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Par Carmen Marín Jiménez  / Motosan.es

Pol Espargaró s’est confié à Motosan pour pour faire le point sur ce qu’il s’est passé en 2018 et comment 2019 se présente. Le Catalan parle longuement des sujets les plus actuels du MotoGP.

Pol Espargaró (Granollers, 1991) aborde la saison 2019 après ce qui a probablement été son année la plus difficile. Le développement de la KTM a été ralenti par ses blessures et celles de Mika Kallio, le pilote d’essai de la marque. L’arrivée de la nouvelle année lui donne l’occasion d’oublier et de repartir de zéro.

Les bons moments prennent de la valeur lorsqu’ils surviennent après des temps difficiles. C’est quelque chose que le coureur catalan a appris après avoir subi en 2018 une opération pour enlever une plaque de sa clavicule en décembre, une hernie discale dans le dos avant le début de la saison, une fracture de la clavicule en République tchèque, une blessure très importante à la moelle osseuse et une deuxième fracture de la clavicule en Aragón. Après tout cela, à Valence, ce fut le premier podium du plus jeune Espargaró en MotoGP.

Question : Tout d’abord, revenons quelques mois en arrière, au 18 novembre de l’an dernier : cette date vous dit-elle quelque chose ? Qu’est-ce que ce podium signifiait pour vous, après avoir figuré si souvent à ses portes ?

Réponse : C’était très important, pas seulement à cause de ma carrière sportive, ce qui en fin de compte est une chose très importante pour moi. Mais je pense que c’était plus par rapport à tout ce que nous avons vécu pendant l’année : les blessures, les mauvais moments… Pas seulement pour moi, mais pour les gens qui sont avec moi et qui partagent mon quotidien au jour le jour, et toute mon équipe. A la fin, l’équipe passait d’un pilote à l’autre, ne sachant pas comment il allait ni quand il reviendrait, et ça avait un goût affreux pour moi. Je pense que c’était très important pour moi, mais c’était plutôt une vision globale de ce que cela a apporté à l’équipe et de l’énergie que cela nous a donné pour commencer cette année.

Q : Comme vous l’avez dit, 2018 a été une année très difficile en raison des blessures. Selon votre entourage, cela a été la plus dure de votre carrière. Comment vous sentez-vous ? Quelles leçons en avez-vous tirées ?

R : Oui, il y a eu plusieurs périodes difficiles depuis la pré-saison. Il y a même eu des moments où j’ai cru que je ne remonterais pas sur une moto. Lors de la pré-saison, lorsque j’ai dû me faire opérer du dos, le médecin m’a dit qu’il y avait une possibilité de rester six mois sans pouvoir monter sur une moto, par manque de sensibilité dans certaines zones, si l’opération ne se passait pas bien. C’est là que tu repenses à beaucoup de choses. Puis, quand la chute m’arrive en République tchèque et qu’on me dit que je suis sur le point de devenir invalide… cela aussi vous fait réfléchir. Et tout le processus de récupération de tous les nerfs du cou, le manque de sensibilité des doigts, les longues nuits sans pouvoir dormir ou me reposer, tous les médicaments que j’ai dû prendre, pendant que j’allais comme un zombie… Je pense que tous ces processus, même s’ils ne sont pas très longs, vous font beaucoup réfléchir. Ils repassent mille fois dans votre tête. C’est facile de devenir fou si vous n’avez pas des gens pour vous encourager et vous soutenir.

Q : En laissant le passé derrière nous, 2019 sera une année de changement. Le premier, votre coéquipier qui, après cinq ans, n’est plus Bradley Smith. Qu’attendez-vous de Johann Zarco ? Lors des premiers essais, il semble que la KTM soit un peu difficile pour lui…

R : C’est normal, le passage de Yamaha à KTM est assez drastique. Ce que nous attendons tous de lui, ce sont de très bons résultats, et qu’il apporte de la vitalité à l’équipe. C’est un pilote très apprécié, c’est un gosse comme moi, avec beaucoup d’envies, et je suis convaincu qu’il vient avec le grand désir de gagner des titres. Je pense que ce que nous espérons tous, c’est un peu de pression de sa part, qu’il nous recharge les batteries, et que nous commencions tous à travailler ensemble pour gagner. En fin de compte, c’est l’objectif de KTM et le mien. Cette pression supplémentaire que Johann va nous donner va être très bonne pour nous tous.

Q : Quelles sont les impressions du Français sur la KTM ?

