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Repsol

C’est un billet que l’on n’attendait pas de la part d’un gros investisseur en MotoGP. Une prise de position qui est – du fait de la posture économique hautement stratégique de son auteur – tout, sauf neutre. Il s’agit de Repsol, qui se fait l’écho de son partenaire Honda pour changer la donne réglementaire actuellement en vigueur dans la catégorie reine des Grands Prix, et qui a été parfaitement exploitée, au sens noble du terme, par notamment Ducati, et, à présent, Aprilia. Deux marques qui remettent sur son piédestal le label européen que les blasons japonais avaient mis en charpie dans la seconde moitié du siècle dernier. Ces derniers sont maintenant dominés et c’est visiblement insupportable pour celui qui est le premier mondial. Il a un allié de taille avec Repsol qui rappelle aussi, en s’invitant de la sorte dans le paysage, que celui qui paie l’orchestre choisit la musique…

Car tout de même, lorsqu’on lit ce billet Repsol, il y a comme une menace qui plane. Et cette certitude : quand l’enseigne espagnole ne gagne pas avec Honda, c’est suspect. Dans cette intervention, on sort ainsi les dossiers que l’on pensait classer. Au débotté, on y sous-entend dans un historique du MotoGP un tantinet partial que les titres mondiaux de Valentino Rossi sont en quelque sorte « en carton » : « tout le monde n’avait pas accès au même type de pneus, pas même les pilotes qui travaillaient avec le même fournisseur. Des pneus sur mesure ont été fabriqués sur la base des données télémétriques recueillies le premier jour des essais. C’est ce que Michelin a fait pendant plusieurs saisons dans les courses européennes à certaines occasions, travaillant contre la montre dans son usine de Clermont-Ferrand (France) pour envoyer un nouveau lot de pneus spéciaux de course pour Valentino Rossi le samedi soir dans un service routier rapide ».

Vale ainsi rhabillé, Repsol attaque sur l’abomination amenée réglementairement par Ducati et que Honda veut voir disparaître, mais aussi un peu KTM : les ailerons. Le discours à leur sujet colle à la ligne HRC : « cette saison la situation s’est aggravée au point qu’il est de plus en plus complexe de dépasser. La mise en place de nouvelles technologies, comme l’utilisation massive d’éléments aérodynamiques, ou des systèmes qui modifient la hauteur de la moto pour gagner en efficacité d’accélération, rendent les dépassements de plus en plus difficiles. Vous ne dépendez désormais plus uniquement du potentiel de votre moteur et de vos compétences. Vous roulez plus vite et freinez en moins de temps, ce qui rend beaucoup plus difficile de gagner suffisamment de temps et de mètres pour effectuer la manœuvre de dépassement en toute sécurité ».

Mais il n’y a pas que ça. Repsol veut aussi sauver l’intégrité des pilotes : « un détail incontournable de cette technologie est son influence sur l’apparence physique des pilotes. Les blessures musculaires aux avant-bras des coureurs sont de plus en plus fréquentes, un problème commun à la plupart des pilotes. Une grande partie de la responsabilité de cet inconfort incombe à l’aérodynamique. Les spoilers et autres dispositifs qui appliquent une charge importante sur la moto rendent les motos physiquement plus difficiles à conduire ». On regrette que Repsol n’appuie pas ses certitudes sur des statistiques démontrant effectivement une inflation inquiétante d’un syndrome des loges qui est aussi un écueil pour les pilotes Moto3 et Moto2. On pourrait aussi interpeler Repsol sur la façon dont l’intégrité de Marc Marquez a été gérée depuis son grave accident en 2020 à Jerez, mais ce serait aller sur le même terrain marécageux qu’avec Rossi et ses pneus Michelin.

Repsol refait l’histoire et aimerait la réécrire à l’encre Honda

Et puis il y a les insupportables contradictions. Comment peut-on ainsi arguer que le MotoGP a « perdu de sa combativité » alors que, dans le même temps, on affirme que « les courses ne sont plus gagnées par de larges marges de secondes, désormais, la victoire ou le podium se décident à quelques dixièmes ou quelques millièmes de seconde ». Et aussi que « la technologie a rendu la séance de qualification d’une importance vitale, car une position derrière la grille anéantira les aspirations de course. Mais, d’un autre côté, partir en retrait oblige à être combatif pour rattraper son retard, et dans de nombreuses courses nous avons assisté à des remontées spectaculaires qui ont pimenté la compétition ». Tout et son contraire mais une constante tout de même : la Honda Repsol est derrière, voyant de loin un spectacle auquel elle n’est plus qu’une figurante alors qu’elle le paye largement.

C’est donc le cœur du sujet et ce qu’il faut bien prendre comme un coup de semonce éclate dans une conjoncture qui n’est pas anodine. Elle a démontré qu’un lointain conseil d’administration au Japon pouvait mettre fin sans préavis à la fête. Pour le coup, il s’est agi de Suzuki. Mais demain ?

Oui au fait, et demain ? D’abord il faudra que Marc Marquez revienne, et c’est un autre avertissement à peine masqué ainsi expédié : « il est facile de comprendre pourquoi Marc Marquez nous manque ; ambitieux et anticonformiste, il s’est toujours distingué par sa lutte continue pour la victoire, essayant jusqu’au dernier tournant quand il en a l’occasion. Avec lui dans un état de forme optimal, la combativité et le spectacle sont garantis ». Avec Fabio Quartararo déployant tout son talent pour échapper avec sa frêle Yamaha à la meute Ducati, apparemment, on s’ennuie. Du moins chez Repsol.

Les lignes seront sans doute lues et analysées par les compatriotes du fournisseur d’énergie par ses compatriotes de Dorna, dont, bien sûr, Carmelo Ezpeleta. Si l’on veut faire table rase, il n’y a que deux solutions : faire un super Moto2 en MotoGP, soit une moto au cadre quasi unique avec une mécanique identique pour tous. Après, qu’importe que l’on y trouve les inscriptions de constructeurs sur les carénages. Pour mémoire, dans la discipline intermédiaire, le moteur Triumph fait rouler les noms de Yamaha et de KTM bien visibles sur les motos. En ce sens, avec huit motos sur 24 et bientôt la fourniture officielle du plateau MotoE, et comme ses motos sont la calamité de ce sport selon Honda Repsol, Ducati pourrait remplir la mission.

L’autre solution serait de refaire totalement un règlement. Cela couperait les ailes comme les ailerons à Ducati et Aprilia et remettrait Honda en haut de la chaine alimentaire car le constructeur de Tokyo a seul la puissance économique et financière pour repartir d’une page blanche. Science-fiction, théorie du complot ? On aimerait bien, mais cette sortie de Repsol qui est autant un réquisitoire à charge que l’affirmation d’un concurrent mauvais perdant est tout sauf gratuit.

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