pub

Après nous avoir donné son point de vue sur l’arrivée fulgurante de Fabio Quartararo en MotoGP dans la première partie de cette interview, Christian, Champion du Monde en 1984 sur une 250 Yamaha, nous parle ici de Marc Márquez, de Johann Zarco et d’autres.

Dans la première partie de cette interview, Christian nous a expliqué tout le bien qu’il pensait de Fabio Quartararo. Il mentionnait également l’éventuelle possibilité qu’El Diablo aurait peut-être pu obtenir des résultats à peu près équivalents, ou pourquoi pas meilleurs, sur une autre moto : la Ducati.

Christian, la Desmosedici n’est-elle pas réputée plus difficile à piloter que la Yamaha ?

« J’ai pu m’apercevoir dans ma carrière que les motos difficiles sont souvent performantes. Ou plus exactement, en présentant ce point de vue inversement, les motos performantes sont souvent très difficiles à piloter. »

« Je peux prendre l’exemple, à l’époque de Mick Doohan, du moteur screamer* qu’il était le seul à vouloir utiliser encore en Grand Prix. C’était peut-être un moteur un peu plus performant que les moteurs Big Bang, mais il n’y avait que lui qui arrivait à piloter vraiment ces machines à la limite. »

*Le moteur screamer est à explosions éloignées, le moteur Big Bang inversement à explosions rapprochées.

« J’ai pu me rendre compte de ça justement parce que j’ai piloté à l’époque ce genre de machines 4 cylindres 500 deux-temps. Le screamer en particulier était difficile à maîtriser. »

« Si le pilote a le mental et la technique, il peut arriver à s’en sortir. C’est l’exemple de Marc Márquez au guidon de la Honda. Et en plus de ça, s’il arrive techniquement à maîtriser cette difficulté, il va demander que sa machine évolue vers encore plus de difficulté pour avoir encore plus de performance. Ce ne sera pas le cas pour un pilote un peu moins bon techniquement. »

« C’est pour ça que la différence s’est creusée. On l’a déjà vu à l’époque de Dani Pedrosa qui se plaignait un petit peu de la difficulté de la Honda. Mais c’était une difficulté que Marc Márquez arrivait à maîtriser et contrôler, ce qui lui amenait un peu plus de performance. Un pilote qui n’y parviendra pas se retrouvera handicapé. Tout dépend du pilote… »

Marc Márquez a remporté son magnifique titre cette année avec 12 victoires. C’est le seul pilote Honda dans les 8 premiers du Championnat. Aurait-il pu gagner le Championnat du Monde sur une moto d’une autre marque, d’après toi ?

« Oui, j’en suis persuadé. Avec une Ducati probablement. Avec une Yamaha très probablement. Avec une Suzuki, je pense aussi. Et puis après je ne vais pas m’avancer, car gagner le Championnat du Monde sur KTM ou Aprilia, peut-être pas, mais éventuellement remporter des Grands Prix. »

La saison de Johann Zarco a été tordue en diable, avec KTM, puis 3 courses sans rouler, puis 3 GP avec Honda. Enfin il a refusé une place de pilote essayeur chez Yamaha pour être en 2020 chez Avintia un des 5 pilotes Ducati, mais sur une Desmosedici 2019. Que penses-tu de son parcours ?

« Je pense que Johann a eu malheureusement une panne de mental. Il a choisi d’aller chez KTM et on ne peut pas lui en vouloir. C’était un choix qu’il a fait. Un choix qui s’est avéré difficile, très difficile pour lui. »

« Je ne l’ai jamais senti à l’aise sur cette machine. Peut-être a-t-il ensuite fait des erreurs. Le mental en a pris un coup très rapidement et il s’est retrouvé dans un engrenage négatif où il n’arrivait plus à piloter comme il le voulait, où il critiquait la machine, ce qui ne plaisait évidemment pas à l’équipe, d’autant plus que son coéquipier Pol Espargaró était presque systématiquement plus rapide que lui »

« Tout ça a beaucoup perturbé Johann qui s’est retrouvé dans une situation tellement difficile qu’il a préféré renoncer à piloter cette KTM en cours de saison. Moi, je ne vais pas expliquer ses choix, ni celui d’aller chez KTM, ni celui d’arrêter de rouler au guidon de cette machine, parce que c’est lui qui les a pris et qu’il a ses raisons que je ne vais pas discuter. ».

Et que penses-tu de l’option Ducati pour 2020 ?

« Je pense que ce n’est pas mal. Pilote d’essai implique que pour courir il faut attendre qu’un pilote titulaire se blesse. C’est ça ou faire une ou deux wildcards, ce qui parait quand même aléatoire pour un pilote en pleine carrière, car il était voici peu au faîte de sa forme. »

« Il a envie de courir, et je pense que pouvoir défendre ses chances sur la totalité d’un championnat, pour lui c’est peut-être mieux. Il pourra ainsi montrer à nouveau ce dont il est capable pour essayer de revenir au premier plan. »

« C’est l’option qu’il a choisie, et quand on voit les performances de la Ducati, il aura peut-être le modèle de l’année d’avant, mais tout dépendra des marques. S’il y a une énorme évolution par rapport au modèle 2020 chez chaque constructeur, ce sera forcément un petit handicap. Si l’évolution chez toutes les marques est limitée et modérée, finalement il pourrait peut-être bien s’en sortir. »

« S’il réalise de bonnes performances au guidon d’une Ducati, c’est une carte à jouer parce qu’Andrea Dovizioso est régulier, mais on ne voit pas très bien comment il pourrait arracher un titre à Marc Márquez. Et le deuxième pilote de l’équipe officiel Danilo Petrucci a quand même été très moyen cette saison. Donc Johann doit se dire « si j’arrive à montrer mes compétences et à surprendre au guidon de cette Ducati 2019, j’aurais peut-être une aide un peu plus conséquente ensuite de la part de Ducati. »

Photos © Yamaha, Repsol Honda, motogp.com / Dorna