R : Eh bien, il dit que, évidemment, comme toutes les motos, elle a des forces et des faiblesses. À l’heure actuelle, les points faibles sont plus importants que les points forts et c’est pourquoi nous sommes dans la situation où nous nous trouvons. Mais il est content parce que le train avant fonctionne plutôt bien au freinage, malgré le fait qu’il lui a fallu un peu de temps pour s’adapter à Valencia et qu’il s’est fait quelques frayeurs et quelques chutes avec l’avant. C’est parce que la Yamaha est une moto qui est très facile dans les entrées de virage, elle tourne beaucoup, et la KTM à ce moment-là, il faut la guider un peu davantage et se battre un peu plus avec elle en entrée de virage.

Mais une fois que vous avez solutionné cette phase, la moto réagit très bien. Le moteur fonctionne très bien et l’électronique aussi. Il était donc heureux parce qu’elle a des points forts que nous devons exploiter davantage, car nous n’obtenons pas encore la performance que nous devrions. Il a des points de vue différents des miens, qu’il faut suivre pour améliorer la moto, sans aucun doute.

Q : Certains pensent que la KTM est une moto très difficile à piloter. J’ai même entendu dire que c’est la plus compliquée, mais que votre style agressif semble bien lui convenir. Comment décririez-vous le prototype 2019 ? Quels sont vos impressions ?

R : La moto est compliquée, c’est certain. Je ne sais pas si c’est la plus compliquée, mais certainement l’une des plus compliquées. Mais ce n’est pas parce que la marque a fabriqué une moto comme ça, c’est parce que nous en sommes au début. Des débuts sans information et à partir de zéro, c’est normal que cela coûte un peu plus cher, qu’elle bouge plus parce que l’électronique n’est pas réglée à la perfection, le châssis non plus, la rigidité de la moto non plus… Il est donc évident qu’il nous faut un processus.

Maintenant, après les tests que nous avons faits avec Johann, beaucoup de conclusions ont été tirées, Johann a beaucoup contribué à l’équipe. Cela nous a donné l’occasion de prendre des chemins différents pour le prochain test que nous avons dans quelques jours en Malaisie, et au Qatar. Et à partir de là, nous allons définir ce que sera le prototype de 2019 et nous commencerons. Oui, nous avons déjà une moto 2019, et c’est ce qui arrive après les changements proposés par Johann, conjointement à Dani et à mes commentaires. Cela va changer un peu et nous allons nous retrouver.

Q : Un autre changement est l’arrivée de l’équipe satellite de KTM. Ils auront du matériel officiel et, comme Poncharal l’a dit dans des déclarations à Crash.net, Pit Beirer veut seulement que KTM gagne, peu importe si c’est une moto satellite ou officielle. Qu’attendez-vous d’eux, vous qui connaissez Tech3 ? Comment peuvent-ils vous aider ?

R : Oui, c’est vrai, Pit a raison. En fin de compte, nous avons besoin d’un maximum d’informations très fiables. Et pour cela, les satellites doivent avoir les mêmes performances que nous, le même matériel et les mêmes pièces. De cette façon, nous obtiendrons l’information que nous voulons et que nous, les officiels, pourrons utiliser. Nous avons déjà vu avec Zarco cette année, et ces dernières années avec Bradley et moi, que l’équipe est compétitive, jeune, et désireuse de progresser. Ils ont l’habitude de faire évoluer les jeunes pilotes et de les promouvoir dans des équipes différentes. Espérons donc qu’ils nous aideront beaucoup et qu’ils nous donneront les informations dont nous avons tant besoin. Et pourquoi pas, s’ils doivent nous battre sur certains circuits, nous serons ravis, car cela signifiera que nous aurons des informations privilégiées.

Q : Le dernier changement est l’arrivée de Dani Pedrosa comme pilote d’essais. Nous avons appris récemment qu’il avait subi une malheureuse fracture de la clavicule due au stress. Comment cela affecte-t-il vos plans ?

R : Cela nous affecte beaucoup. Nous avons beaucoup d’espoirs et d’attentes à propos de Dani. C’est un pilote très rapide et très technique, qui comprend très bien les réglages de la moto, et c’est ce dont nous avons le plus besoin en ce moment, et c’est pourquoi KTM s’est entendu avec Dani. Mais je pense que Dani est actuellement dans ce moment de la retraite où la pression retombée vous fait sentir toutes les douleurs et toutes les blessures.

J’en ai fait l’expérience moi-même à la fin de cette saison. Quand vous terminez une saison très stressante, vous tombez malade, vous souffrez de maladies que vous n’aviez pas, et il faut du temps pour vous rétablir. Je pense que Dani, après toutes les blessures qu’il a eues, avec cette pause et la relaxation après la tempête, toutes les mauvaises choses lui arrivent. Et de la part de KTM, et bien sûr de mon côté, nous lui souhaitons un prompt rétablissement et qu’il soit sur la moto le plus vite possible car, sans aucun doute, nous en avons grandement besoin.

