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Suite à la publication des grandes lignes du futur règlement MotoGP 2027 – 2031, nous avons demandé à Hervé Poncharal, le Président de l’IRTA, une des quatre instances qui gère les Grands Prix, de nous en dévoiler la genèse…


Hervé Poncharal, les grandes lignes du nouveau règlement MotoGP 2027 ont été publiées : pouvez-vous nous expliquer ce qui a motivé ce changement de règlement, les conditions dans lesquelles ça s’est passé et pourquoi c’est mieux ?
Hervé Poncharal : « Cette évolution du règlement technique pour la classe MotoGP, ça a été au départ une demande je dirais unanime ou quasi unanime des pilotes, qui disaient que les motos deviennent de plus en plus puissantes et rapides. On a vu que malgré tous les appendices aérodynamiques, l’année dernière, Brad Binder a dépassé les 366 km/h au Mugello sur sa magnifique KTM, et que les motos devenaient de vrais missiles, dans un environnement qui, lui, reste figé dans ses dimensions, malgré tous les éléments de sécurité que nous apportons continuellement. 

Aujourd’hui, on a des machines qui pour moi sont les machines de l’histoire du sport moto certainement les plus puissantes, les plus évoluées et les plus performantes. Et là, je tire un petit coup de chapeau à un certain Gigi Dall’Igna, qui a été en permanence l’instigateur de toutes ces évolutions, qui a été en permanence fleurter avec les limites du règlement tout en restant à l’intérieur du règlement, puisque toutes ces trouvailles qui sont devenues des évolutions et que tout le monde utilise maintenant ont été considérées comme légales. Tout ce qui est package aérodynamique, tout ce qui est aides au pilotage, qu’on appelle les devices en anglais, toutes ces choses-là, ce sont des avancées technologiques qui serviront certainement un jour ou qui servent déjà partiellement à Monsieur tout le monde, pas uniquement pour de la performance, mais aussi pour certaines choses, pour la sécurité. 

Mais voilà, les pilotes ayant décidé, supportés par l’intégralité des acteurs qui gèrent le MotoGP, que les motos devenaient trop performantes, trop physiques à gérer, trop compliquées aussi à gérer, la tendance a été de répondre aux demandes des pilotes et de trouver des solutions, tout en ayant toujours un sport très spectaculaire, et je dirais haletant jusqu’à la dernière courbe, et que la décision se fasse si possible sous le drapeau damier. Donc il y a eu des réflexions, et évidemment il était clair que ça ne partirait qu’à partir de 2027, parce que ce qui fait aussi la force du MotoGP, c’est la stabilité dans les réglementations techniques, et à chaque fois qu’on part pour un nouveau bail de 5 ans, l’actuel court de 2022 à 2026, on s’engage vis-à-vis des constructeurs, des équipes, et cetera, à ne faire évoluer la réglementation technique qu’à la virgule.

Donc il y a une association des constructeurs qui s’appelle le MSMA, et là il y a eu avec la présence de la FIM, de l’IRTA et de la Dorna, des discussions qui ont été initiées dès fin 2022 pour réfléchir à une réglementation qui couvrirait la période 2027 à 2031. L’idée c’était de réduire les performances, c’est clair, donc il y a eu différentes écoles et au final, et ce qui est bien, c’est que ça s’est fait à l’unanimité, c’est que ça a été la piste de la réduction de la cylindrée qui a été choisie. Donc on va passer de 1000 à 850cc. La décision suivante, là ça a été un petit peu plus long à trouver l’unanimité mais elle a été acceptée, a été d’annuler toutes ces aides au pilotage que moi personnellement j’aimais bien, même si jamais je comprends les requêtes des pilotes. Parce que voir ces motos s’abaisser sur la ligne de départ, voir ces motos s’écraser de l’arrière à l’accélération, pour moi, c’était, et ça l’est toujours puisqu’on les aura jusqu’en 26, un spectacle magnifique. En tout cas, tout ça ça sera fini à partir de 27 et il n’y en aura plus aucune, ni l’abaissement de l’arrière pour favoriser les accélérations, ni ce qu’on appelle le Holeshot Device, c’est à dire l’aide au départ qui bloquait la fourche en position basse.

Donc on va revenir vers des motos un peu plus simples, le package aérodynamique va être réduit de 600 mm à 550 en surface frontale, donc ça va nous faire 5 cm de moins. Peut-être aussi que ça permettra, ça reste à voir, d’avoir plus de dépassements. On a vu la finale à Valence de Jorge Martin qui se faisait aspirer et dévanter par Pecco Bagnaia au virage 1, et on dit peut-être que c’est ça qui a fait que le titre s’est joué comme il s’est joué. Je dis bien ‘peut-être’, hein, comme pour Bezzecchi l’année dernière aussi à Silverstone. En tout cas, le paramètre aérodynamique étant moins important, ces phénomènes seront moins importants. Donc voilà, on a fait ça par rapport à la demande des pilotes encore une fois pour réduire les performances, parce qu’on sait très bien que de toute façon, si on ne fait pas évoluer la réglementation, l’homme est ainsi fait, et c’est le génie de l’homme aussi, qu’on progresse toujours. Donc évidemment qu’on va avoir moins de puissance, que la suppression des aides au pilotage plus les appendices aéro un peu moins importants, ça va certainement rendre les motos moins performantes, c’est sûr. Par contre, je fais confiance aux techniciens, moteurs, électroniques, pneumatiques, suspensions, freins, et cetera, pour rapidement se retrouver avec des temps au tour qui se rapprochent de ce qu’on a avec les motos actuelles. Et même si on perd un peu d’accélération et de vitesse de pointe, je pense qu’on aura quand même des motos qui seront hyper performantes, voire, j’en suis pratiquement certain, plus performantes sur un tour après quelques années de cette réglementation.  

