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5 septembre 1993. Dans le bac à gravier du virage 1 du circuit de Misano, un destin venait de basculer. Une carrière de s’arrêter. La face d’un sport de changer.

Wayne Rainey était gravement touché. Le natif de Downey en Californie, qui a passé toute sa vie sur des motos, est entre la vie et la mort. Entre temps, son coéquipier Luca Cadalora fête sa victoire, devant des tifosi en fête. Il devance de peu Mick Doohan et Kevin Schwantz et ce dernier ne le sait pas encore, mais c’est à partir de maintenant que son unique sacre mondial prend forme. La carrière de son rival pour le titre s’était éteinte ici même. Mais quelle carrière.

L’héritage laissé par le Californien est immense. En 1988 Dès sa première année en 500CC, catégorie reine, il termine troisième avec un style de pilotage impressionnant venu des États Unis, fluide, mais toujours à l’attaque. Son coéquipier, Kevin Magee, finit lui cinquième. Sur l’exercice 1989, il termina cette fois deuxième, derrière son compatriote Eddie Lawson. Mais son talent crève l’écran : l’association avec Kenny Roberts et Yamaha marche fort, et à 29 ans, il s’affirme comme le futur de la catégorie. Il remporte les titres 1990, 1991 et 1992 en jouant d’une régularité remarquable.

Rainey à Laguna Seca en 1990, sur le chemin de son premier titre mondial. Photo Stefan Isaacs

Si Doohan ou Schwantz poussaient de plus en plus, Rainey s’affirme par son style, par sa détermination et sa capacité à se surpasser pour rester devant malgré une machine qui commençait à décliner début 1993. D’ailleurs, à Misano, il a déclaré lui même qu’il poussait très fort, peut être trop fort pour rester devant. Le circuit de Misano était alors un circuit atypique : il tournait dans le sens anti-horaire (inverse au sens actuel), ce qui avait tapé dans l’œil de Rainey des ses premiers tours de roues en Europe au milieu des années 1980. Circuit avec beaucoup de virages à gauche (comme sur les tracés de dirt track), il lui plaisait particulièrement, et avait déjà remporté l’édition 1990.

Comme un symbole, Wayne Rainey est tombé en étant en tête, sur la Yamaha YZR500 frappée du numéro 1. Une place de n°1 qui allait rester vacante, une place dans l’histoire qui allait être concédée à un autre guerrier. Mais aucun de ces champions ne peuvent nier que Rainey n’aura pas tout donné pour ce numéro. Quelque chose, dans l’histoire, avait changé ce jour là. Un monstre sacré n’était plus de la partie. En une fraction de seconde, le cours des éventements est altéré. Dans l’incapacité de mouvoir ses membres inférieurs, Wayne est d’abord pris par une douleur incroyable, comme si un trou de la taille d’un ballon de football était béant, au milieu de sa poitrine. Il s’était déjà fait mal auparavant, mais jamais comme ceci. Le triple champion du monde lutte autant qu’il peut, car il est un champion. Un des plus grands champions.

Doohan, Schwantz, Rainey (n°1) et John Kosinski à la bataille au Grand Prix du Japon 1991. Photo : Rikita

Après une convalescence bien plus courte que prévue, il surprend tous les médecins américains en montrant des brillants résultats en rééducation, alors que celui ci devait réapprendre des choses, que l’on n’assimile qu’une fois dans une vie. Il ne remarchera plus jamais, certes, mais sa motivation l’emmènera très loin malgré tout. Il sera de retour dans les paddocks moins d’une année après ce triste 5 septembre. Impliqué dans les championnats américains de vitesse et leur éclosion jusqu’aujourd’hui, nous pouvons encore l’apercevoir sur certaines courses, témoignant d’une passion rare.

Rainey à Suzuka en 1992. Photo : Rikita

Wayne Rainey était ce genre de pilote, un compétiteur, un passionné, qui ne lâchait jamais rien. Une mentalité de champion et un style de pilotage façonnée par des dizaines d’années de dirt track, à tout niveaux dans son pays natal. C’est ce talent intemporel, que personne n’a oublié tant il a marqué l’histoire, de ses six années au plus haut niveau. Un des symboles de cette génération dorée américaine, qui marqua au fer rouge notre sport, et écrit parmi ses plus belles lettres. C’est une maestria, qui ne se décrit pas par les mots. Tout ceci s’arrêta d’un seul coup, sans prévenir, un de ces 5 septembre… maudits.   

© Crédit photo couverture: MotoGP.com