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En ce dimanche 16 août, Johann Zarco a répondu aux questions des journalistes depuis Spielberg au terme du Grand Prix d’Autriche.

Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les commentaires du pilote français qui a été impliqué dans un accident qui aurait pu être dramatique. Les explications furent longues, très longues, et empreintes de sincérité, lors d’une visioconférence empreinte d’émotion.

Comme à notre habitude, nous reportons ici les propos de Johann Zarco sans la moindre mise en forme.


Johann Zarco : « C’est dommage pour cette course. Je me suis fait peur. Je vais d’abord parler de cet accident. J’ai doublé Morbidelli dans la ligne droite et au moment où j’ai dû freiner, il a été surpris et m’a touché. Ils (Franco Morbidelli et Valentino Rossi) ont ensuite pensé que j’avais beaucoup élargi et que ce n’était pas correct. Mais j’ai maintenant pu parler clairement avec eux. Je ne suis pas parti énormément à l’extérieur, et pas beaucoup plus que ce que je fais habituellement. Je ne l’ai pas fait exprès, et maintenant que nous avons pu parler ensemble, ils comprennent ce qui s’est passé. C’est une question de vitesse car nous étions proches l’un de l’autre et je pense qu’au moment où j’ai freiné, il a eu l’aspiration et m’a touché. A partir de ce moment, nous avons complètement perdu le contrôle et nous sommes tombés. La mauvaise chose, c’est que les motos auraient vraiment pu détruire Valentino. Valentino ou n’importe quel autre pilote, cela aurait été pareil. Ça a été effrayant ! Vale a vu quelque chose arriver et s’est un peu redressé sur sa moto. Il a eu peur également et je me sens mal à propos cette situation. Nous nous sentons tous mal. Franco a été plus blessé que moi car il a des douleurs à la tête. Moi, heureusement, j’ai quelques brûlures aux bras, à la hanche et sur les jambes, ainsi que mon poignet douloureux mais qui n’est pas fracturé. »

« Je n’ai pas commis d’erreur. Nous allions vite mais ma trajectoire n’était pas folle. Ils ont pensé cela mais maintenant ils peuvent voir que nous nous sommes clairement expliqués. Nous ne sommes évidemment pas heureux de ce qui s’est passé. »

« C’est dommage car je faisais un bon week-end et je pouvais m’attendre à un bon résultat ici. La Ducati est très forte mais j’ai pu voir que doubler des pilotes et être dans le groupe de tête est pour le moment le plus difficile, car il y a certains endroits où nous perdons et d’autres nous gagnons, mais au total cela ne mette pas à doubler facilement. C’est quelque chose que nous avons bien travailler pour le prochain week-end car il y a des possibilités de bien faire. Durant la course, j’ai ressenti tour après tour que je pouvais avoir un meilleur rythme, mais celle-ci s’est terminée prématurément. Je suis donc un peu déçu de ne ramener aucun point et de ne pas avoir accru mon expérience de la course à nouveau, alors que j’avais eu un bon feeling durant tout le weekend. Mais je suis satisfait que nous recommencions au même endroit la semaine prochaine, afin d’effacer toutes ces mauvaises choses de mon esprit. »

« Je ne sais pas si Franco pourra piloter la semaine prochaine, mais nous sommes au clair. Les mauvaises choses qu’ils ont pensées, que je l’avais fait exprès pour empêcher Morbidelli de me doubler, n’étaient pas mon propos. J’ai freiné, et bien sûr je m’attendais à ce qu’il me dépasse peut-être, mais je n’ai pas changé de trajectoire pour l’arrêter. Ce serait complètement fou et trop dangereux de faire cela, et je suis suffisamment conscient pour ne pas faire ça. Quand j’ai freiné, il n’y avait pas de mauvaises pensées, et maintenant c’est clair entre nous. Je suis content de cela, et c’est pour cela que j’ai retardé ce débriefing : Nous devions régler les choses avant ! »

A qui avez-vous parlé avant ce débriefing et était-ce une conversation empreinte d’émotion ?

« Non, ce n’était pas particulièrement empreint d’émotion. Je voulais voir Franco et je l’ai vu au centre médical. Nous nous sommes faits l’accolade l’un à l’autre car nous avons tous les deux eu peur. Puis, j’étais triste car après leurs interviews, des choses laides étaient dans les commentaires de Franco et de Valentino. Franco était déjà parti mais il était bon de parler avec Valentino et nous avons passé 10 minutes ensemble. Nous avons sincèrement pu nous dire ce qui s’était passé et ce que nous en avons pensé. Tout va bien mieux maintenant. Cela a été une mauvaise chose durant la course, et nous n’en voulons plus, mais heureusement personne n’a été vraiment blessé. Donc oui, j’ai parlé avec Vale pendant 10 minutes pour lui faire comprendre que je n’étais pas un garçon fou. »

Que pensait et que vous a dit Valentino, car il semble que les critiques viennent principalement de lui ?

