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Valentino Rossi n’a cessé de le clamer ; il manque à Yamaha un informaticien de haut niveau connaissant toutes les ficelles du logiciel Magneti Marelli pour exploiter au mieux la M1 !

Malgré un matériel et un logiciel uniques, l’électronique demeure à ce jour un des domaines où les constructeurs obtiennent le plus de différences, principalement en matière de motricité, et bien davantage qu’en travaillant sur le moteur, le châssis ou l’aérodynamique.

Pour le grand public, cela semble relever quelque peu de la magie car, après tout, les techniciens de Yamaha sont tout à fait assez compétents pour se servir d’un software. Mais le sujet est légèrement plus complexe que cela, et nous avons donc demandé à Maxime Reysz, qui officie au sein du team Tech3 sur les Yamaha d’Hafizh Syahrin, de nous apporter son éclairage.


Maxime Reysz:« Aujourd’hui, les MotoGP sont très puissantes et il y a une grosse phase en sortie de virage où on ne peut pas exploiter cette puissance, en particulier sur les rapports inférieurs que sont la première, la 2e et 3e. On est obligé d’y contrôler la puissance et ce contrôle là va influer sur la reprise d’adhérence et l’accélération. Il y a ainsi des pilotes qui ont l’impression de tout bien faire, et d’avoir une moto bien réglée qui fait bien ce qu’on lui demande, mais d’avoir des adversaires qui optimisent mieux cette phase. Ils sentent alors qu’il y a un peu de retard, en particulier en ce moment chez Yamaha, et souvent on entend dire que Ducati a peut-être un petit temps d’avance dans ce domaine ».

Mais, excusez-nous d’être volontairement provocateurs, quand on n’y connaît rien, ça paraît simple de régler un logiciel : après tout, ce ne sont des chiffres que vous rentrez dans un tableau…

« Notre but est de délivrer la puissance parfaite. C’est-à-dire que s’il n’y a pas assez de puissance, la moto n’avance pas, et le problème arrive aussi quand il y a trop de puissance. Dans ce cas, on cabre la moto, donc ou on oblige le pilote à contrôler ce cabrage en faisant lui-même décroître la puissance en jouant avec la poignée des gaz, ou on gaspille cette puissance en faisant du patinage. Et dans ce cas là, la force que peut transmettre le pneu décroît énormément. En gros, il y a trop de puissance, le pneu patine et la moto n’avance pas. Il existe aussi un 3e cas où avec trop de puissance, la moto est instable. Là non plus, le grip ne sera pas optimal. C’est-à-dire que l’on va faire du pompage, on va bouger, voir même on va détériorer le freinage suivant.
Donc en gros, il faut garder à l’esprit que pour chaque virage, il faut essayer d’optimiser ce niveau de puissance, mais que celui-ci évolue également avec l’usure des pneus tout au long de la course.
Chez Yamaha, on utilise 2 ou 3 niveaux de puissance différent tout au long de la course ».

On peut appeler ça des cartographies ?

« Oui. Et on va essayer de les étager de la meilleure manière qu’il soit pour que le pilote puisse profiter d’une moto vraiment réactive avec tout le potentiel d’un pneu neuf, et qui ensuite va s’adapter à la dégradation des pneus pour qu’elle reste facile à piloter. Elle doit rester stable et avoir la meilleure accélération possible ».

D’accord, mais si Ducati possède un avantage dans ce domaine, ce n’est pas parce que les chiffres rentrés par les teams italiens sont « meilleurs » que ceux rentrés par les autres équipes. Cela se joue en amont, malgré un logiciel unique. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

« Alors c’est vrai que tout le monde a le même hardware, le même matériel, et le même software. Qu’est-ce qu’un software ? C’est une interface utilisateur, et tous les techniciens ont la même, mais c’est surtout, à l’intérieur, des milliers de paramètres. Ce qu’on appelle l’architecture totale. Et nous, en tant que techniciens, on utilise une toute petite fraction de ces paramètres. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que chaque marque donne une couleur totalement différente à son système, à son architecture totale. Donc même si c’est le même logiciel et le même matériel, d’une marque à l’autre, des domaines différents vont être développés pour atteindre des niveaux de performance différents en fonction de la philosophie de la marque. Pour le grand public, c’est comme si chacun avait la même palette de couleurs, mais que chacun dessine quelque chose de différent.
En gros, c’est comme une pyramide. Tous les milliers de paramètres vont être établis en commençant vraiment à la base par les capteurs, puis chaque constructeur va tout étalonner, de la base vers le sommet. Et donc, chaque marque a développé la base de sa pyramide à sa sauce. Nous, les techniciens électroniques, notre travail se situe vers le sommet, c’est-à-dire qu’on va utiliser les quelques paramètres qui vont vraiment influer sur ce qu’on va régler au quotidien : la puissance, l’Anti Wheeling, le Traction Control, etc. ».

Pour bien comprendre, quand vous dites que chaque marque a développé la base de sa pyramide, c’est en codant ou en mettant des chiffres dans des cases ?

« C’est en mettant des chiffres dans des cases, pas en codant. Dans le passé, quand chaque marque avait son logiciel, les ingénieurs devaient effectivement coder pour développer telle ou telle idée. Ils créaient la fonction pour pouvoir la développer. Là, on a une architecture commune, c’est-à-dire que les fonctions principales existent et sont développées par Magneti Marelli. Elles sont donc communes à tout le monde. Après, chaque constructeur met ses chiffres dans les cases pour essayer d’optimiser, et cela se fait forcément d’une manière différente. Nous, les teams, nous n’intervenons qu’à la fin, dans un cadre bien plus limité ».

Optimiser la puissance semble être votre souci premier. Concrètement, chez Yamaha, comment cela se passe-t-il : coupure d’un cylindre, dégradation de l’allumage ou autre ?

« (Sourire) c’est très simple. La puissance est contrôlée avec l’allumage et avec les papillons. En fait, les papillons sont motorisés et ils sont très rapides et très précis. Il faut imaginer qu’ils oscillent un peu comme une feuille dans le vent en temps réel. C’est de cette manière que le moteur va délivrer sa puissance à un instant T avec un échantillonnage très fin ».

C’est l’oscillation des papillons qui vous permet de réduire la puissance ?

« Oui. En fait, très simplement, quand on va dépasser le niveau de patinage qu’on a établi dans notre réglage, les papillons vont ainsi osciller de cette manière là, et il y a en même temps un travail sur l’allumage qui va se dégrader en temps réel. Le tout, pour vraiment passer en une fraction de seconde d’un niveau de puissance à un autre ».

Merci Maxime…

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