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Kenny Foray, vous avez publié des photos très impressionnantes probablement prises par Jean-Aignan Museau (Moto Revue / GP Racing). Pouvez-vous nous raconter ce qui a entraîné cette chute au guidon de la MotoE du team Tech3, et comment elle s’est déroulée ?

Kenny Foray : « c’était pendant la première course à Misano. On était au deuxième tour, et comme souvent dans ces catégories là, il y a pas mal de dépassements. C’était dans un petit droite/gauche avant une ligne droite et, paradoxalement, j’avais moins de « gaz » que lors du tour précédent. Mais j’ai voulu bien me préparer pour la ligne droite et je suis revenu un peu plus à droite. En fait, l’association de mettre un peu plus d’angle et de vouloir revenir a fait que la moto a décroché. Je n’ai pas eu l’impression d’avoir commis une grosse erreur, mais je me suis fait éjecter. »

C’était vraiment un highside très spectaculaire : on a le temps de penser à quelque chose, quand on est en l’air ?

« Quand on subit un highside et qu’on est en l’air, on a toujours l’impression que c’est incroyable et qu’on monte à 3 mètres. Sur le coup, j’ai senti que c’était très violent, et j’ai eu l’impression d’être monté assez haut, mais je suis resté assez humble en pensant que j’étais peut-être monté de seulement 50 cm. En fait, je suis monté très haut mais ça a été très rapide : la chute n’a duré que 3,9 secondes et je suis en l’air pendant seulement une seconde. On n’a donc pas trop le temps de réfléchir mais j’ai quand même eu le temps de penser que ça allait faire mal quand j’allais atterrir. ».

 

Avez-vous eu le temps de vous préparer au choc ?

« Non, car en plus j’ai fait un demi-tour et j’ai frappé par l’arrière. Normalement, tu fais des Back Flips dans ce genre de chutes, mais là je me suis retrouvé à l’envers, et c’est le pire car tu ne contrôles plus rien. »

Le choc a été de 27,5 G, ce qui est énorme même si cela ne dure qu’une fraction de seconde…

« Ils ne l’ont pas marqué mais ce qui est rigolo c’est que j’ai pris 24 ou 25 G au décollage. C’est ce qui m’a le plus impressionné car c’était tellement violent que je ne me rappelle même plus du décollage et je n’ai pas senti l’airbag se déclencher ».

Au sujet de l’airbag, tous les pilotes peuvent aujourd’hui dire merci à cette riche invention, non ?

« Oui ! Franchement, juste avant d’en avoir un, je n’ai jamais dit que cela ne servait à rien, mais je ne pensais pas que c’était indispensable. Parce que, quand ça fait 15 ans ou 20 ans que tu roules et que tu n’en as pas eu forcément l’utilité malgré les chutes, oui, tu penses que c’est un plus mais tu n’es pas vraiment convaincu que c’est indispensable. Maintenant, je pense un peu différemment. C’est obligatoire en MotoGP et la technologie est en plein développement, en particulier pour monsieur tout le monde sur la route. Il faut laisser le temps pour que tout fonctionne à la perfection et c’est un outil qui est juste extraordinaire. »

Un outil que vous conseillez au motard de route ?

« Oui ! On est obligé de le conseiller, car même s’il y a toujours des cas extrêmes, ce qui est sûr c’est que tu es content de l’avoir quand tu en as besoin. Parfois, tu ne penses pas qu’il y a eu un gros choc et tu crois que ça se déclenche pour rien, mais c’est un complément qui est juste génial. »

Ça ne gêne pas pour piloter en course ?

« Non. Je ne me sens pas du tout la différence. Le cuir est un peu plus serré, mais ça revient au même ».

Prenons un peu de hauteur : peux-tu dresser un bilan de ta saison en motos électriques ?