« Il m’a seulement dit que quand il a vu l’accident, avec seulement les quelques vues qui sont passées à la télévision, que j’avais énormément élargi et que j’avais fait cela au freinage seulement pour arrêter Morbidelli. Je lui ai expliqué que je n’étais pas tellement parti au large et que nous devions vérifier, y compris moi-même, que je n’étais pas follement large. Je voulais vraiment pas faire ça pour arrêter Morbidelli. Ce n’était pas mon idée au moment où j’ai freiné. Donc il voulait que cela soit clair et être sur que je ne l’ai pas fait exprès, contrairement à sa première idée, quand il a vu les images. Après, il a compris car les motos vont tellement vite, à 300 km/h, et sont lourdes. A cette vitesse, vous ne pouvez pas changer de trajectoire au dernier moment comme en Moto3 ! C’est pourquoi il m’a dit de faire attention à ça. Je lui ai répondu « Valentino, je fais attention à ça et c’est pourquoi j’essaie vraiment de garder ma trajectoire ». Et de la façon dont je roulais, je ne pouvais pas aller plus à gauche et c’est peut-être seulement ça qui a surpris Franco. Nous avons parlé de ça. »

Vous pensez qu’il a accepté vos explications ?

« Je pense que oui, car nous étions seulement tous les deux, et cela a été très important. Mon profond sentiment est que nous avons parlé honnêtement. »

Ne pensez-vous pas qu’il était trop risqué de doubler Franco à cet endroit à ce moment de la course ?

« Bonne question ! Non, je pense que ce n’était pas fou car mon moteur était bien plus puissant que le sien à ce moment. Quand je l’ai doublé, nous étions encore en cinquième vitesse. Nous étions donc peut-être encore à 300 mètres du point de freinage. Donc quand j’ai freiné, cela faisait plus d’une seconde que j’étais devant lui. Ce n’était pas un dépassement fou. C’était juste en ligne droite. Je suis parti sur la gauche car il n’y avait pas de place à droite, et j’étais bien devant. Mais au moment où j’ai freiné, peut-être parce que je n’étais pas très incliné, j’ai dû un peu aller sur la droite. Ça, plus l’aspiration, il a dit « whaou » (mimique montrant une aspiration). Je pense que ce qu’il a ressenti avec l’aspiration est très similaire à ce que j’ai ressenti avec Marc en Australie. Sur les images, on a pu voir aussi que Marc était parti sur la gauche, mais je sais qu’à ce moment vous ne pouvez rien faire car votre moto va tout droit à cette vitesse. Quand ma roue avant a touché sa roue arrière, je me suis envolé. Je n’ai pas vu toutes les images (ici), mais ce que j’ai vu c’est qu’au moment où sa moto m’a touché, il s’est complètement envolé. »

On a frôlé la catastrophe à deux reprises aujourd’hui et beaucoup de pilotes disent que le Red Bull Ring est trop dangereux pour la MotoGP. Qu’en pensez-vous ?

« Je pense qu’il y a des virages très serrés avec de forts freinages. Normalement, quand vous chutez en virage, il n’y a rien de dangereux puisque vous passez lentement, mais si quelque chose se passe lors du freinage, ce n’est pas un endroit où il est normal de chuter. Il y a deux ans, quand il pleuvait, nous avons parlé de la sécurité de la piste, mais si vous regardez bien, la sécurité existait pour les pilotes. Mais les motos, après avoir chuté dans un endroit qui n’est pas normal (au freinage), continuaient à aller vite et tout droit avec la pluie. Nous avions donc parlé de ce point de sécurité au Red Bull Ring. Aujourd’hui, il y a eu un accident qui n’aurait pas dû se passer à cet endroit, donc c’est difficile à dire. La sécurité n’est pas mauvaise sur le Red Bull Ring, car nous n’avons pas été blessés. Mais nos motos, ça c’est le problème. Je ne sais pas trop quoi dire. J’aime le circuit, mais oui, c’est plus sur ce genre de tracé que peuvent arriver ce genre de mauvaises choses. »

Comment vous sentez-vous ?

