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C’est dans un aéroport, entre deux avions, que nous avons rencontré Hervé Poncharal de retour de Sepang.
Pour l’anecdote, l’homme, visiblement fatigué par une semaine éprouvante dans la chaleur malaisienne et par le décalage horaire, n’en reste pas moins toujours autant passionné par les motos: « attend, il faut que je prenne ça en photo pour Guy (Coulon). Ça va le faire baver. »
 
Hervé Poncharal, peut-on dire que l’adjectif « rassuré » qualifie votre état d’esprit après ces premiers tests de l’année?
Hervé Poncharal : « Oui. Vous avez tout à fait résumé la situation. Aujourd’hui, je peux vous le dire; après les essais de Valence, le paddock est parti en trêve hivernale avec quand même pas mal de doutes. Des doutes à propos des nouveaux pneus car il est vrai qu’il y avait eu beaucoup de chutes de l’avant sans qu’on puisse les expliquer, vous étiez là et vous l’avez vu. Des doutes également concernant l’électronique puisque les pilotes officiels avaient déclaré être revenus plusieurs années en arrière.
Et bien je suis très heureux de vous dire aujourd’hui qu’après trois jours de roulage à Sepang, la quasi totalité du paddock est reparti de Sepang avec la banane et rassurés. Et là, je voudrais vraiment tirer un coup de chapeau à tout le département racing de chez Michelin, avec Nicolas Goubert à sa tête, parce que, franchement, ils ont fait un boulot incroyable! On citait toujours le pneu avant Bridgestone comme une référence, mais quand vous écoutez les commentaires de Lorenzo ou de Rossi, pour ne citer que les icônes du championnat, ils déclarent qu’ils retrouvent le feeling des Bridgestone. Et ce qui est intéressant, c’est qu’ils avaient développé avec leur constructeur une toute nouvelle moto officielle tenant compte de ce qu’ils avaient compris lors des tests de 2015, mais on se retrouve avec ce nouveau pneu avec des sensations similaires à l’année dernière avec les Bridgestone, ce qui n’est pas pour nous déplaire chez Tech3. Par ailleurs, l’équipe officielle a testé pas mal de nouveaux éléments avec ce nouveau pneu qui semblent plutôt prometteurs. La direction de travail est maintenant définie et, en ce sens, tout le paddock est rassuré.
En ce qui nous concerne, Bradley Smith est un des rares, si ce n’est le seul, à avoir fait une simulation de course; il en résulte des temps intéressants et un très bon feeling sur la capacité à rouler vite dès le début de course avec maintenant un réservoir qui fait deux litres de plus (22 litres), c’est quand même important, et une très bonne stabilité jusqu’à la fin de la course.
Donc, du côté de chez Michelin, vraiment un très grand coup de chapeau, et du côté de l’électronique, ça progresse bien aussi. De toute façon, le 59.5 fait par Lorenzo en pneu dur parle de lui-même. Le package Yamaha-Lorenzo-Michelin-électronique fonctionne vraiment bien, et ça se voit du bord de la piste, que ce soit en entrées de virage, en vitesse de passage ou à la ré-accélération. C’est onctueux, très doux et efficace. »
 

Mais ça, c’est le caractère typique des Yamaha; elles requièrent cette fluidité pour aller vite…
Hervé Poncharal : « Honnêtement, du bord de piste, j’ai été très impressionné par les Ducati qui s’en rapprochent beaucoup, visuellement et au niveau de l’oreille. Par contre, on voit que la Honda est plus agressive, plus violente, et aujourd’hui l’osmose existe moins chez eux entre l’électronique, le caractère moteur et le reste, mais bon, il reste encore du temps, et s’ils ne sont pas partis de Sepang heureux, ils sont néanmoins partis satisfaits car ils ont pu recueillir pas mal de données et comprendre pas mal de choses. En MotoGP, avec l’électronique, tout peut très vite se retourner… »
 
A propos des Ducati, comment expliquer les motos officielles derrière les autres?
Hervé Poncharal : « Je ne suis pas chez Ducati, donc je ne peux que vous dire des généralités. Il ne faut pas s’arrêter trop précisément à ce classement publié après Sepang et en tirer des conclusions; trop de paramètres entrent en ligne de compte, comme les pneus utilisés, la volonté de faire un tour chrono ou de travailler plus en profondeur. Je connais bien Dovi et ce n’est pas le genre de pilote qui va chercher à claquer un chrono pour impressionner quelqu’un à Sepang. Je pense que Casey était plus dans cet esprit là. Chez nous, je suis persuadé que Bradley aurait pu ,s’il l’avait voulu, roulé au moins une bonne demi-seconde plus vite. Mais non, il a eu la force de connaître son potentiel et ne pas avoir eu besoin de se rassurer avec un chrono; ils s’est concentré sur la simulation de course et, au total, il a fait 180 tours. Par moment ,en tant que team manager, j’aurais eu envie qu’il aligne un chrono pour pouvoir dire « on est troisième, ou cinquième », mais au final, je sais qu’il eu raison. Il a mené à bien tout le travail prévu avec Guy et Maxime Duponchel, et il y en avait!
 

Par contre, je suis un peu triste pour Pol qui misait beaucoup sur tous ces changements techniques, et là, à Sepang, on l’a retrouvé avec des problèmes similaires à ceux dans lesquels il se débattait en 2015. »
 
Jorge Lorenzo risque-t-il de tuer la saison?
Hervé Poncharal : « On ne peut être certain de rien, et l’histoire nous l’apprend. L’année dernière, tout le monde pensait que Marquez allait tuer la saison, et vous avez vu ce qui s’est passé. Il ne faut donc jamais tirer de conclusions trop hâtives mais c’est vrai qu’il est très fort et que, pour l’instant, c’est lui qui a le mieux lu le mode d’emploi, et des pneus et de l’électronique. »
Et Rossi?
Hervé Poncharal : « Il s’est exprimé un peu partout en disant qu’il avait fait tout le boulot pendant que Lorenzo faisait des chronos (I did a lot of ‘dirt work’ compared to him, more laps and everything, he concentrated more on the performance). Évidemment ,ce n’est pas le reflet de la réalité, mais on sent que ça commence déjà entre eux… Cela risque d’être intéressant. Mais l’essentiel, c’est que je suis persuadé que, grâce aux progrès réalisés par Michelin et notre meilleure connaissance de l’électronique, nous allons vivre à nouveau une saison formidable, et pas perturbée par les changements techniques mis en place. »
 

On a très brièvement aperçu une moto de test en habillage carbone au look assez différent. Sera-t-elle utilisée?
Hervé Poncharal : « Le team de test est aussi un team de recherche. Ils peuvent se permettre d’essayer des choses plus radicales. C’est ce qu’ils ont fait avec tout un tas d’ailerons, de nez et de carénages. Mais j’ai bien aimé la phrase de Valentino Rossi qui a dit qu’il préférait une moto sans winglets car c’était plus beau. »
 

Le logiciel unique que vous aviez à Sepang est-il exactement le même que celui que vous aviez à Valence?
Hervé Poncharal : « Oui. Exactement. La seule chose qui change, c’est la compréhension qu’on a de ce logiciel. Toutes les usines et tous les teams cherchent à mieux l’exploiter pour en tirer son potentiel maximum. C’est la même histoire à chaque fois qu’il y a un changement technique, mais je parie qu’après cette prise en main en début d’année, on risque de faire tomber quelques records. »
 
Nous remercions grandement Hervé Poncharal pour ces quelques minutes accordées au lieu de les mettre à profit pour se reposer!

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