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Après le Grand Prix d’Allemagne, et avant celui de la République tchèque, nous avons fait le point avec Laurent Fellon, coach et ami de Johann Zarco. Si on s’en réfère aux chiffres et aux classements après le GP du Sachsenring, en 2017 Johann était sixième du classement provisoire du Championnat du Monde avec 84 points, et cette année il est quatrième ex-aequo avec 88 points.

Comment évalues-tu la situation à la mi-saison ?

« Johann a passé un cap. Il a marqué 4 points de plus que l’année dernière à la même époque. Ça n’a pas l’air énorme, mais c’est gigantesque parce que c’est la catégorie MotoGP, c’est l’élite. Il nous a habitués à être devant, donc certaines personnes ne comprennent pas. Or c’est normal, car il dispose d’une moto satellite. Il est dans un bon team. Ils font le maximum chez Tech 3 et Johann donne tout ce qu’il peut sur la Yamaha. La situation est donc assez compliquée. »

Johann a été très brillant en début d’année avec la pole position au Qatar et au Mans, et la deuxième place en course en Argentine et à Jerez. Penses-tu qu’il a l’occasion de se ressourcer actuellement pendant la coupure estivale pour renouveler bientôt ses superbes performances du début de saison ?

« Je dirais ça différemment. Il était parti sur son élan et les autres ont continué aussi à travailler. Quelqu’un comme Jorge Lorenzo qui était un peu perdu a retrouvé le bonheur en gagnant au Mugello. Puis il l’a emporté à Barcelone et a trouvé un équilibre. Ça fait un adversaire de plus.

« Les autres ont travaillé sur les motos et donc pour Johann ça va être maintenant un peu plus dur. Il peut viser une place dans les cinq premiers, pourquoi pas un podium, ou même s’il pleut une victoire. Il ne faut pas baisser les bras, et ce qu’il fait c’est déjà bien. »

Au GP d’Allemagne, Johann et la KTM de Bradley Smith ont roulé longtemps ensemble. Par ailleurs, Pol Espargaro a réalisé le meilleur temps du warm up sur sa KTM, une première pour la marque autrichienne en MotoGP. Ça vous conforte, Johann et toi, dans votre choix de rouler pour KTM l’an prochain ?

« Je suis sûr depuis longtemps que la KTM est bonne. Pol Espargaro l’a montré avec son meilleur temps du warm up, ce qui ne lui était jamais arrivé avec la Yamaha satellite. Espargaro et Smith étaient auparavant sur une moto comme l’actuelle de Johann et en regardant leurs performances actuelles, ça prouve que la KTM est bonne. La moto va évoluer, et ensuite ce sera le pilote qui fera la différence. Je pense que le lendemain du GP de Valence vous serez surpris de voir Johann faire de bonnes performances sur la KTM.

« Moi je n’ai pas besoin d’être convaincu : je connais la puissance de feu de KTM. Il ne faut pas oublier que ce constructeur a fait faillite en 1988, avant d’être acheté par son propriétaire actuel en 1989. Or maintenant en motocross et en enduro, la couleur orange domine. Quand ils sont arrivés en Moto3, ils ont été tout de suite Champion du Monde (ndlr : avec Sandro Cortese en 2012). La Moto3 actuelle est maintenant supérieure à la Honda en vitesse de pointe, ce qui n’était pas le cas auparavant.

« En Moto2, ils sont arrivés quand Johann quittait la catégorie fin 2016. J’avais des doutes sur leur cadre en tubes face à la partie-cycle de la Kalex. Mais Johann l’a essayée en Aragon, et avec 5 km/h de moins en vitesse de pointe, il a fait le même temps qu’avec la Kalex ! Vu ce que réalise Oliveira, ils savent faire des motos. C’est une très bonne marque. Ce sont des gens compétitifs, passionnés et en plus européens. »

Johann s’est plaint du technicien Öhlins qu’on lui a attribué qui n’aurait pas donné le meilleur de lui-même. Mais – après avoir remporté ses deux titres Moto2 avec WP – n’est-il pas à craindre qu’il ne soit pas le mieux servi par Öhlins alors qu’il va (tout comme Tech 3) passer en WP l’an prochain ?

« Je ne peux pas dire que le technicien Öhlins n’était pas bon. Si ça avait été le cas, Johann n’aurait pas fait la pole au Mans, ni au Qatar. Johann a dit ça dans un moment de colère, sans vraiment le penser profondément. Dans un moment d’énervement, on dit parfois des choses inappropriées qu’on regrette ensuite. Il faut oublier cette parole, tourner la page et continuer. Johann s’est simplement un peu énervé, ce qui peut arriver à n’importe quel être humain. »

Que penses-tu du passage de Fabio Quartararo en catégorie MotoGP ?

« Il va en MotoGP parce qu’il redoute de laisser passer l’occasion d’avoir ce guidon. Fabio a fait de très belles courses cette année, dont sa victoire à Barcelone, mais moi j’aurais fait une année de plus en Moto2 pour essayer d’être Champion du Monde. S’il avait fait ça, il aurait grandi. Il aurait été bien qu’il ait été Champion du Monde Moto2 l’année prochaine avec Speed Up, et il aurait alors mérité sans conteste d’aller en MotoGP.

« Fabio est un réel talent, mais il ne faut pas sauter les étapes, ce qui est typiquement français. Les pilotes français n’ont pas souvent la chance d’avoir de bonnes motos. Avec Johann, on a attendu pour en avoir une.

« Mais peut-être que Fabio ou son manager redoutent que s’il est Champion du Monde Moto2 en 2019, il n’y ait pas alors de bonne moto à disposition pour lui en MotoGP. La disponibilité d’une Yamaha pour passer en MotoGP est intéressante car c’est une bonne moto.

« Si sa décision est de partir en MotoGP, c’est très bien pour lui, et chacun choisit sa route. Un titre en Moto2 aurait été bien, car en Moto3 il aurait pu à mon avis déjà être Champion ou vice-Champion du Monde. En Moto2, vu ce qu’il fait actuellement, il peut être Champion du Monde. Mais il faut mieux ne pas sauter les étapes. Prends comme exemple Johann, Marquez et Valentino qui ne l’ont pas fait, parce que tu apprends chaque année quelque chose. Mais tant mieux pour Fabio qu’il aille en MotoGP, ça fera un pilote français de plus en MotoGP. »

Photos © Tech 3 (en titre et ci-dessous), Z & F Grand Prix School (ci-dessus : Laurent Fellon, Sébastien Moréno instructeur et Andrea Fellon)

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