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Après un hiver particulièrement houleux pour KTM, nous avions eu la chance de pouvoir dresser le bilan des essais MotoGP d’inter-saison avec Hervé Poncharal en février dernier. 

Avant d’entamer la tournée européenne par l’Espagne, le patron du team Tech3 a bien voulu revenir sur les quatre premiers épisodes d’une saison qui s’annonce particulièrement intéressante, que ce soit pour les pilotes alignés par le team de Bormes les Mimosas, Maverick Vinales et Enea Bastianini, ou pour le plateau en général. Nous avons pu aborder longuement et en détail tous ces sujets d’actualité, donc un grand merci à lui !


Hervé Poncharal, nous avions fait le point de la situation hivernale avant le début de la saison. Il y a eu 4 Grands Prix depuis, dans lesquels il s’est passé beaucoup de choses. Avant tout, quel bilan vous tirez de cette tournée outre-mer, au niveau Tech3 ?
Hervé Poncharal : « Je dirais que c’était une tournée intéressante, instructive, où on a beaucoup appris. Je dirais que c’est une tournée où, étape après étape, on a avancé crescendo, on a progressé, et clairement on s’est rapprochés des leaders, parce que nos pilotes et leur têtes pensantes, donc chef-mécaniciens respectifs, les deux binômes comprennent de mieux en mieux la KTM RC16. Donc ça c’est le bilan global. Je pense que c’est assez clair quand on voit les résultats, puisque la Thaïlande, c’était compliqué, même si Enea Bastianini a fait une très belle remontée pour finir à la 9e position en course. Le Grand Prix d’Argentine, ça a encore été compliqué mais le feeling global des pilotes progressait, et là où on a vu vraiment une grosse étape de franchise, c’était au Texas. Je dirais surtout dans le box de Maverick Vinales, puisque c’est la première fois qu’il passait directement en Q 2 avec nous. Malheureusement, on a eu un problème électronique à la course sprint alors qu’il avait largement les moyens de finir dans le top 5. Et ça a été un petit peu bis repetita pour la course, puisque il a été obligé de quitter la grille au moment du départ parce que il y a eu un petit défaut électronique qui a fait que la moto s’est tue. Il est reparti des box parce qu’elle avait redémarré, bon, avec un handicap qui était irrémédiable mais avec des temps au tour qui encore une fois lui permettait de finir je pense vraisemblablement 4e, ce qui a été démontré par Enea Bastianini qui, lui, avait fait une qualif bien moins bonne mais est remonté très fort jusqu’à la 7e place, mais surtout la 7e place à 2 secondes de la P4 quoi. Donc Maverick Vinales ayant fait des temps similaires aux siens, et en partant de la voie des stands… Voilà, donc on a nettement vu, surtout dans le camp Vinales et aussi Enea Bastianini en course, qu’on commençait à devenir compétitif.  

Et puis là on rentre du Qatar; et là on a fait encore un pas en avant, encore une fois surtout dans le box de Maverick Vinales, puisque là on repasse en Q 2 direct, on fait, on fait 6e à la Q2, donc ça veut dire 2e ligne, et un superbe début de course à la Sprint. Malheureusement, un choix de pneus qui n’était pas le bon puisque il s’est retrouvé comme 12 autres pilotes à partir avec le pneu tendre, le soft, qui a perdu quasiment toutes ses performances sur les quatre derniers tours. Mais on savait qu’on était dans le coup, et puis le dimanche tout le monde partait avec le médium, donc on n’avait pas de souci de pneus. Et là, il a fait la course que tu connais, que tu as vue, et que, je pense, beaucoup des lecteurs assidus de Paddock-GP ont aussi vu à la télévision : course magnifique, course fabuleuse, qui nous a réjoui, qui nous a provoqué une peine infinie dimanche soir quand on a su que le résultat ne serait pas validé en l’état, et que Maverick s’était vu infliger une pénalité par rapport à une pression du pneu avant, qui était un tout petit peu en dessous de la norme. Je me suis assez exprimé là-dessus, et maintenant ça fait une semaine, donc ce n’est peut-être pas trop la peine d’y revenir, mais voilà, ce que je veux dire c’est que ça monte en puissance. Et pour moi, même si je ne veux surtout pas me dresser contre la décision de la direction technique de course qui a infligé une pénalité parce que, effectivement, on a été trop souvent hors des clous par rapport à la réglementation, mais la performance, elle est là. Les petits pouillems de centièmes de gramme qui manquaient dans la pression du pneu avant n’ont pas influé sur la performance. Donc je pense que la vraie perf, elle est là: il a fini P2, et je veux voir le verre à moitié plein, donc on va rester là-dessus. On sait pourquoi il a perdu ces petits centièmes ou millièmes de pression pour lesquelles il a été pénalisé. Son équipe technique et son chef mécanicien, Manu Cazaux, ne pensaient pas qu’il ferait la course qu’il a faite. Ils pensaient qu’il serait dans le groupe, et quand on est dans un groupe, on a toujours tendance à voir sa pression monter, et des fois être plutôt trop importante que pas assez. La température de dimanche soir est aussi tombée rapidement, de manière pas tout à fait prévue, car plus que c’était le cas samedi soir, et le cumul d’avoir un peu plus de fraîcheur dans l’air pendant la course et de voir Maverick faire des tours en tête, ben voilà…  

Et quand il s’en est aperçu, il a ouvert la porte pour laisser passer Marc, mais c’était déjà un peu tard et puis surtout à ce moment-là Marc a poussé parce qu’il a vu que Maverick était éventuellement capable de l’empêcher de gagner. Il a poussé très fort et Maverick m’a dit “Bah, le temps que je revienne sur la trajectoire, Marc avait déjà pris quelques longueurs. Vraisemblablement il avait un peu mieux géré son pneu arrière que moi quand j’étais en tête, donc il avait un peu plus de grip », et il n’a pas réussi à être collé dans les échappements de Marc, ce qui l’aurait peut-être sauvé, comme quand Marc a été intelligent quand on se souvient ce qu’il a fait à Buriram quand il était loin devant, qu’il a eu l’alarme sur son tableau de bord, et qu’il a coupé. Mais lui, il a réussi à être vraiment dans les échappements de son frère Alex, ce qui l’a sauvé. Voilà pour la parenthèse, on n’a pas triché, on a été en dehors des clous donc on a été pénalisé, et on accepte la pénalité.  

