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Comme ses collègues des 5 autres constructeurs, le  responsable technique de Ducati, Davide Barana, a pu faire le point devant la presse après la première demi-saison 2019.

Voici notre traduction de l’intégralité de ses propos.


Une nouvelle saison, une nouvelle moto et un nouveau challenge. Cela doit être un peu difficile d’accepter la défaite de vos pilotes au championnat pour le moment. Pensez-vous que cela soit dû aux progrès de vos adversaires où Ducati a-t-il encore des domaines à améliorer ?

Davide Barana : « comme toujours, la vérité est au milieu. Il est vrai que Honda a amélioré ses performances, en particulier dans le domaine de l’accélération, probablement grâce à une progression de la puissance du moteur mais nous avons également vu qu’ils travaillaient beaucoup dans d’autres domaines sur leur moto, sur l’aérodynamique et en déplaçant beaucoup de composants, ce qui est un changement important et peu commun ».
« De notre côté, nous sommes deuxième et troisième, et nous avons aussi Jack (Miller) qui se débrouille bien, ce qui veut dire que notre moto permet de bien performer avec différents pilotes. C’est la preuve que notre moto suit une direction de développement robuste et consistante. Mais si nous regardons par rapport à Marc (Márquez), l’écart est très grand, trop grand. Cela veut dire que nous devons travailler plus dur que ce que nous en avons l’habitude, en particulier dans les domaines que nous connaissons, où il y a le plus de marge à gagner, et je fais référence à la performance de la moto dans les virages ».

Ducati possède la réputation d’être très créative. À quel point est-ce difficile en ce moment de continuer à innover en MotoGP pour perpétuer cette caractéristique et acquérir un avantage sur vos adversaires ?

« Le MotoGP est le summum de la compétition motocycliste, et c’est donc par définition un environnement difficile. Mais je voudrais également saisir cette opportunité pour dire que nous ne voulons pas être des pionniers ou être créatifs à tout prix. C’est seulement le résultat de notre approche du développement qui est toujours innovante et positive. Nous essayons tout d’abord d’utiliser le potentiel avantage d’une solution simple, puis nous retournons au dessin. Nous ne disons jamais que c’est impossible ou que cela n’a jamais été fait auparavant, et c’est la raison pour laquelle vous voyez parfois des solutions originales. Mais il y a aussi beaucoup de choses que vous ne voyez pas qui, quand elles sont additionnées, peuvent également procurer un assez bon avantage ».

L’aérodynamique est une grande et importante partie sur laquelle travaille Ducati. Il semble qu’il y aura des restrictions l’année prochaine dans ce domaine. Quel est votre point de vue sur le sujet et quelles retombées en tirez-vous pour les motos de série ?

« Depuis 2015, nous avons été les premiers à faire des innovations aussi importantes en aérodynamique. Donc nous croyons toujours à ce développement. Au fil des ans, nous avons vu de plus en plus de limitations à cause du règlement, mais c’est un compromis entre différentes parties et différents intérêts, donc c’est comme ça. Comme vous avez pu le voir, nous avons également introduit l’année dernière les ailerons sur la Panigale, développés du MotoGP durant les premières années où on a travaillé sur l’aérodynamique, et c’est donc la preuve que nous croyons à ces solutions. Nous continuons donc à développer ce domaine, bien sûr dans la limite des règlements actuels et futurs ».

Après le Grand Prix d’Allemagne, André Dovizioso a dit qu’un changement était nécessaire pour le futur, en parlant des gènes de la moto et en précisant que la tenue de route du train avant devait être améliorée en virage. Est-ce possible et est-ce nécessaire ?

« Bien sûr, nous sommes conscients que la performance en virage est le domaine dans lequel nous pouvons gagner le plus. Mais il est important de ne pas oublier de continuer à améliorer les domaines qui font notre force, car si vous vous concentrez sur un seul domaine, vous risquez de perdre l’avantage que vous avez dans les autres. Obtenir de meilleures performances dans les virages est donc un processus assez long. Malheureusement, de nos jours, c’est encore un processus d’essais et d’erreurs, donc cela prend un temps assez long parce qu’il faut faire des tests pour faire la preuve de ce qui est vraiment efficace, puis passer à l’étape suivante. Ça prend beaucoup de temps. C’est la raison, parce qu’il faut du temps pour atteindre certains niveaux ».

Vous dîtes que cela prend du temps de développer le châssis. Par le passé, Ducati n’a-t-il pas trop mis ses efforts sur le moteur et délaissé le châssis ?

