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Même pour le grand public, il ne fait aucun doute que Johann Zarco est un athlète de haut niveau, puisqu’en dehors des Grands Prix on le voit par exemple régulièrement monter le Mont Ventoux à vélo ou faire de l’apnée.

Pourtant, à de nombreuses reprises, le champion français a évoqué dans ses débriefings de course qu’il pouvait souffrir d’un manque d’énergie en deuxième partie de course, dû au fait d’une Ducati physiquement exigeante. On en a d’ailleurs vu un exemple flagrant avec ses réactions en « cool room » après sa deuxième place obtenue au Sachsenring.

Comment nous faire comprendre, à nous, pauvres motards de base, à quel point il est difficile physiquement de piloter une MotoGP, que ce soit au niveau musculaire, cardiaque ou du souffle ?

Nous avons demandé à Romain Guillot, le préparateur physique de Johann Zarco, de nous éclairer…

Romain Guillot : « Ce n’est pas facile de faire cette analyse car les réponses sont toujours multifactorielles. Je ne parle pas forcément du cas particulier de Johann, mais sur un plan théorique tu peux avoir une baisse d’énergie simplement parce que tu es un peu moins bien entraîné que d’autres, et que ce jour-là l’intensité est telle que tu n’arrives pas à la maintenir. Ça arrive à tous les sportifs, quel que soit le sport. Mais après, la baisse d’énergie peut être due au fait que tu n’es pas vraiment à l’aise avec une piste en particulier. Tu as un réglage de moto qui fait que tu arrives à aller vite, mais pour pouvoir aller vite tu compenses plus que ce que tu devrais. Donc tu arrives à maintenir un certain rythme pendant quelques tours, mais à un moment donné, parce que tu as compensé physiquement le manque d’aisance sur ta moto et sur la piste, tu as moins de marge et si tu ne veux pas te mettre par terre, ton chrono est moins bon. C’est toujours un juste équilibre entre l’état de forme physique général, et c’est pour ça qu’il faut être super entraîné sinon tu ne peux pas piloter une MotoGP, et arriver à trouver le bon compromis entre la performance et le confort, si je peux dire vu que ce sont de toute façon des prototypes qui ne sont absolument pas confortables. Il faut que le pilote puisse avoir l’impression d’aller vite sans forcer. C’est toujours une histoire de balance entre les deux, car si tu compenses seulement avec le physique, ça peut sûrement marcher mais ce n’est pas sûr que cela marche très longtemps. »

Le MotoGP n’est pas plus exigeant dans un domaine particulier, musculaire ou cardiaque ? C’est un ensemble ?
« Oui, c’est un ensemble. Après, cela change aussi en fonction des pistes. Par exemple à Austin, qui est a priori un circuit très physique et très demandeur, là tu vas peut-être avoir des tétanies musculaires qui vont arriver. C’est pour ça que beaucoup se sont faits opérer du syndrome des loges. Donc en fonction des caractéristiques des circuits, peut-être qu’une fois ce sera plus exigeant musculairement, par exemple pour freiner. Après, sur des circuits comme en Malaisie où il fait très chaud et très humide, c’est clairement en endurance et ta capacité à résister à la chaleur qui vont être le facteur impactant de ta baisse d’énergie. C’est pour ça que je t’ai dit que c’était toujours multifactoriel. »

Si on te demande le point fort de Johann physiquement ?
« (Rires) c’est difficile de répondre à ça car tous les pilotes MotoGP sont tous très complets. Et puis après, tu vas me demander le point faible, donc je ne saurai pas répondre (rires). »

Peux-tu nous parler du rythme cardiaque, car pour nous le grand public les chiffres que l’on voit à l’écran sont assez disparates mais tous impressionnants ?
« Pour simplifier pour le grand public, car après les gens viennent toujours te dire « oui mais… », ne serait-ce que par l’aspect de la vitesse, le rythme cardiaque va de toute façon monter très haut chez le pilote. Lorsqu’on fait un tour de manège, alors qu’on est juste assis dans un wagon, la notion de vitesse fait que notre rythme s’accélère, même si on n’a rien fait et on n’a pas bougé de notre siège. Ça, c’est une première notion. Après, de toute façon, les pilotes sont sur un engin qu’ils vont essayer de maîtriser et auquel ils vont presque essayer de résister plutôt que d’agir dessus. A l’accélération, c’est tellement puissant qu’il s’agit de faire en sorte de ne pas se faire désarçonner, donc tu vas t’agripper, avec les bras et avec les jambes. Au freinage, c’est pareil, il faut encaisser le fait de passer de 250 à 100 km/h d’un coup, et là encore, c’est avec les bras et avec les jambes. Tout ça, à un moment donné, ça fait un effort physique très important qui, combiné à la vitesse, fait que le cœur bat très vite, et tu as très peu de moments pour te reposer ! C’est peut-être ce dont les gens ont du mal à se rendre compte, en se disant qu’ils ne font « que » piloter une moto : mais ces motos-là, ce sont des prototypes et on ne peut pas imaginer, moi le premier, les efforts que cela demande. Donc on ne se rend pas compte de l’effort qu’il y a, qui est toujours dans la résistance, pour éviter que la moto quelque part punisse le pilote. Finalement, c’est un peu comme au rodéo : si tu ne maîtrises pas ta monture, elle t’envoie dehors. »

Ce qui surprend aussi le grand public, toujours en ce qui concerne le rythme cardiaque, c’est la grande différence qu’il y a par exemple entre Maverick Viñales et les autres…
« Honnêtement, j’ai aussi du mal à comprendre, donc je ne peux pas répondre à cette question. »

Sur la grille de départ, le stress est-il un facteur important dans l’accélération du rythme cardiaque ?
« Oui, ça le fait monter, mais pas très haut car à ce niveau-là ils ont l’habitude de gérer le stress. Donc ce n’est pas ça qui influe vraiment, mais dès que le moteur se met en route et que tu commences à faire ton premier tour, c’est parti et après ça monte assez vite avec les premiers virages. Après l’instant du départ, ça monte assez vite, et après c’est constant. Le but, c’est d’avoir la fréquence cardiaque la plus basse possible sur toute la course. Plus ta fréquence cardiaque sera faible, plus, quelque part, ça voudra dire que tu es en maîtrise totale de ta machine, au-delà du fait que tu es bien entraîné. Bien sûr, si tu n’es pas bien entraîné, à un moment donné ce sera difficile que ton cœur soit bas, même si tu maîtrises parfaitement ta machine. C’est pour ça qu’il faut être très entraîné, et en même temps avoir une bonne maîtrise de ta machine. Et avoir une bonne maîtrise de ta machine, ça ne veut pas forcément dire une machine qui correspond totalement à ton style : une bonne maîtrise de ta machine, c’est arriver à faire ce qu’il faut pour que ta machine fonctionne au mieux. »

Combien de temps faut-il pour que le cœur retrouve son rythme normal, une fois la ligne d’arrivée franchie ?
« Ça va assez vite. Après le tour d’honneur, ils sont quasiment revenus à leur niveau. »

 

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