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De Massimiliano Garavini / Corsedimoto.com

En MotoGP, il existe le même « cerveau » que sur les missiles balistiques intercontinentaux. Voilà pourquoi Honda et Ducati sont en avance sur tout le monde.

Ce qui peut être considéré comme le challenge technologique de cette finale de la saison MotoGP a des origines lointaines. La dernière saison, la plus irritante, avec les UC « libres » était celle de 2015. L’électronique propriétaire avait atteint un tel niveau de sophistication quelle pouvait être considérée comme « adaptative ». C’est-à-dire de répondre en temps réel à une multitude de paramètres acquis par une série de capteurs actifs et passifs répartis sur toute la moto.
Qui en sait plus, en a plus.

ROBOT – Il a été dit que Honda avait fait un transfert de technologie à partir de sa division robotique, en s’appuyant sur un savoir-faire emprunté au robot « humanoïde » Asimo. Une escalade électronique augmentant les coûts sans niveler la compétitivité a effrayé Dorna qui a imposé la révolution copernicienne : le logiciel unifié. Boitier identique pour tous, stop aux ECU propriétaires. Fini les capteurs GPS intégrés qui cartographient chaque centimètre de piste, on arrête la technologie adaptative, et on revient au pilotage. Problème résolu ?

MILITAIRE – Pas vraiment, parce que Honda – a-t-on dit à l’époque -, après avoir fait la grosse voix, « blinda » sa centrale inertielle, lui laissant des fonctions autonomes.  Asimo, en somme, n’avait pas entièrement disparu de la RCV.
Pour comprendre ce qu’est la centrale inertielle et à quoi elle sert, il faut commencer par la technologie militaire. Mieux encore, les missiles : ces dispositifs sont conçus pour permettre aux fusées balistiques, une fois leur route définie, de garder parfaitement le cap. Ils sont utilisés pour prendre en compte des paramètres tels que la vitesse, la variation de l’altitude, l’accélération et tout ce qui est nécessaire pour ne pas « se perdre ». En pratique : si vous n’avez pas de GPS, pour savoir où vous vous trouvez et comment procéder, vous avez besoin d’une centrale inertielle. Un article de RED Live Mag, écrit par Riccardo Codognesi, l’explique bien. Il interroge le responsable des comptes clients de Bosch qui suit particulièrement Ducati :
« Pour répondre à la question qu’est-ce que l’IMU ? (Inertial Measurement Unit ) c’est une combinaison de capteurs MEMS (Micro Electro-Mechanical Systems). Dans le cas de motos, 3 gyroscopes et 3 accéléromètres. Ce sont des capteurs micrométriques très avancés qui permettent de transformer une donnée mécanique telle que la pression, l’accélération ou l’intensité du son, en une simple impulsion électrique quantifiable et mesurable par une unité de contrôle qui permet de connaître la position du véhicule dans l’espace ».

IMU – C’est clair ? Codognesi va plus loin :
«GPS et IMU sont deux choses complètement différentes. L’IMU montée sur un véhicule fournit des accélérations le long des 3 axes, X Y Z (à partir desquelles la vitesse instantanée est également obtenue avec une formule mathématique), ainsi que les trois angles de rotation sur ces axes : tangage, roulis et lacet. Le GPS, en revanche, a un comportement totalement différent : il indique où nous sommes situés sur le globe terrestre par rapport à une référence, qui est en fait un groupe de satellites qui nous survole ». Peter Maclaren clarifie le concept dans un article de juillet 2017, publié sur crash.net. Le journaliste anglais explique que l’IMU possède son propre « cerveau » programmable et donc la possibilité de transmettre des données « élaborées » pouvant influencer le logiciel unique de l’ECU officielle.
Pour corroborer ces affirmations, il rapporte l’opinion de Corrado Cecchinelli, directeur technique du MotoGP :
« les gens pensent que l’IMU ne mesure que l’angle d’inclinaison, mais c’est faux : l’IMU mesure la vitesse angulaire puis une intégration mathématique calcule l’angle de courbure. Mais si, dans ce calcul, vous effectuez un « traitement » au lieu d’intégrer simplement le signal… Imaginez que je parte de la vitesse angulaire et de la température de la gomme, je croise ces données, puis envoie un angle d’inclinaison « élaboré » vers l’ECU, qui n’est donc pas l’angle d’inclinaison « réel », mais un angle qui change selon que le pneu est chaud ou froid. De cette façon, je dispose d’un antipatinage qui fonctionne différemment du vôtre … Ce serait illégal, car le règlement technique MotoGP stipule :
L’utilisation du logiciel officiel du calculateur MotoGP pour le contrôle des moteurs et du châssis est obligatoire pour toutes les machines, et aucune autre stratégie de contrôle du moteur et du châssis ne peut être utilisée sur la machine pendant les épreuves ».

