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Avant même qu’elle ne commence, il semble plus que probable que la saison MotoGP 2023 sera placée sous le sceau de la gestion de la pression du pneu avant. De multiples signes semblent l’indiquer, des problèmes de plus en plus fréquemment rencontrés par certains pilotes aux sanctions prévues cette année par Dorna Sports, et c’est pourquoi il nous semble utile d’étudier en profondeur un sujet dont très peu de personnes imaginent aujourd’hui l’importance et le niveau de technicité.

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7/ La solution adoptée par Dorna…

Après une première tentative ratée en 2022, Dorna Sports tentera d’imposer en 2023 des capteurs de pression uniques et un logiciel unique obligatoire, probablement fournis par la société 2D. Mais à ce jour, aucune solution fiable n’a encore été officialisée et cela fait parler dans le paddock…

« Pour la saison 2023, on parle actuellement des trois premières courses lors desquelles aucune sanction ne serait appliquée, mais seulement des avertissements. »

« Je ne crois pas un seul instant qu’ils vont disqualifier les pilotes en MotoGP. Fabio Quartararo l’a été au Japon en Moto2, et depuis quatre ans, plus rien ! Tu ne me feras jamais croire que pas un pilote n’a franchi la limite en quatre ans, ni même en une saison ! Fabio Quartararo a été disqualifié pour l’exemple, pour une erreur inférieure à la marge d’erreur du capteur. »

Et dès qu’on parle de logiciel, même unique, des suspicions de contournement du règlement apparaissent immédiatement dans un paddock qui remarque parfois des choses curieuses…

« Je ne citerai personne mais je pense que certains teams travaillent déjà pour trouver une solution « adaptative » avec le logiciel des capteurs : c’est flagrant au vu du tableau Michelin ! Pour éviter tout risque « d’adaptation trop bizarre », il faudrait arrêter au hasard les pilotes en début de pitlane et prendre la pression avec un manomètre pour corroborer avec les valeurs du logiciel, mais je n’ai aucune idée si cela sera fait. »

8/ L’avenir… et le présent !

Avec des tonnes de calculs pour déterminer quelle pression initiale mettre dans le pneu avant et à quelle température le chauffer en fonction d’une multitude de paramètres extérieurs fluctuants, le tout pour être dans la bonne mais étroite plage de fonctionnement et en franchissant la ligne d’arrivée sans tomber sous le couperet du règlement, ce domaine de travail devient le lieu idéal pour l’Intelligence Artificielle.

Une fois de plus, Ducati l’a compris en premier et travaille depuis 2017 en collaboration avec la société italienne MegaRide. Initialement orientés sur l’usure du pneu arrière, il ne fait aucun doute que les travaux ont continué en prenant en compte l’influence des éléments aérodynamiques et la problématique du pneu avant.

Flavio Farroni, PDG et cofondateur de l’entreprise MegaRide : « La principale exigence est la possibilité de reproduire la thermodynamique des pneus, leur comportement en termes d’adhérence et d’usure dans les environnements de simulation en temps réel et de fournir des outils relativement faciles aux concepteurs et ingénieurs pour analyser l’information sur les véhicules en mettant l’accent sur les effets physiques de sa performance. L’aspect fondamental d’un modèle prédictif et physique est de s’adapter aux mutations continues de l’environnement et de ses conditions. Nous nous référons à une gestion optimale des pneus pendant une course, mais aussi à suivre la rugosité de l’asphalte et à estimer l’adhérence en temps réel, deux domaines où notre entreprise avance très rapidement. »

Dans le paddock, on semble résigné…

« Les constructeurs ne sont pas tenus de donner toutes leurs datas à Michelin, et grâce à leur partenariat avec MegaRide, je suis absolument certain que Ducati en sait plus sur le fonctionnement des pneus Michelin que Michelin eux-mêmes ! Et comme par hasard, ce sont encore eux qui ont introduit les jantes claires pour gagner quelques degrés, même si cela n’a qu’un effet très limité. »

Les abaques de Yamaha, Honda et KTM sont certes indispensables mais font un peu figure de bouliers chinois face à une calculatrice moderne, par rapport à l’Intelligence Artificielle…

A noter que l’équipe Moto2 American Racing expérimente également cette approche depuis 2022 et entend amplifier l’expérience en 2023.

9/ Conclusion…

Aujourd’hui, le pneu avant est principalement ce qui limite le développement des performances des MotoGP. D’une façon générale, les MotoGP modernes chargent énormément l’avant, une tendance qui s’est encore accélérée avec les développements des appendices aérodynamiques.

Le pneu avant, dont la dimension n’a pas changé ces dernières années, arrive à ses limites et nécessiterait plus de volume d’air et plus de surface de gomme au sol. Des essais ont eu lieu en 2019 concernant ce dernier point lors de quelques séances IRTA, mais à ce jour cela ne s’est pas concrétisé dans les allocations définies par Michelin en début d’année. Le manufacturier français a pour le moment préféré profiter de l’élargissement naturel de la plage d’utilisation de ses pneus avant grâce à la tendance au chargement des motos sur l’avant (Aujourd’hui, un pneu avant dur peut par exemple fonctionner correctement avec une température de piste de 25 à 50°).

De même, les constructeurs de jantes présents en MotoGP (Marchesini et OZ) n’ont pas, pour le moment, proposé de jantes avec un plus grand volume d’air, cause principale des variations de pression et de températures, que ce soit avec des bâtons creux ou des jantes au profil plus haut (dans la limite des disques de 355 mm).

Il n’empêche que deux choses apparaissent d’ores et déjà certaines cette année : on reparlera beaucoup de la gestion de la pression du pneu avant qui sera au centre de toutes les attentions en 2023 avec, peut-être, ou peut-être pas, les premières sanctions en catégorie reine… et on ne parlera quasiment pas de l’Intelligence Artificielle, domaine qui apparaît maintenant incontournable mais qui est entouré d’un secret absolu.

Du côté des techniciens des teams, on conserve toutefois sa motivation !

« Je pense qu’on est à peu près au bout du système, en ce qui concerne les pneus et les freins. Brembo a sorti les 355 mm ventilés pour l’Autriche, la Thaïlande et le Japon car les 340 mm montés trop haut en température, mais il faut voir ce que se prend le pneu arrière avec le Ride Height Device qui l’enferme au milieu de l’échappement dans les lignes droites !  Quant au pneu avant, on en a déjà parlé et vous saisissez maintenant la complexité du problème : cette extrême complexité apporte du stress en plus, mais ça rend le boulot intéressant ! Déjà, on n’a plus que rarement les bi-gomme à l’avant, qui étaient détestés par les pilotes dans leur phase de transition. Cela enlève un élément difficile à maîtriser ! »

De notre côté, on peut maintenant regarder les courses avec un tout autre regard, surtout quand on voit Fabio Quartararo ou autre rétrograder de façon anormale dans le peloton…