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Davide Brivio MotoGP F1

Cet entretien avec Davide Brivio fera date, car il définit exactement le fait que le MotoGP est entré dans une nouvelle ère, plaçant les Japonais à la croisée des chemins. Lequel prendront-ils ? Celui tortueux et semé d’embuches d’une totale remise cause avec seulement une hypothèse de réussite sur le long terme ? Ou celui qui mène tout simplement à la sortie du paddock ? Le cas récent de Suzuki, que le même Davide Brivio connait par cœur, ne pousse pas à l’optimisme, et d’autant moins que les servants de la GSX-RR étaient certainement les mieux structurés pour faire face à l’offensive européenne. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est une question de moyens, mais de volonté à réaffirmer, et de méthode à revoir, ce qui passe par une fondamentale révolution culturelle qui n’a pas encore seulement commencé selon l’Italien, maintenant en Formule 1…

Cet échange lu sur slick magazine mérite d’être d’ores et déjà le fil rouge de la saison 2023 qui s’annonce. Car il porte en lui les germes de tout ce peut se passer ensuite, et notamment en ce qui concerne les deux constructeurs japonais encore en lice en MotoGP que sont Yamaha et Honda. Selon Davide Brivio, il n’y aura pas de miracles en ce qui les concerne car ils ont pris trop de retard non seulement du point de vue technique, mais dans la dynamique de leur groupe. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est bien ce qu’il y a de plus compliqué et long à mettre en place.

Une stratégie que non seulement Ducati mais aussi les autres constructeurs européens que sont KTM et Aprilia ont mis en œuvre depuis déjà un certain temps : « c’est une évolution qui a commencé au cours des 5-6 dernières années » assure l’ancien team manager de Suzuki, jusqu’au titre de 2020. « Yamaha et Honda n’ont pas encore fait ce pas en avant, mais pas seulement : leur problème est de comprendre comment le faire » ajoute-t-il. Mais quelle est donc cette nouvelle politique qui terrasse ainsi l’empire du soleil levant ? L’Italien répond : « on disait autrefois : les Japonais fabriquent des motos et les Européens les font courir. Mais ça, c’est fini. Les entreprises japonaises doivent faire comme les européennes : la piste et l’usine doivent travailler ensemble, avec la même mentalité et surtout avec la même compétence ».

Davide Brivio

Davide Brivio :  « les Japonais n’ont pas bien compris que ce MotoGP n’a rien à voir avec celui d’il y a vingt ans« 

La révolution que les Japonais n’ont pas vu arriver est celle-ci : « il y a quelques années, il n’y avait pas une grande quantité de données comme aujourd’hui, un système d’analyse de données sophistiqué, des ingénieurs dédiés pour identifier un problème avec une précision scientifique et ensuite chercher une solution. Il faut maintenant beaucoup d’analyses de données à partir du week-end sur la piste, pas seulement à l’usine, pour comprendre exactement ce qui se passe sur la moto. Et c’est quelque chose qu’ils n’ont pas l’habitude de faire au Japon ».

« Les entreprises européennes sont plus agressives dans leur approche de la course, elles ont donc établi une nouvelle façon de faire de la course. Et Yamaha et Honda devront aussi s’adapter » analyse encore Davide Brivio. Mais ce qu’il voit le rassure pas : « Yamaha donne l’idée de travailler encore comme au temps de FurusawaJ’ai récemment entendu Marquez dire : ‘J’ai demandé une fois à l’équipe pourquoi nous avions essayé cette pièce spécifique, et ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas.’ Eh bien, cela signifie que chez Honda, ils utilisent toujours l’ancienne méthode : il semble qu’ils jettent des pièces, copient ce qu’ils voient autour, pour comprendre quel effet cela a. Mais ce n’est pas bon ».

Davide Brivio conclut : « Honda et Yamaha ont vraiment besoin de refonder leur projet MotoGP. Ce n’est pas une question d’argent, mais de méthode et de mentalité. Il faut accepter ce fait incontestable, mais peut-être que Yamaha et surtout Honda ont du mal à accepter que la façon de faire des constructeurs japonais est dépassée, et qu’ils doivent donc la changer. Et vite aussi ! Car c’est sur ce point que les constructeurs européens sont désormais en avance, comme on l’a vu en 2022. Et ils continueront d’avancer ! Ils ont besoin d’un plan pluriannuel. Les constructeurs italiens et européens sont désormais très forts, ils ont trouvé comment s’organiser pour utiliser la technologie, alors que Honda et Yamaha doivent encore faire face à cette transition ».

Des propos qui ne sont pas neutres car rien n’est moins certain que des noms comme Yamaha et Honda auront la patience de se renouveler ainsi, se laissant battre à plate couture par les Européens avant d’être opérationnels. Deux constructeurs dont le sort sur la piste ne dépend que d’un seul pilote :  Fabio Quartararo d’un côté et Marc Marquez de l’autre. Ces derniers ont aussi une carrière à faire avec des objectifs autres que ceux d’accompagner un constructeur dans sa profonde remise en cause. Au vu de l’état des lieux fait par Davide Brivio, ce serait même comme leur demander de sacrifier leurs légitimes ambitions personnelles. Cette saison 2023 sera celle de tous espoirs mais aussi de tous les dangers pour les Japonais. Et le MotoGP ?

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