Hier matin, au moment où nous étions en train d’appeler Piero Taramasso, Manager Deux-Roues Michelin Motorsport, pour en savoir un peu plus, ‘of the record’ ou pas, sur la rumeur annonçant l’arrivée de Pirelli en MotoGP en 2027, Michelin communiquait de la façon suivante sur un canal réservé aux journalistes.
« Après plusieurs mois de discussions, Dorna Sports a
décidé de choisir un seul fournisseur de pneumatiques pour toutes
les catégories MotoGP, Moto2, Moto3 et MotoE, ainsi que pour les
catégories annexes telles que l’Asian Talent Cup et le Road to
MotoGP.
– Cette configuration élargie ne correspondait pas aux souhaits
de Michelin, qui a toujours préféré se concentrer exclusivement sur
deux disciplines : le MotoGP et le MotoE : MotoGP et
MotoE.
– Le MotoGP représente l’apogée du sport motocycliste mondial.
C’est une plateforme où Michelin peut développer son expertise,
recueillir des données et établir des records en collaboration avec
les constructeurs et les meilleurs pilotes du monde.
– En MotoE, Michelin repousse les limites technologiques et
établit de nouvelles normes en incorporant plus de 50 % de
matériaux renouvelables et recyclés dans ses pneus, tout en
améliorant constamment les performances.
– Nous restons pleinement engagés dans notre rôle de
fournisseur exclusif de pneus pour le MotoGP et le MotoE pour les
saisons 2025 et 2026 et continuons à travailler en étroite
collaboration avec tous nos partenaires. »
La rumeur était donc bien véridique et, pour ne rien vous cacher, c’est avec une tristesse certaine que nous nous sommes entretenus avec le représentant du Bibendum en Grand Prix, même si celui-ci a très gentiment accepté que nous publiions ce qui n’était à priori au début qu’une conversation informelle.
Piero Taramasso : “Dorna voulait un
fournisseur unique pour le MotoGP, Moto2, Moto3, MotoE, Rookies
Cup, toutes les Talent Cup, les Road to MotoGP. Déjà, ce sont des
volumes énormes, mais surtout cela ne correspondait pas à notre
stratégie très clairement axée sur le MotoGP et le MotoE depuis
qu’on est rentré en 2016, et depuis 2019 où on a pris la MotoE. Ce
sont vraiment les deux catégories qui faisaient du sens pour nous.
Le MotoGP parce que c’est c’est le top de la compétition moto,
parce qu’on peut développer notre expertise, collecter beaucoup de
datas pour les simulations et pour la modélisation. C’est une chose
que tu ne peux faire qu’en MotoGP, et que tu ne peux pas faire dans
d’autres championnats, parce qu’il y a tous les capteurs, la
télémétrie et les outils techniques. Et la MotoE parce que c’est
parfait pour développer les technologies durables, puisque les
moteurs électriques sont le futur de la mobilité. Donc vraiment,
tout était en ligne, tout était parfait pour notre
stratégie.
Nous, on était prêt à continuer
comme ça, mais eux, c’était ‘non, non, nous on en veut un seul.
Ca plus de de valeur s’il n’y en a qu’un, c’est plus facile pour
les jeunes pilotes de monter en puissance et de changer de
catégorie’. Du coup, voilà, les discussions se sont arrêtées
là.“
Vous le savez depuis longtemps
?
“Non, ça s’est décidé iI n’y a
pas longtemps, une question de semaines. Ca s’est décidé il y a une
dizaine de jours, et dès qu’on l’a su, on a dit ‘écoute, c’est
comme ça. Il faut faire l’annonce rapidement’. Et
voilà.“
J’imagine que vous êtes très déçu, comme
nous…
“Alors moi je suis un peu déçu, mais honnêtement je me dis
qu’à la fin de l’année 2026, ça va faire 11 saisons qu’on est là.
11 saisons, c’est pas mal. Ceux qui étaient là avant nous, ils
avaient fait 7 saisons. Nous, quand on s’était engagé, on avait dit
’on va faire pareil, on va faire 5 ou 7 saisons’. Et là,
on va arriver à 11, donc c’est déjà un bon laps de temps. Et puis
pendant ces11 saisons, on a fait vraiment de gros progrès. On a
apporté des évolutions aux pneus chaque saison en s’adaptant à
l’évolution des motos. On a toujours amélioré le grip et la
constance. Donc on a prouvé qu’on a vraiment un leadership
technologique, parce qu’on a accompagné les pilotes, les teams
pendant tout ce temps, et honnêtement les retours sont positifs.
Donc moi, oui, comme je disais, je suis un peu déçu, mais j’essaye
d’être positif, et de regarder ce qu’on a fait et va faire pendant
ces 11 saisons, et je vois qu’on a bien fait, et qu’on va sortir la
tête haute. Et puis, je suis conscient qu’en sport mécanique, ce
sont des cycles, il y a toujours des cycles, que cela concerne les
voitures, les motos, les manufacturiers pneumatiques. Il y a eu le
cycle Yamaha avec Valentino, il y a eu le cycle Honda quand il y
avait Marc, maintenant c’est le cycle Ducati, avant nous c’était le
cycle Bridgestone, maintenant c’est le cycle Michelin, demain ce
sera le cycle d’un autre nôtre. Donc ça, tu ne peux rien y faire.