Q : Pouvez-vous nous dire quelque chose sur les informations que Pedrosa a transmises après son premier test KTM ?

R : Oui, à la fin, il dit qu’il y a beaucoup de travail à faire, que c’est une moto qui ne va pas mal mais que, évidemment, par rapport à la Honda, il reste encore beaucoup à faire. Il reste encore beaucoup de travail, depuis la conception en Autriche et la prise de décision sur le développement des pièces jusqu’à l’équipe de test, pour s’améliorer et devenir plus compétitif. La moto a beaucoup de pièces qui ont besoin d’être améliorées. Dani a beaucoup contribué, mais pas seulement dans la partie technique, et c’est son importance. Il n’est pas seulement bon dans la partie technique, mais aussi dans tout ce qui entoure le monde du MotoGP. Dani maîtrise parfaitement tout : comme la mécanique, l’électronique, les ingénieurs, l’évolution des pièces, le solutionnement des problèmes, la rapidité de la résolution des problèmes… Ici, il a beaucoup à apporter.

Q : Mis à part KTM, il y a une rumeur qui dit que lorsque vous êtes arrivé chez Yamaha, Lorenzo et Rossi ont copié votre utilisation du frein moteur, parce qu’ils l’utilisaient moins que vous. C’est vrai ?

R : Oui, juste quand je suis arrivé chez Yamaha, je venais d’utiliser un embrayage et un frein moteur plutôt rudimentaires en Moto2, beaucoup plus qu’en MotoGP. Nous avons dû nous adapter et jouer avec l’embrayage et le frein moteur pour entrer dans les virages, aidant ainsi le train arrière à freiner la moto. Et ça nous a fait à peu près bloquer le train arrière. Ce qui me manquait le plus quand je suis monté sur la Yamaha , c’est qu’au moment où j’étais sur le point d’entrer dans les virages, je roulais toujours un peu loin parce que je ne sentais pas cette pression dans le train arrière. Nous avons donc créé un système de frein moteur similaire à celui de la Moto2, mais qui a évolué et s’est bien mieux comporté, avec des variations suivant l’angle. Plus on avait d’angle et plus le frein moteur se réduisait, pour que ce soit moins dangereux d’entrer dans la courbe.

Je me souviens d’une chute que j’ai faite au Mugello, où je me suis envolé dans le premier virage, où nous avions testé différents freins moteur avec différents réglages. Nous avons essayé d’évoluer autant que nous le pouvions, nous en avons tiré beaucoup de performance et j’ai fait une excellente année, j’ai terminé sixième du Championnat du Monde. Le travail que nous avons fait toute l’année a été utilisé par eux parce qu’ils avaient des problèmes avec le frein moteur et dans la première partie de la courbe. Et ça s’est très bien passé pour eux.

Q : Lorenzo lui-même change radicalement d’équipe cette année pour prendre sa troisième moto d’usine. Qu’attendez-vous de lui ?

R : Je suis très curieux de savoir ce que Jorge peut faire. On a l’habitude de le voir piloter très doucement, très bien. Nous pensions qu’il ne pourrait pas l’appliquer à la Ducati. Et maintenant, nous voyons même à quel point Dovi pilote beaucoup plus finement: il a un pilotage beaucoup plus doux qu’avant. Je pense que c’est aussi, en partie, grâce à ce que Jorge a pu apporter à l’équipe. Je suis très curieux de voir ce que Jorge peut faire avec cette moto. Nous savons que Marc est un pilote très agressif, qui bouge beaucoup la moto pour la piloter, et il semble que la Honda soit une moto très agressive. Je suis donc curieux de voir si cette moto peut aussi être emmenée différemment.

De plus, je pense que Dani n’a pas été très en forme ces dernières années à cause de ses blessures. C’est pour ça qu’il n’a pas donné à Márquez la réplique que nous attendions tous, et je pense que Dani aurait pu le faire. Et avec Jorge, motivé, chez Honda, comme coéquipier de Marc… Je pense que ça va être très intéressant. En plus, il était plutôt rapide à Jerez, alors on va voir de quoi il est capable. Je suis très, très curieux.

Q : Comment voyez-vous Marc en 2019 ? Après la tension qui régnait lorsque vous étiez rivaux en 125 et en Moto2, votre relation s’est-elle améliorée ?

