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Aujourd’hui, Hervé Poncharal occupe une position incontournable dans le paddock des Grands Prix. A la fois Team Manager de la meilleure équipe satellite MotoGP et président de l’IRTA, le personnage doit ses responsabilités actuelles à un très long parcours que nous vous proposons de découvrir de façon très détaillée en plusieurs parties.

Nous le remercions grandement d’avoir pris ces quelques heures pour nous conter son parcours, nous permettant ainsi de publier ce document à caractère exceptionnel.

Attention ! L’homme est bavard et s’exprime avec sincérité : au fil des épisodes, vous allez être surpris… et beaucoup mieux le connaître !

Accéder à la première partieLes années 70/80, genèse de son amour pour la moto

Accédez à la deuxième partie: de l’Angleterre à la France, de la route à la piste…


Hervé Poncharal: « Un an et demi après,  je suis contacté par quelqu’un qui me  demande de rappeler Jean-Louis Guillou. Jean-Louis Guillou me dit : « écoutez, je souhaiterais que vous passiez me voir ». Je débarque à Marne la Vallée, puisqu’ils venaient de déménager de Bagnolet à Marne la Vallée. Il me dit de but en blanc que l’année prochaine, l’usine s’engagera sur beaucoup plus de programmes, et qu’ils vont sortir un tout nouveau modèle de moteur, qui sera un V4, et sur lequel ils veulent miser. Ils veulent se servir de la course pour promouvoir cette nouvelle technologie, car les V4 n’existaient pas à l’époque. Ils veulent aussi s’engager beaucoup plus fort sur les rallyes africains. A l’époque, ils étaient avec les mono, ils voulaient faire un bicylindre parce qu’ils se faisaient taillé par BM. Jean-Louis Guillou souhaitait donc  que je devienne son assistant. Sur le moment, je me dis « Oh putain… ». Dans ma tête, je voulais encore être pilote mais je n’avais pas d’argent et je n’arrivais à rien: je n’avais pas de mécanicien, pas de moto, j’allais tourner en rond et devenir un vieux pilote aigri qui allait toujours dire : « si j’avais eu ci, si j’avais eu ça, j’aurai été champion du monde », et qui allait donc être un peu pathétique. Je lui réponds : « pourquoi moi, Mr Guillou ? ». Il y avait plein de gens, Philippe Vassart, Bernard Rigoni, des noms importants à l’époque, qui voulaient faire ça. Il me dit : « non, je veux vous, parce que vous avez des qualités, je veux quelqu’un qui soit dédié à ce métier-là, je ne veux pas quelqu’un qui soit à moitié pilote ». Il m’a embauché et c’est comme ça que j’ai commencé. Au début, en étant un peu frustré de ne pas pouvoir continuer ma carrière de pilote, parce que je pensais comme tous les jeunes cons que j’allais être champion du monde.

D’ailleurs, la première année, Dominique Sarron était chez Honda France comme pilote endurance, et je m’étais battu avec lui en Challenge Honda, donc on se connaissait. Et du jour au lendemain, je me retrouve à gérer ce mec-là, alors qu’on avait le même âge (on a 2 ans d’écart avec Dominique). Il roulait pour essayer des motos et, souvent, je disais à Guillou : « Mr Guillou, demain il y a des essais après la course, je ne pourrais pas faire un tour sur la moto ? ». Et là, il m’a répondu : «  Hervé… on est de l’un ou l’autre côté du mur, on ne peut pas faire les deux ». Dans ma tête, je l’insultais vraiment. Et avec le recul, je me dis que ce mec-là m’a vraiment appris beaucoup de choses. Et ça, notamment, c’était tellement vrai ! A un moment donné, si tu veux faire les choses bien, il faut choisir son côté. Justement, c’est ce qu’il reprochait à tous les gens que je vous ai cités, c’est que ces gens voulaient faire ça pour faire de l’alimentaire, avoir accès via Honda France à des bonnes motos, faire leur petite carrière, leurs petites courses. Et de ce jour-là j’ai compris. Au début, j’avais la “pigne” et après, je me suis totalement investi là-dedans, et ça a été le début de l’aventure. Et c’est là que j’ai connu Guy Coulon chez Honda France. »

En quelle année êtes-vous rentré chez Honda France ? Et quand êtes-vous parti ?

« Je suis arrivé en 1983. Je suis parti en fin 1988. J’ai fait 6 saisons chez Honda France. Le point fort, c’est que j’y ai évidemment appris à connaître Jean Louis Guillou puisque c’était mon chef, et il m’a énormément appris. Je le dis toujours, et quand je le vois je suis toujours plein de reconnaissance. On s’est fritté sur plein de trucs, évidement, car c’était mon père quelque part, générationnellement parlant. Tu n’acceptes pas qu’on te dise ce qu’il faut faire, tu rejettes l’autorité quand tu as cet âge là, surtout moi, j’étais un peu rebelle, mais avec le recul, il m’a énormément appris. C’est comme ma mère, quand elle m’a dit « tu ne vas pas faire des courses motos ». J’ai dit « ok ». Quelque part, tu ne comprends pas, mais il y a quelque chose qui te dit « elle sait ». Jean-Louis, c’était pareil. Il me demandait de faire des choses que je ne comprenais pas, et  je le faisais quand même car je me disais qu’il savait. Il m’a appris la rigueur, l’organisation. Même si c’est notre passion, c’est un métier. Il faut essayer d’enlever parfois les choses trop passionnées, quand on prend des décisions. Il m’a beaucoup appris. Un jour, j’ai également connu un personnage qui m’a plus que marqué puisqu’il est toujours mon associé et mon partenaire. J’ai connu Guy Coulon… »

On reviendra sur Guy un peu plus tard. Mais avant, concrètement, que faisiez-vous chez Honda France ?