« Je ne pense pas. Il est certain qu’au tout début de notre expérience en MotoGP, nous avions des solutions très différentes de celles de nos concurrents. Pendant cette période, il était peut-être difficile de se comparer aux autres à cause de cette grande différence. Depuis 2013, nous sommes assez similaires en termes de concept de châssis et à partir de là, nous avons continué à développer le châssis en même temps que le moteur. Peut-être qu’avec le moteur, nous avons plus d’expérience historiquement, car l’histoire de l’ingénierie des moteurs chez Ducati est longue. Il est probablement beaucoup plus facile pour nous de développer le moteur que de développer le châssis, c’est peut-être vrai, mais l’effort que nous avons consacré au développement du châssis est toujours le maximum et le mieux que nous puissions faire. Bien sûr, nous pourrions utiliser l’acier, mais notre sujet principal est de rattraper (les autres), donc maintenant et dans le futur, nous fournissons encore plus d’efforts dans ce domaine ».

Vous dîtes que vous êtes 2e et 3e au championnat. À quel point votre travail serait-il différent s’il n’y avait pas Marc Márquez ?

« C’est difficile à dire car il n’est pas si facile de penser que nous serions premiers et deuxièmes sans Márquez, mais ce serait probablement beaucoup plus facile que ces dernières années. Nous avons fini deuxièmes à plusieurs reprises et nous aurions probablement pu remporter le championnat. Peut-être, qui sait ? Pour moi, cela est hors de propos : Márquez est là, alors il faut que nous nous battions contre lui et contre Honda, et que nous essayions de gagner ».

Après la course à Brno, on a entendu Dovizioso dire qu’il ne pouvait pas suivre Márquez quand celui-ci a commencé à freiner plus fort. Les Ducati ont toujours été fortes en moteur et stables au freinage. Pensez-vous que Honda a neutralisé votre avantage ?

«C’est sûr que, comme je l’ai déjà dit, ils ont beaucoup progressé à l’accélération. Mais il est probablement moins évident de savoir s’ils ont aussi progressé au freinage, car comme nous l’avons vu ces dernières années, la performance est une combinaison de nombreuses données qui fonctionnent bien ensemble. On a vu des hauts et des bas de différents pilotes et de différentes motos, car il est difficile d’être à 100% partout. Peut-être qu’à Brno, notre avantage au freinage était annulé, mais je pense que ça reste l’un de nos domaines les plus solides ».

Que pensez-vous de l’idée d’avoir une évolution moteur autorisée en cours d’année, ce qui est interdit pour le moment ?

« Pour nous, nous sommes plutôt ouverts à la discussion concernant ce changement. Je dirais que, même si ce n’est pas évident, cela présente certains avantages en termes de coût car quand vous devez geler le développement en début de saison, peut-être que vous dépensez beaucoup d’argent à ce moment, en ayant différentes options avant d’en choisir seulement une et de jeter les autres. Donc peut-être qu’avec un développement intermédiaire, vous pouvez à la fois favoriser le développement et économiser certains coûts. Ce n’est peut-être pas quelque chose qui coûterait davantage car le développement continue de toute manière durant la saison pour l’année suivante ».

En 2020, Michelin va reprendre le développement de ses pneus. À quel point cela affecte-t-il votre moto ?

« Bien sûr le développement du châssis est toujours corrélé aux caractéristiques des pneus. Nous sommes satisfaits de la façon dont Michelin apporte des développements car si cela nous procure plus de travail, il est important pour nous que ces introductions soient prévues bien à l’avance, ce qui laisse le temps aux constructeurs de bien adapter la moto aux nouvelles spécifications ».

Que pensez-vous d’éventuels changements des caractéristiques des MotoGP, comme le nombre de cylindres ou le poids qui semble important pour un prototype ?

« Je pense le règlement actuel est un bon compromis. Un bon compromis car il permet au nouveau constructeur qui rentre dans la catégorie de le faire sans avoir une marche trop haute à franchir pour débuter, car par exemple, avec l’électronique commune, c’est beaucoup plus facile que par le passé : vous ne devez pas développer complètement l’électronique à partir de zéro, par rapport aux autres qui ont 10 années d’avance sur vous. En termes de poids, vous avez raison, le poids minimum pourrait être plus bas, mais c’est OK car il s’agit d’une sorte de limitation pour empêcher de trop procéder à certaines recherches. Concernant les moteurs, je pense que le règlement actuel est également un bon compromis car la cylindrée maximum est assez grande. Elle rend la puissance importante mais pas absolument importante, et cela permet de la même façon aux nouveaux constructeurs qui arrivent de rendre les choses, je ne dirais pas facile, mais ne nécessitant pas trop de temps pour être à un bon niveau. Peut-être pas le meilleur, mais à un bon niveau pour se battre avec les autres. Donc globalement, je pense que il s’agit d’un bon compromis entre différents intérêts ou différents points de vue ».

Crédit photo : MotoGP.com

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