Imaginez un instant : vous avez budget illimité et aucune contrainte pour réaliser le meilleur circuit possible. Un challenge tentant n’est-ce pas ? Pour vous aider, j’ai rédigé un petit manuel, mettant en perspective les différentes philosophies existantes, couplées à une analyse des tracés actuels. Ceci s’organisera sous la forme d’un plan en deux parties, afin de rester clair et concis. Nous n’aurons probablement jamais de circuit parfait en MotoGP, mais on a le droit de rêver.
Le lieu
Pour le moment, vous avez l’embarras du choix. Certes, la FIM vous incitera sûrement à choisir une localité jamais explorée par le mondial, de préférence en Asie du Sud-Est, où la moto est en pleine expansion, en témoigne la popularité des pilotes en Thaïlande. C’est une dimension à prendre en compte. Ainsi, il faudra viser un marché émergent, qui est intéressé par les sports mécaniques, tout en maintenant un lien avec le passé. L’histoire sert à légitimer, à faire accrocher le spectateur, à rappeler des souvenirs.

Le circuit au Brésil est très prometteur.
Par exemple, le Grand Prix du Qatar est généralement bon, mais il manque cette saveur historique, cette touche d’héritage. Une bonne course à Assen marquera plus l’audience qu’une excellente course à Losail. Si l’on suit les critères énoncés précédemment, le Mexique semble être une destination idéale. Le marché est en expansion, les fans sont déjà friands du Grand Prix de F1 organisé dans la capitale et deux légendes des sports mécaniques, les frères Rodríguez, portent à bout de bras l’héritage motorisé du pays. D’ailleurs, des discussions étaient en cours pour en organiser un, sans suite.
Un peu plus au Sud, le Brésil ou le Venezuela pourraient vous accueillir à bras ouverts. D’ailleurs, le choix du circuit Ayrton Senna pour 2026 fait tout à fait sens si l’on s’en tient à ce critère ! Le GP du Venezuela fut organisé de 1977 à 1979, grâce à la popularité de Johnny Cecotto et Carlos Lavado. L’Asie est un peu bouchée, avec la Thaïlande, la Malaisie, le Japon, l’Indonésie et l’Inde – on l’espère.
Le tracé
Nous voilà dans le cœur du sujet. Si vous pouvez, essayez de trouver un endroit naturellement vallonné, cela donne un caractère spécial au circuit. Cela sera difficile à réaliser, car la tendance générale est à l’aplanissement, dans l’optique de gagner en sécurité. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le dénivelé n’a rien à voir avec le spectacle, mais rend le tracé reconnaissable au premier coup d’œil, lui confère une caractéristique.
Ensuite, il faudra créer une identité, et non pas faire un assemblage de plusieurs secteurs. Un circuit se conçoit d’un seul trait, pas avec des blocs prédéfinis. C’est le principal problème d’Hermann Tilke et de ses projets. L’architecte allemand possède des bribes, et les assemble différemment au bon vouloir des organisateurs. Un article a déjà été consacré à ces procédés si vous désirez en savoir plus.

Jerez est un très bon exemple. C’est une vraie arène. Photo : Box Repsol
Les meilleurs circuits sont assumés, au style tranché. L’exemple le plus explicite est sans doute le Mugello, l’un des mieux conçus du calendrier. Il n’y a que des courbes, et pas une seule chicane cassante. En revanche, Le Mans et Brno – de retour au calendrier pour mon plus grand bonheur – proposent beaucoup de virages à 90° et des chicanes, type « stop & go ». Vous pouvez nuancer, comme au Mans mais pas faire un mélange douteux – pour dire d’en faire un – de ces deux styles parmi d’autres.
De même, Assen joue sur l’alternance de courbes très rapides et de passages lents pour casser le rythme. Ainsi de suite pour tous les grands circuits. Tilke n’a pas fait que des mauvaises choses (car ses morceaux prédéfinis sont de grande qualité), loin de là, mais ce manque d’identité probant nuit à ses créations.
Ces éléments de réponse ne sont que de la philosophie, aucun virage n’est meilleur qu’un autre, tout dépend de sa place sur le circuit. Vous serez, de toute manière, contraint à une standardisation (dégagements, matériaux, long lap…) qui freinera votre processus créatif. Cependant, une spécificité semble avoir fait ses preuves pour garantir le spectacle en piste.
Une épingle ou un virage très lent juste avant l’arrivée. C’est la marque de Jerez, Assen mais aussi de Termas de Rio Hondo, qui fournit son lot de rebondissements saison après saison. Outre l’évident « potentiel spectacle », ces virages véhiculent l’incertitude propre aux sports mécaniques, et de nombreux téléspectateurs attendront le dernier virage pour savoir s’il s’y passe quelque chose, même si la course est ennuyeuse.
Bien sûr, tout n’a pas pu être évoqué dans cette courte analyse, qui, je l’espère, vous aura plu. Si vous avez d’autres idées concernant votre circuit de rêve, n’hésitez pas à laisser un commentaire !

On ne va pas se mentir, le Balaton Park hongrois n’a pas l’air absolument transcendant.
Photo de couverture : Michelin Motorsport