Quand tu t’engages, quand tu rentres dans un nouvel environnement,
tu sais qu’un jour ou l’autre ça s’arrêtera, et il faudra laisser
la place. Donc moi oui, je suis déçu pour, pour mes équipes, pour
mes gars, tout le staff techniques, tous les supporters de
Michelin, je suis déçu avant tout pour eux. Moi, malheureusement,
j’ai vécu la sortie de la Formule 1 en 2006, j’ai vécu la sortie du
GP en 2008, là je vais vivre la sortie du MotoGP en 2026, mais par
contre je sais qu’on va revenir, comme on est toujours revenu. Un
jour ou l’autre, on va revenir, car c’est aussi la volonté du
groupe. Donc là, on a 2 ans encore à faire, et c’est un long
chemin, mais pendant ces 2 années, on va prospecter autour de nous
et chercher de nouvelles activités, soit motos soit voitures, parce
qu’on est convaincu que le motorsport est une activité importante
et essentielle pour le groupe, afin d’accélérer l’innovation et le
développement de nouvelles
technologies.“
Dans le laps de temps qui reste, c’est à dire deux
saisons, vous allez quand même sortir votre nouveau pneu
avant, ou vous contenter d’assurer ?
“Alors c’est vrai que là on est
en train de développer ce pneu avant. Qu’est ce qu’on va faire dans
les mois qui viennent ? On a encore 2 ou 3 tests qu’on
voudrait faire, 2 ou 3 tests pour valider tous les aspects
techniques et industriels. Et si dans 2 mois on pense qu’on peut
sortir avec, on va l’introduire, et si on voit que ce n’est pas
encore mûr sur un point ou un autre, on ne on le fera pas. Mais on
va l’annoncer dans 2 mois, je pense vers le mois de juin. Mais pour
le moment, on va continuer à développer ce nouveau pneu avant.
“
Pensez-vous que votre équipe sur les Grands Prix,
une vingtaine de personnes, peut accuser le coup et partiellement
se démotiver ?
“Les
personnes qui travaillent au Motorsport, à la compétition, ce sont
des personnes exceptionnelles et elles ont l’habitude de réagir
super vite dans les moments de difficultés. Par essence même,
chaque course comporte des moments d’extrême intensité, et comme ce
sont des professionnels, ils vont continuer à se donner à 100%.
Donc là tout de suite, c’est sûr qu’il y a un peu de tristesse,
mais tu vois, la semaine prochaine il y a l’Argentine et les gars
vont repartir à fond pour donner leur meilleur durant cette saison
et la prochaine. Au quotidien, l’annonce sera oubliée et ne sera
seulement qu’un point de passage pour laisser la place à la passion
qui les anime.”
Piero, merci, on ne veut pas vous prendre trop de
temps, car je pense que tout le monde va vous appeler
aujourd’hui, car ce n’est pas une belle
journée…
« Non, ce n’est pas une
belle journée, et j’ai discuté aussi avec des gens de chez Honda,
chez Ducati, chez Yamaha, et eux aussi sont déçus, parce qu’ils
étaient vraiment contents de nos produits. Ils ont dit qu’on avait
travaillé dur pendant 10 ans ensemble pour avoir aujourd’hui un
produit vraiment top niveau, et oui, eux aussi ils nous
soutiennent. Mais non, ce n’est pas une belle journée, mais on
reviendra, on est ouvert à toute forme de compétition. Chez
Michelin, en motorsport, on s’engage dans les championnats où on
peut acquérir des compétences, comme la modélisation, et recueillir
les datas réelles pour transférer tout ça dans les pneus
commerciaux, et utiliser ces datas et ce savoir-faire pour
modéliser avec les constructeurs moto au-delà de la compétition,
afin de développer des solutions de demain, plus durables et
avec moins d’empreinte carbone. Ça c’est vraiment ce qu’on veut
faire donc on va chercher d’autres compétitions, et on les
trouvera, mais il faut que ces compétitions soient en ligne avec
notre stratégie.“
En attendant, comme ce n’est pas une belle
journée, ou justement car ce n’est pas une belle journée, on tient
juste à vous féliciter car je pense que personne ne se rend
réellement compte à quel point les pneus de MotoGP sont des objets
technologiques incroyablement sophistiqués, extrêmement pointus, et
capables de passer 300 chevaux sur la surface d’une carte de crédit
avec une piste à 60° et en prenant plus de 60° d’angle. Et vous,
vous avez à gérer tout ça sur 22 motos réglées différemment, avec
22 pilotes aux styles différents, quand il fait froid, quand il
fait chaud, quand il pleut, quand il y a de l’adhérence et quand il
n’y en a pas. Tout simplement, bravo
!
“Oui, à Buriram tout s’est
bien passé, mais c’est vrai que c’était hyper hyper compliqué à
cause des conditions. La piste était à 60°, tu as plus de 300
chevaux sur le pneu, et le pneu n’est jamais refroidi, jamais,
parce qu’il est tout le temps sous stress à l’accélération avec les
Ride Height Devices, les échappements et tout ça. Les pneus
tiennent quand même, et c’est vraiment impressionnant ! Bien sûr, à
l’arrivée de la course, tu as les pilotes qui se plaignent,
‘moi ça glissait’, ‘moi c’était l’avant’, mais ils ne se
rendent pas compte de ce que supportent les pneus dans ces
conditions extrêmes. Mais c’est aussi ce qui fait la noblesse de
notre métier.“
Piero Taramasso Michelin MotoGP Piero Taramasso Michelin MotoGP Piero Taramasso Michelin MotoGP Piero Taramasso Michelin MotoGP