Mais pour reprendre la question initiale qui est la tienne, ”comment on analyse ces 4 courses ?”, on a été crescendo, on a progressé, et je pense qu’au niveau des résultats, des temps au tour, des qualifications et des résultats en course, ça se voit. J’étais assez content qu’au Qatar, bon évidemment, le 2e temps absolu en course c’est celui de Maverick Vinales, et le 2e temps absolu des KTM en course c’est celui de Bastianini, donc les deux pilotes Tech3 font 1 et 2 sur les 4 KTM. Donc ça prouve que, un, KTM joue le jeu en fournissant un matériel performant et identique aux quatre pilotes, et ça se trouve que les pilotes Tech 3, qui découvraient les RC16, commencent à s’y faire et peuvent maintenant pratiquement se battre à un niveau égal avec Binder et Acosta. 

Le bilan est donc très positif même si jamais, je l’ai dit ailleurs donc je ne vais pas refaire pleurer dans les chaumières, mais ça a été une déchirure, une blessure incommensurable, que peu de gens, à moins d’être impliqués comme on l’est dans une équipe de compétition, peuvent imaginer. Et quelque part, on a été plus blessés, tristes et anéantis pour Maverick que pour nous. Voilà, mais oui, un bilan positif.  

Mais c’est vrai que, comme je te l’ai déjà dit, il n’y a que la course, il n’y a que le sport, et la course moto en est l’exemple absolu, où on peut avoir des émotions aussi puissantes, que ça soit en positif ou en négatif.
Parce que quand il a passé la ligne et que le drapeau à damier est tombé sur lui en P2, c’était quelque chose de totalement inenvisageable au début de la course, et on a tous sauté dans les bras les uns des autres, et on était tellement heureux, tellement légers.  Et quand on a vu “under investigation”, ben là tout d’un coup on s’est senti peser des tonnes, quoi. Et en quelques secondes, on avait les épaules qui étaient lourdes et les bras qui étaient longs et les mains qui frottaient par terre quoi.
Moi je ne l’ai pas vu sur l’écran, parce que quand je l’ai vu sortir du dernier droit, j’ai sauté derrière la grille pour me joindre à l’équipe pour le féliciter le long de la grille, et après je suis parti en courant vers le parc fermé pour l’attendre. Et c’est en allant vers le parc fermé que j’ai été rattrapé par quelqu’un de chez KTM et par Nicolas Goyon, qui m’ont dit “sous investigation, pression du pneu”. Et là, la deuxième moitié du chemin qui me menait au parc fermé, je l’ai faite de manière beaucoup moins légère, et je ne te cache pas que quand on est retourné pour faire les photos, il y a eu beaucoup de sourires qui étaient des sourires un petit peu forcés, crispés, et qu’on le voit quand on regarde les photos du podium, où il y a un Marc, Maverick et Pecco. On voit que les deux sourires des rouges sont plus francs et massifs que celui de Maverick, qui était au courant de l’épée de Damoclès qui était au-dessus de sa tête. » 

Oui, mais on a quand même senti qu’il était heureux, globalement, de sa performance, même s’il savait…
« Oui, oui. Et ça je veux dire un truc, c’est que d’habitude comme ça, quand une mésaventure aussi colossale que ça arrive à un pilote, c’est le pilote qui rentre et il balance tout dans le box, et c’est l’équipe qui essaie de lui remonter le moral. Mais pas là. Là, quand il est revenu de faire son podium et toutes ses interviews, il est rentré et tout le monde était abattu, franchement ,et moi peut être le plus, quoi. Et c’est lui qui nous a ragaillardi. Il nous a dit “mais les gars, on a fait P2, on s’en fout qu’ils nous aient repris le trophée, on a fait P 2 ! Allez, on fait la photo avec P 2, on célèbre, on rigole !”. Et c’est lui qui nous a remonté le moral, et ça, ce n’est pas banal, ça n’arrive pas souvent. Voilà, je tiens à le signaler et à tirer mon coup de chapeau à Maverick Vinales qui est, en dehors d’un pilote exceptionnel, un vrai gentleman !” 

 Alors toujours dans le chapitre des émotions, il y a une chose sur laquelle je voudrais qu’on revienne : aux États-Unis, sur la grille, il y a 4 pilotes qui font le pari des pneus slicks, et parmi eux il y a un pilote Tech3, Enea Bastianini. Bon, procédure de départ un peu chaotique et on retarde le départ. Là-dessus, il y a un team manager, Davide Brivio, qui est pour le moins très véhément car cela retire à Ai Ogura toute chance de faire un coup, et un autre, Hervé Poncharal, qui est exactement dans la même situation, c’est à dire on lui retire un pari gagnant avec Enea Bastianini, mais qu’on n’entend pas. Pourquoi ?  

A suivre ici…

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