 Et puis à un moment donné, il y a aussi un intérêt, c’est que “1” ça crée de l’intérêt pour les courses. “2”, aujourd’hui, on voit notamment les deux usines japonaises encore engagées qui souffrent beaucoup. On peut se dire, on repart d’une page quasi blanche, et quelque part on repart tous à 0. Donc les gens qui sont devant aujourd’hui ne seront plus forcément devant, et les gens qui sont derrière ne seront plus forcément derrière: ça rebat les cartes, et ça c’est hyper intéressant aussi pour l’intérêt du championnat. Alors tu me diras qu’il y a encore tout le reste de 24, plus tout 25 et tout 26, mais en tout cas on peut déjà commencer à supputer que pour tous les ingénieurs et les patrons de tous les constructeurs, c’est un nouveau challenge et un nouveau rêve, et rebattre les cartes c’est peut-être faire que la situation technique telle qu’elle est aujourd’hui ne soit plus du tout la même début 2027. Parce que tu te souviens quand on est passé du 2 temps au 4 temps, on ne savait pas qui allait sortir le meilleur projet. Bon là c’est un pas en avant qui est moins important qu’à cette époque-là, mais en tout cas chaque fois qu’il y a une nouvelle réglementation, comme je te l’ai déjà dit, on rebat les cartes et on repart peut être pas de 0, mais en tout cas de beaucoup plus près de 0 qu’on ne l’est aujourd’hui.  

Donc c’est bien de bouger, de s’adapter, d’avoir une grille qui évolue. Ça peut peut-être permettre aussi à des constructeurs qui ne sont pas présents aujourd’hui de se dire “Ah, tiens, 2027 c’est peut être une date intéressante pour m’engager. J’ai 3 ans pour préparer une moto, avec une réglementation que personne ne maîtrise vraiment”. Comme tu le sais, il y a un slot, il y a une place d’usine qui aujourd’hui n’est pas utilisée, celle qui avait été laissée vacante par Suzuki.  

D’autant qu’on aura un moteur en moins, et il qu’il y aura aussi des pignons de boîte de vitesses en moins. Donc tout ça devrait permettre non pas qu’il y ait une réduction des coûts, mais de juguler une certaine inflation. Parce que ce qu’il faut dire aussi, et c’est ce qu’on a aujourd’hui, ce qui est fabuleux, c’est qu’on voit que GASGAS Tech 3 aujourd’hui est la meilleure équipe du groupe Pierer Mobility en classement, Pramac l’année dernière a été la meilleure au scratch, donc la meilleure équipe du monde, et c’est une équipe indépendante, Gresini l’a fait dans les années précédentes, donc il faut garder la possibilité à tout le monde, aux constructeurs moins fortunés que d’autres, moins puissants que d’autres je dirais, et aux équipes indépendantes par rapport aux équipes usines, de se battre à armes quasi égales. Et là on sait très bien que s’il y a une inflation galopante, il y a certaines équipes et certains constructeurs qui vont s’essouffler plus que ceux qui ont des moyens supérieurs. Donc cette réglementation technique, elle va permettre aussi que les coûts n’explosent pas, parce que plus on est contraint et plus la réglementation technique est serrée, moins elle permet des délires, entre guillemets, qui sont des choses qui coûtent très cher quand tu prends en compte la recherche, le développement, le temps qu’il faut, la matière grise qu’il faut. Donc il y a aussi certainement l’idée qu’on a tous en tête, c’est de faire en sorte que le MotoGP soit abordable, accessible. C’est génial qu’un constructeur comme Aprilia qui, par exemple, quand tu le compares au groupe Honda Motors qui est le groupe moto numéro un dans le monde, arrive à faire une moto qui surclasse la Honda aujourd’hui alors que les moyens n’ont rien à voir. On aime tous voir David se challenger et éventuellement battre Goliath. Donc ça ce n’est possible qu’avec des réglementations qui ne sont pas trop permissives et assez restrictives, et c’est un élément de plus. 

 Donc voilà tout ça, ça fait beaucoup de choses qui tournent autour du pourquoi de cette nouvelle réglementation, mais l’élément numéro un, c’était qu’il faut que les motos soient moins performantes, moins compliquées à gérer et moins physiques à gérer. Et ça, c’était la requête des pilotes. Et je suis heureux que nos héros soient écoutés et qu’on réponde de manière favorable aux requêtes de nos héros que sont les pilotes.” 

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