« Je n’ai aucune honte à dire que je n’ai pas été performant. Certes, c’est toujours un peu frustrant pour un pilote de se dire que tu n’y arrives pas alors que tout le monde a les mêmes motos. Tu peux parfois tirer des conclusions un peu rapides, mais quand j’analyse un peu cette saison, et j’en ai parlé avec Hervé Poncharal, on se dit qu’on s’est complètement trompé en pensant que c’est ceux qui roulent en endurance qui allaient le mieux s’en sortir car ils ont l’habitude des motos lourdes. En fait, on s’est rendu compte que c’est complètement le contraire, et tous ceux qui étaient en endurance n’ont pas performé. Cela semble paradoxal. »

Peut-on l’expliquer par le fait qu’il faut être très rapide dès le premier tour, en particulier lors de la E-Pole ?

« Non, car quand je roule en Superbike en France, je sais faire le meilleur tour au premier tour. Je sens plutôt que le comportement de la moto demande un pilotage beaucoup plus proche d’une moto de petite cylindrée : quand tu remets les gaz, tu les remets quasiment à tout de suite, contrairement aux motos que l’on utilise où la gestion des gaz est beaucoup plus importante. Quand je regardais mon coéquipier (Héctor Garzó) rouler, je me rendais compte que je n’avais jamais fait ça sur une moto. Je n’ai jamais eu ce style de pilotage. Et quand tu n’as que 7 tours par séance, tu n’as pas beaucoup de temps pour essayer d’arriver à faire ça. C’est là que j’en ai déduit que c’est le format des séances qui m’a le plus pénalisé. La seule fois où je n’étais pas trop mal et où je me suis senti vraiment bien sur la moto, c’était en Autriche, car on a eu trois séances d’essais libres. C’est la fois où j’ai été le plus proche de la pole, à 1,1 ou 1,2 seconde et c’était très encourageant. Mais quand il y a seulement deux séances d’essais libres avant la superpole, j’ai pour ma part beaucoup de mal à m’y adapter. »

Donc fin de l’aventure électrique ?

« Oui, je pense que c’est plus intelligent pour tout le monde. Et je ne vais pas vous cacher que la chute de Misano m’a fait réfléchir sur ce que je pouvais et voulais vraiment faire. Le fait de tomber et de me dire que je pouvais éventuellement ne pas faire le Bol d’Or, m’a fait réfléchir à ce qu’était vraiment mon objectif : me battre pour la 10e place en MotoE ou essayer de décrocher ce que tu as envie de décrocher en endurance ? Quand je me suis vu par terre et bloqué, je me suis dit qu’il fallait peut-être prendre une décision et qu’on ne pouvait pas tout faire… »

Une décision du genre « faut peut-être arrêter les conneries », sans que ce soit péjoratif envers la MotoE ?

« Exactement ! (rires) »

De quoi sera constitué votre programme en 2020 ?

« Avant tout l’endurance avec BMW Motorrad EWC, dont la saison a déjà commencé au Bol d’Or, puis je ferai certainement le championnat de France en Superbike sur une BMW. Cette deuxième partie n’est pas encore actée car on est seulement fin novembre, mais ça devrait se mettre en place en décembre ou en janvier. »

La prochaine épreuve d’endurance aura lieu à Sepang en décembre, dans un format un peu spécial, avec des voitures et des motos. C’est motivant, pour un pilote ?

« Je pense que quand on est pilote, on ne peut qu’être content de découvrir un nouveau site, un nouveau circuit et un nouveau format. Ça reste quelque chose de vraiment bien. En tout cas, moi, j’en suis très content. Maintenant, on pourra seulement en tirer les conclusions après la course. La Slovaquie, avec les voitures et les motos, s’était très, très bien passée. Tout le monde avait peur de l’état de la piste mais celle-ci était très, très bien nettoyée après chaque journée : il y avait un jour pour les motos et un jour pour les voitures, et à la fin de la journée pour les voitures, la piste était nettoyée, ce qui est quand même bien mieux. Je suis donc super content de découvrir quelque chose de nouveau et je ne suis pas sûr, quand on dit que c’est seulement une sélection pour Suzuka, qu’on ait raison : j’ai hâte de voir si tout le monde va venir. Mais le fait de découvrir quelque chose de nouveau, je trouve ça génial. »

Merci Kenny, et rendez-vous du 13 au 15 décembre à Sepang !

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