objectif est de finir le plus courses en possible dans le groupe de tête jusqu’à la fin de la saison. Alors bien sûr, si on peut en gagner d’autres ce sera avec grand plaisir ! Nous devons aussi progresser au championnat en marquant de gros points régulièrement et en finissant dans les cinq le plus souvent possible… »

Concrètement, comment gérez-vous le stress pendant les courses Moto3, où votre pilote vous en procure indiscutablement beaucoup ?

« En ce qui me concerne, j’ai fait le début de la course en bord de piste et j’ai vu que Darryn avait l’air plutôt à l’aise et ne prenait pas de gros risques. Je suis donc rentré au box pour voir les chronos, et on a attendu la fin avec toute l’équipe et les mécaniciens. On était évidemment tous très stressés parce qu’on avait déjà connu ce genre de situation, mais que ça ne se finissait généralement pas très bien. Donc effectivement, on avait un stress énorme, mais c’est aussi pour ça qu’on fait ça ! Parce qu’il a été tellement fort pendant toute la course que, si nous nous étions très stressés, on voyait que lui était libéré sur la moto, ce qui lui a permis de remporter la victoire ! Même si la course nous a paru extrêmement longue (rires) ! »

« Il y a un énorme stress et, pour nous, une victoire est un gros enjeu : On ne fait pas partie des plus gros teams du paddock, mais on a pu démontrer qu’avec des budgets modérés, on arrive à se battre avec les autres. La réglementation Moto3 nous permet de nous mettre en valeur par la qualité de notre travail et de notre coaching. On peut donc voir qu’on a des motos pour gagner : Il fallait le démontrer, et c’est maintenant fait. »

Décrivez nous le bonheur d’une victoire, sur l’instant et dans les heures et les jours qui suivent…

« Ce que je peux dire, c’est qu’en marchant pour aller au podium, j’avais une énorme satisfaction. C’est dans de tels moments qu’on se dit “c’est pour ça qu’on fait ça !”. C’était donc quelque chose d’apaisant, et j’ai également eu une pensée pour Shoya et toute sa famille, parce que bien sûr, la dernière fois qu’on a gagné en Moto2, c’était avec Shoya. J’ai aussi pensé à tout le travail réalisé par toute l’équipe pour obtenir cette victoire ! Cette année est une année très difficile pour tous les teams, avec les courses qui s’enchaînent beaucoup, et les techniciens ne rentrent pas beaucoup chez eux. Il y avait donc une grosse fierté pour tout le travail accompli. »

 Votre présence quasi constante aux avant-postes, ainsi que cette victoire, vont-elles aider votre équipe l’année prochaine, que ce soit par rapport aux sponsors ou la Dorna ?

« 2020 est vraiment une année compliquée, et 2021 risque de l’être aussi. Cette victoire et la présence de Darryn aux avant-postes démontre la qualité de notre équipe et de son travail. Darryn va partir l’année prochaine et il nous faut lui trouver un remplaçant. Cette victoire va donc faciliter les contacts. »

 Cette année, les KTM et les Honda semblent également compétitives. Le gel technique jusqu’à fin 2021 vous garantit donc de pouvoir performer de la même façon pendant encore une année et demie…

« Pour être précis, le gel technique se réfère aux châssis et aux moteurs. Par contre, il peut y avoir des petites évolutions concernant l’aérodynamisme, les pots d’échappement, les corps d’injection, les boîtes à air etc. Aujourd’hui et pour 2021, quelque soit la marque, c’est avant tout le pilote et son équipe qui font la différence. »

Quelles sont les points forts de chacune ?

« Au niveau moteur, c’est assez homogène. Avec Darryn au guidon, on voit que la KTM est très efficace au freinage. La Honda est peut-être un petit peu plus facile sur la reprise des gaz en sortie de virage. »

 En plus du temps consacré aux Grands Prix, vous mettez votre savoir-faire à disposition d’autres activités. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

« Effectivement, on se sert de notre expérience et des informations que l’on a pu recueillir les années passées pour contribuer à détecter et à faire progresser de jeunes pilotes. Notre travail est de mettre notre expérience à leur disposition, et nous intervenons également auprès des plus jeunes en France pour acquérir les bases du pilotage. »

 Donc en résumé, Alain Bronec n’arrête jamais ?

« Pas souvent (rires) ! »

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