LIMITATIONS – La conclusion de Cecchinelli, toujours favorable à une centrale inertielle unique, est évidente :
«il est inévitable de programmer l’IMU pour qu’il fasse son travail, je ne peux donc pas vous empêcher de vous connecter à votre IMU avec votre PC … Mais alors je ne sais pas ce que vous faites vraiment. Il y a une faille, là. L’IMU est en fait un ordinateur et, comme elle est connectée par une ligne CAN, elle pourrait, en théorie et hors de notre contrôle – c’est clairement interdit – recevoir un certain nombre de données non fournies et donc de « remanier » ce qui en sort ».
L’interview a ensuite été reprise par McLaren, sur le codage « secret » contenu dans la tristement célèbre « Salad Box » Ducati. Selon l’hypothèse de Cecchinelli, la centrale inertielle aurait pu être cachée. En tout état de cause, le responsable Dorna a appelé à l’interdiction de toutes les formes de dispositifs « actifs » et « semi-passifs ».

INTERDICTION – C’était ainsi : à partir de l’année suivante, il était interdit de « remanier ». Centrale inertielle et unité de contrôle unifiée, championnats parfaits. Oui mais maintenant ?  En cette fin de 2018, avec le titre de pilote déjà attribué, la polémique revient. L’électronique Yamaha ne va pas ? Non, c’est plutôt Ducati et Honda qui sont allés trop loin. Selon les rumeurs qui circulent dans le paddock, l’IMU, agissant de manière « synergique » avec l’ECU, agit de manière à devenir un super « contrôle de traction ». Traduction : la roue arrière patine moins, l’usure des pneus est moindre, l’accélération meilleure. L’action de la centrale inertielle devient « prédictive » : elle anticipe, élabore, calcule et renvoie une prédiction que l’ECU interprète ensuite comme une donnée fiable. Darwinisme numérique. En Italie le sujet a été relancée par l’émission télévisée « Paddock » de Franco Bobbiese. Le journaliste Maurizio Bruscolini a expliqué comment Ducati développait activement la centrale inertielle.

GRANDE GUERRE – Parmi les bruits de paddock, il se murmure que les pilotes officiels Petrucci et Lorenzo ont été utilisés comme super-testeurs pour mettre en œuvre les nouveautés en vue de 2019. Les résultats n’auraient cependant pas été totalement positifs. Le site Web motorlunews.com réaffirme le concept d’une guerre technologique majeure en cours, cette fois de l’Espagne :
Diego Lacave a rapporté une série de considérations formulées en marge du GP d’Aragon par les anciens pilotes Ruben Xaus et Dennis Noyes :
« La centrale inertielle, en principe, n’était qu’un accessoire. Mais cet appareil est devenu … le super cerveau qui informe l’ECU. Et cet appareil ne provient pas de Honda, de Kawasaki ou de Suzuki, mais des forces aériennes de différents pays, y compris des États-Unis. C’est un composant de missile nucléaire intercontinental. Vous devez juste savoir une chose : mettez-le sur la moto et il vous dit où il se trouve. A partir de là, si vous le programmez bien, vous pouvez informer les unités de contrôle de l’accélération, de la décélération, de l’angle d’inclinaison, de la température … Beaucoup de choses ».
Corrado Cecchinelli, (Ruben Xaus, a rappelé que Cecchinelli, avant d’occuper le poste de directeur technique du MotoGP, était ingénieur chez Ducati Corse) a reconnu « qu’avec cet élément vous ne pouvez pas savoir s’il y a eu intrusion, et donc vous ne pouvez jamais découvrir une supercherie … L’année prochaine, cet appareil qui coûte deux cent mille dollars et peut être acheté en Israël ou en Corée du Nord (les États-Unis ne le vendent pas) sera banni ».

ASIMO vs GIGI – En Aragon, avant le départ du championnat du monde vers l’Asie, Diego Lacave s’est introduit dans les coulisses du MotoGP : selon le journaliste espagnol, il y aurait une forte tension dans le paddock.  Deux blocs opposés, Honda d’un côté, Ducati de l’autre. La maison japonaise accuserait l’usine bolognaise de tricherie alors qu’à Borgo Panigale, ils rejetteraient toutes les insinuations. La défense de Ducati repose sur le fait que le règlement présente un « loop hole », c’est-à-dire des lacunes qui se prêtent à diverses interprétations, et que ce qu’ils font en Italie ne serait pas différent de ce que fait Honda (et peut-être Suzuki). Pour Lacave, ceci éclaire d’un jour nouveau les paroles de Cal Crutchlow :
 » Nous connaissons maintenant la stratégie de Ducati, faire deux ou trois tours rapides, puis ralentir. Vous ne pouvez rien y faire, il est difficile de les dépasser. Ils peuvent faire des chronos à 45,8, / 45,7 et au tour suivant 46,5. C’est une grosse différence, je ne sais pas pourquoi ils le font, mais c’est leur stratégie « .

La véritable inconnue, à ce stade, sera de savoir qui sera le plus rapide, entre Honda et Ducati, a modifier la moto afin de l’adapter à la nouvelle électronique unifiée de 2019. Assisterons nous a un duel entre le robot Asimo et le sanguin Dall’Igna ? Peu probable. Mais pas impossible.

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Crédit photo : Bikerepublic.com