R : Oui, nous nous entendons mieux maintenant. Je n’ai jamais vraiment eu de problème avec Marc. Il est vrai que l’environnement est toujours très mauvais pour les relations entre pilotes. Surtout, à des moments précis, la presse crée toujours de grandes rivalités pour vendre un peu plus. Dans bien des cas, c’est très nuisible pour les pilotes, qui courent, et aussi pour le spectateur, car ce n’est pas un beau spectacle de voir que deux pilotes s’entendent mal. Mais je n’ai jamais vraiment eu de relation négative avec Marc, comme ce fut le cas pour Valentino et Biaggi, par exemple. Je m’entends très bien avec lui, je pense que c’est un gars très souriant comme moi, qui aime beaucoup ce qu’il fait. Il s’amuse beaucoup sur la moto et j’envie vraiment les résultats qu’il obtient, à quel point il l’apprécie et la facilité avec laquelle tout se passe sur la Honda.

Q : Un autre pilote avec qui vous vous êtes battu en Moto2 est Scott Redding. Il y a deux jours, il a donné une interview sur Crash.net et a dit que la seule chose qu’il regrettait dans sa carrière MotoGP était de ne pas avoir gagné le championnat en 2013. Il dit que c’était injuste que les Dunlop aient été plus durs après les vacances d’été, mais vous avez aussi eu beaucoup de plaintes cette année-là au sujet des pneus, parce que vous avez fini par avoir des fissures dans les pneus.

R : Cette année-là a été assez difficile pour tout le monde dans la catégorie, pas seulement pour moi. J’ai vu, par exemple, Jordi Torres arriver avec ses pneus en morceaux au Sachsenring. Ça n’est pas arrivé qu’à moi, c’est arrivé à presque tout le monde. A cette époque, Marc VDS disposait d’un budget beaucoup plus important et pouvait faire plus d’entraînements et de tests privés avec Dunlop. C’est comme ça qu’ils ont développé un système pour ne pas détruire les pneus. Mais nous n’avons pas pu le faire, nous n’avons pas eu le temps de développer la machine que nous avions avec Sito (Pons). Je pense que la question principale était un problème de sécurité. A la fin de la course, la moto vibrait beaucoup au milieu de la ligne droite… Ce n’était ni plus rapide ni plus lent, c’était un problème de sécurité, et ce n’était pas normal.

Dunlop, bien sûr, a fait le pas de fabriquer des pneus plus durs pour qu’au moins ils ne se détruisent pas. Cela aurait dû l’aider ou lui profiter [à Redding], parce qu’un pilote plus lourd met plus de poids sur l’arrière et fait que les pneus les plus durs fonctionnent mieux. C’est pourquoi Dani a eu tant de problèmes avec Michelin cette année. Donc, nous essayons de nous adapter et nous nous adaptons plus vite que lui. C’est vrai aussi qu’au début de la saison avec Scott, j’ai eu beaucoup de chutes et nous sommes arrivés avec le même nombre de résultats nuls à Valencia. Et, avec le même nombre de zéros, je suis arrivé très différemment de lui. Ce fut une année très amusante avec Scott, que j’ai vraiment aimée, mais j’ai aussi beaucoup souffert à cause du problème que vous avez mentionné au sujet des pneus, et j’ai passé un très mauvais moment.

Q : Enfin, comment voyez-vous votre frère ? Vous êtes tous les deux des rivaux directs au classement général, mais vous n’êtes généralement pas beaucoup ensemble sur la piste….

R : Il est difficile en MotoGP d’être à égalité avec un pilote. Les motos sont très différentes, il y a plus de différences à cause des motos, les motos font plus de différences que les pilotes. En Moto2, nous voyons normalement plus d’actions au corps à corps et de courses disputées, et il y en aura encore plus qu’avant avec le changement. Mais en MotoGP, il est très difficile de lutter et de se battre avec un autre pilote. Normalement, vous avez plus de chances de vous battre avec votre coéquipier qu’avec un autre pilote d’une autre marque. Mais même ainsi, nous en avons encore eu (des bagarres) dans certaines courses cette année. Je me souviens d’une en Hollande, à Assen, où on s’est bien amusés. Nous avons tous les deux attaqué dans le dernier virage du dernier tour et c’était très amusant. Je vois Aleix bien, il est motivé, même si je pense qu’Aprilia a besoin de mettre un peu plus de viande sur le gril, avec les talents qu’ils ont dans l’équipe. Et ils vont en avoir encore plus avec Iannone. Mais cela ne nous profite pas, alors je ne vais pas le dire trop fort non plus. Aleix s’entraîne très fort, il est très fort physiquement et il est très impatient de commencer la saison.

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Carmen Marín Jiménez