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Le championnat du monde motocycliste a toujours accusé un peu de retard face à sa cousine la Formule 1. Dès le début, le développement des deux filières ne s’est pas fait à la même vitesse. Que ce soit dans le professionnalisme, mais aussi dans la prise en compte de l’aspect international. En 1950, les 500 miles d’Indianapolis comptaient pour le général en F1, même si seulement les américains y étaient représentés. Trois ans plus tard, la Formule 1 se dotait d’un Grand Prix d’Argentine, premier vrai rendez-vous international de l’histoire de la discipline. Pour les deux-roues, il fallut attendre encore un peu.

Créé en 1949, le mondial moto était on ne peut plus centré sur l’Europe. La culture de la compétition sur deux-roues était déjà très développée sur le vieux continent, même si quelques océaniens sont venus se bagarrer assez tôt. Ainsi, durant les premières années, il fallait parler de championnat d’Europe, qui, en plus, comptait moins de dix épreuves.

Pourtant, les choses changent à l’aube des années 1960, ce qui est déjà relativement tard. L’Argentine, encore elle, organise un Grand Prix qui ne compte pas pour le championnat, comme c’était souvent le cas auparavant. À Buenos Aires, l’événement fait son petit effet. Pour cette raison, la saison 1961 est charnière dans notre histoire.

Déjà, en début d’année, l’ancien circuit hébergeant les 200 miles de Daytona est remplacé par le fameux speedway, qui devient bientôt un lieu de passage mythique pour nos héros du mondial. Et aussi parce que la FIM annonce le premier Grand Prix hors du continent européen, en Argentine. Les organisateurs du pays, avec le succès de 1960, ont vu leur candidature acceptée. Pour des raisons logistiques, il est programmé à la toute fin du championnat, afin que les équipes ne soient pas pressées de retourner sur une autre course, et dans le but d’attirer le plus de participants.

 

Le circuit utilisé pour le premier Grand Prix d’Argentine. Illustration : MotorOilStains


La saison se déroule pour le mieux, sans trop de suspens. En 500cc, Gary Hocking et sa MV Agusta sont régulièrement devant un valeureux Mike Hailwood, qui n’arrive simplement pas à rivaliser à la régulière. En 350cc, la MV de Hocking est d’autant plus dominante, face aux Jawa de František Šťastný et Gustav Havel, tous deux tchécoslovaques. Les constructeurs japonais ont rendu les petites catégories particulièrement intéressantes. En 250cc, tous les top-pilotes évoluent sur Honda, mais « Mike the Bike » domine. En remportant le titre en Suède, il devient le plus jeune champion du monde. Finalement, tous les classements sont figés avant l’Argentine. A moins que...

En 125cc, la lutte fait rage. Nous sommes en plein dans « l’affaire Degner », un épisode crucial que nous avons déjà raconté dans une autre rétrospective ; vous pouvez la retrouver en cliquant sur cette phrase en surbrillance. Face à l’Est-Allemand, Tom Phillis, australien et officiel Honda. Le titre reste encore à disputer, avantage à Ernst Degner.

Quand les équipes officielles Honda arrivent sur le territoire, ils se sentent bien seuls. L’Autódromo Municipal Ciudad de Buenos Aires, désormais nommé Autódromo Juan y Oscar Gálvez, en référence aux frères pilotes des années 1950, est un beau circuit. Le complexe, situé en pleine ville (un fait assez rare pour être remarqué), offre une dizaine de configurations différentes. Mais la distance, les coûts liés à celle-ci et le manque d’enjeu eurent raison des engagements. Seule la firme ailée est présente, prête à offrir le sacre à Tom Phillis.

 

Ernst Degner, ici à Assen en 1963. Photo : ANEFO

 

Bien évidemment, cette explication en 125cc est le sujet brûlant. Degner avait passé un contrat avec la marque EMC pour juste une course après ses démêlés chez MZ. Désormais sous licence Ouest-Allemande, il est bien présent à Buenos Aires mais sa machine n’arrive pas. Les organisateurs lui proposent une Bultaco, car, eux-aussi, auraient aimé voir de l’action pour leur Grand Prix. Mais Ernst refuse, et ne participe pas à la course. Phillis n’en demande pas moins. Il s’impose, et remporte son seul et unique titre de champion du monde. Aussi présent en 250cc, il gagne de nouveau et s’offre un doublé. Les 350cc n’étaient même pas prévues, tout comme les sidecars. Place à la 500cc !

Autant vous dire que l’intérêt pour cette course, dans les travées, est proche de zéro. Du mondial, seul Frank Perris, un privé, est présent. Face à lui, quelques talentueux locaux. C’est Jorge Kissling, sur Matchless, qui s’impose pour sa toute première sortie dans la catégorie. Il s’agit, par le fait, de la première victoire d’un Sud-Américain en Grands Prix motos. Seuls deux pilotes sont encore en course à l’abaissement du drapeau à damier, c’est dire.

Certes, ce n’était pas la course du siècle, mais le GP d’Argentine 1961 fut important pour la physionomie du championnat. Reconduit en 1962, il vit désormais plus de stars, et l’introduction du Grand Prix du Japon en 1963 propulsa définitivement le mondial dans une autre dimension.

Connaissiez-vous l’histoire de cette course ? Dites-le nous en commentaires !

Tom Phillis, le grand gagnant de ce premier rendez-vous outre-mer. Ici en mai 1960

Photo de couverture : Pour l’illustration, il s’agit simplement de Gary Hocking lors du TT Assen 1961. ANEFO.

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