« J’étais l’adjoint du directeur du service compétition. Jean Louis Guillou était le directeur du service compétition, il chapeautait tout, et moi j’étais son adjoint donc je faisais tout ce qu’il me demandait de faire. Les programmes majeurs, c’était l’endurance et les rallyes africains. On était le support de l’usine, car il n’y avait pas de sponsors à l’époque, pour l’endurance et les rallyes africains qui avaient comme point d’orgue le Dakar, mais il y avait aussi l’Atlas au Maroc, le Tunisie, l’Egypte qui s’appelait les Pharaons…  A l’époque, l’Angleterre était la tête de pont pour le championnat du monde qui s’appelait TTF1. Et plus tard, quand Honda a fait de la vitesse, ils ont été aussi en Angleterre, donc chaque succursale avait sa spécificité, entre guillemets. Je faisais tout: un weekend j’allais sur une course de moto-cross, un weekend on faisait le Touquet, un weekend je partais faire une séance d’essai du Dakar, j’allais au Grand Prix de machin, un weekend je partais aux 24 heures du Mans, etc. »

Vous étiez donc donc le représentant officiel de Honda France, mais cela comprenait-il aussi la gestion avec les pilotes, l’organisation matérielle, etc. ?

« J’étais comme Guillou, on bossait à deux. J’étais son adjoint. Guillou n’allait pas partout, il m’envoyait donc parfois sur les séances d’essai. Quand il n’était pas là, il m’envoyait et j’étais le boss. Une fois, je me souviens, il était sur une séance d’essais dans sud algérien pour le Dakar, et moi j’étais sur une épreuve du championnat du monde d’endurance  à Jerez en 1986. Une fois, j’ai fait le rallye des Pharaons, j’étais le boss sur place, et lui était autre part. Quand on était tous les deux sur des épreuves phares comme le Bol, comme les 24 heures du Mans, comme les 8 heures du Suzuka, j’étais son adjoint. Maintenant, on dirait peut être coordinateur. Mon titre c’était adjoint mais j’étais plus proche des pilotes. Je m’occupais aussi des relations avec les Japonais. J’étais fasciné par le Japon au début, moins maintenant (rires), mais c’était le pays de la moto quand je suis rentré là-bas. C’était un pays qui me faisait rêver. La première fois que je suis parti là-bas, je suis resté trois semaines avec Guy pour bosser sur la conception de la NXR, la fameuse machine qui a été la référence sur les rallyes africains. Ça, ça a été fait par HRC, mais sur un cahier des charges fait par Guy et moi. Je n’étais pas technicien mais je faisais les traductions car Guy ne parlait pas très bien anglais. Il y avait un trinôme, mais qui était surtout un binôme. Il y avait Guy et moi, et Guillou, donc tous les trois on était la base du service course Honda France jusqu’en 1985.

En 1985, un événement très important est arrivé dans le groupe Honda Motor au niveau racing, c’est la signature au niveau monde entre Honda Motor International et Rothmans International, pour toutes les activités racing. Il y a eu un accord entre Honda et Rothmans entre 1984 et 1985. Et là, ils se sont mis à faire des Grands Prix, et moi j’ai dit à Guillou que je voulais être détaché au Grands Prix, que je ne voulais plus faire que de la vitesse et des Grands Prix, et que je voulais être le patron de ça. Et on me l’a proposé. Donc, j’étais toujours son adjoint, et de temps en temps, quand il y avait un truc que je pouvais faire dans mon emploi du temps des Grands Prix, je lui filais un coup de main aux 24 heures du Mans, au Bol d’or, voire sur certaines courses de pré-saison comme le Touquet ou autre, mais je suis devenu le boss de la vitesse, qui référait directement au Japon. Et depuis ce moment-là, je n’ai plus jamais fait que des Grands Prix, et j’ai noué des relations avec tout un tas de Japonais au service course HRC, et aussi, et surtout, avec beaucoup de gens de chez Rothmans.

A un moment donné, je me suis dit que le racing, maintenant qu’il y avait des sponsors, allait devenir de plus en plus une affaire de spécialistes, et ça n’avait plus à être géré par les succursales d’une usine, qui ont comme but premier de vendre leurs machines et davantage de faire du commerce. J’ai compris peut être avant certains que ce système n’allait pas perdurer longtemps. Bien évidemment, les Japonais ont vite compris, car il y a eu la parité yen/franc qui était moins favorable à l’époque. Au début, il y avait des marges importantes car le yen était très bas, et puis les marges se sont réduites. Donc avant, quand il y avait budget illimité, ça allait, mais après la parité a évolué donc les marges étaient moins importantes et on a commencé à calculer. De manière très intelligente, les Japonais ont vu qu’il y avait des partenaires qui allaient s’impliquer de plus en plus et qui étaient désireux de s’impliquer de plus en plus. Ils voulaient que ça s’appelle Rohtmans Honda et pas Honda Rothmans. Tout comme Marlboro Yamaha à l’époque. Ils voulaient que la visibilité soit très forte vis-à-vis de leur marque et que la marque de moto se réduise peu à peu pour quasiment disparaître. »

A suivre…

Accéder à la première partieLes années 70/80, genèse de son amour pour la moto

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Tous nos remerciements au célèbre Stan Perec de l’agence PSP  qui a très gentiment illustré ce chapitre avec quelque uns de ses millions de clichés !

 

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