« Ça va. Toujours un peu sous le choc, mais là ça va. On récupère assez vite. Les brûlures m’ont fait mal au début mais elles sont soignées. Il va falloir changer les pansements parce que la brûlure sur la hanche est un peu profonde. J’ai aussi un gros bleu sur la cuisse gauche et l’impression qu’il commence déjà à se résorber, ce qui est plutôt positif. Le poignet droit est un peu douloureux mais au niveau des tests cliniques, rien ne semble trop problématique. Le corps, ça va : vraiment, plus de peur que de mal. Les brûlures, c’est parce que j’ai glissé sur de l’asphalte à haute vitesse. C’est ce genre de chutes où on n’a pas le temps de pouvoir bien glisser sur le dos ou sur les fesses. C’est mes poignets, c’est mes hanches, c’est mes mollets qui ont tout pris. Peut-être aussi parce que au moment où je touche le sol, il y a peut-être la moto de Morbidelli qui m’a poussé. Je n’en suis pas sûr mais on dirait que quelque chose m’a poussé, et ça n’aide pas à ralentir. »
« Mais ce qui m’a fait mal, c’est qu’au moment des interviews, surtout à la télé italienne, Franco et Valentino étaient vraiment en colère contre moi. Valentino a eu peur et a dit « si la moto me prend, c’est fini ». Franco était déjà parti parce que sa blessure à la tête n’était pas bonne, mais avant interview, je devais aller parler à Valentino. Après lui avoir parlé pour calmer un peu tout et bien expliqué que ce n’était pas une manœuvre faite exprès, je pense notre discussion étais sincère. »

Sur le coup, vous vous êtes rendu compte que les motos auraient pu grièvement blesser d’autres pilotes ?

« Non. Sur le moment, je n’y ai pas pensé parce que, vraiment, au moment où je touche le sol, c’est de la peur en se demandant où je vais arriver. C’est vraiment cette peur, un peu comme je l’ai déjà connue en Australie. Mais là, je trouve que c’était presque encore plus violent qu’en Australie, parce que je suis resté plus longtemps sur l’asphalte. Au moment où je touche les graviers, l’herbe me ralentit beaucoup plus et je commence à être rassuré parce que j’arrive à voir où je vais. J’arrive à voir si je vais toucher un autre pilote ou pas. Je suis sorti juste au point de corde du virage trois, mais les autres pilotes ont eu le temps de me voir et j’ai pu rapidement courir pour sortir de la piste. C’était ça les pensées pendant la chute. Après, c’est vrai que j’ai pu lever les yeux et voir les deux motos complètement en cubes, et c’était effrayant ! »

À quelle vitesse s’est produit l’accident ?

« Comme ici on est 310, je pense que ça a dû se passer à 270 km/h. »

Si on occulte la chute, tu te voyais finir où dans cette course ?

« J’avais vraiment de la confiance sur le rythme de course, parce que le warmup s’était très bien passé, avec de l’aisance et des chronos qui venaient de plus en plus facilement. Avec le fait de voir que l’on était toujours en 25, je sentais que ça pouvait se libérer, mais les dépassements ne sont pas faciles. C’est ça qui bloc un peu. Je n’ai pas pris un bon départ mais je ne crois pas avoir vraiment perdu de places. Neuvième, dixième, huitième, j’étais là. Oliveira a réussi à passer un peu plus vite et je sentais que je pouvais avoir ce rythme. Puis ça a commencé à s’étirer, et au moment où je dépasse Morbidelli, c’est pour ensuite pouvoir être plus à l’aise et aller rattraper Valentino. Ça ne s’est pas passé comme ça, mais par rapport à d’habitude je pouvais avoir plus de confiance sur la deuxième moitié de course. J’espère utiliser cela la semaine prochaine. »

Tu disais que le corps va à peu près, mais la tête ? Comment ça se passe quand il faut remonter sur la moto dès vendredi prochain ?

« C’est un avantage de remonter dès la semaine prochaine. En plus, sur le même circuit. Les réglages sont déjà faits et tout est en place. Non, la tête ça va. Quand on peut analyser le truc, il n’y a pas eu de problème mécanique et tout ça, donc déjà ça permet de remonter rapidement en confiance sur la moto. Tu es toujours un peu sous le choc sur le moment, mais là je vois que ça se digère bien. J’ai mangé un petit plat de pâtes pour caler l’estomac. Ça va. »

Ce week-end, on a beaucoup parlé d’Andrea Dovizioso et des postulants à la place qui se libérera. Quelle est ta position actuellement ?

« C’est de performer au moment présent pour mériter cette moto que Dovizioso a laissée. Je suis bien avec Ducati, donc il faut que les bons rapports continuent, mais surtout que la performance soit là pour vraiment montrer qu’ils peuvent compter sur moi et que je peux avoir cette moto officielle et jouer des podiums tous les week-ends. Mais au-delà de la place sur la Ducati officielle, le simple fait de penser qu’il y a une place de plus en MotoGP l’an prochain, ça me donne d’un seul coup beaucoup plus de chances de continuer l’an prochain. En début d’année c’était « OK tu peux faire 2020, mais qu’est-ce qu’il va se passer en 2021 ? ». Là, avec ce qui est en train de se passer, le bon week-end en République tchèque et même celui-là où j’étais performant, ma place en Grand Prix est toujours là et se confirme presque, du fait que Dovizioso ait laissé une moto supplémentaire. »

Classement du Grand Prix d’Autriche MotoGP au Red Bull Ring :

Crédit photo et classements : MotoGP.com

 

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