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Lors des tests MotoGP de pré-saison, nous avons pu rencontrer Piero Taramasso, Manager Deux-roues Michelin Motorsport, pour lui poser quelques questions sur la saison passée et celle à venir.

Sans incident particulier, le bilan 2018 apparaît globalement très positif pour Michelin, ce qui n’empêche pas le manufacturier clermontois de préparer quelques nouveautés pour la saison 2019 dont nous vous offrons la primeur ici

Cette saison 2018 a connu beaucoup plus de Grands Prix sur le sec que l’année dernière. Cela a-t-il permis de battre de nombreux records et, plus globalement, peut-on tirer un bilan de cette saison ?

Piero Taramasso : « c’est vrai qu’on a eu pas mal de courses sur le sec, et on a eu aussi beaucoup de grosses chaleurs, comme à Brno ou au Sachsenring, dans des pays où il ne fait pas normalement aussi chaud. On a rencontré des températures de piste de 40, 50, et même 60° en Thaïlande. Mais comme le temps était sec, cela nous a permis de battre des records, ce qui était un peu l’objectif de cette saison avec la stabilisation. Nous tenions à avoir une gamme stable de pneus et ne pas faire de changements durant la saison. On a battu des records au Qatar, au Mugello, à Barcelone, à Misano, donc sur plusieurs circuits, et cela a vraiment été une saison positive. Lors des derniers Grands Prix, comme à Sepang, cela a été de très belles courses où les pilotes ont pu attaquer du début à la fin, avec une durée de course 5 secondes plus rapide comparé à l’année précédente. C’est vraiment ce que l’on recherche : donner des pneus qui ont du grip, mais du grip pendant toute la course !
Ça, c’est notre plus beau résultat, mais si je peux me permettre, je peux dire que cela a été une saison positif puisque tous les pilotes et tous les teams nous ont demandé « s’il vous plaît, pour l’année prochaine, ne changez rien ! Les pneumatiques fonctionnent bien, nous avons un bon feeling et nous sommes contents ». On a accepté leur demande et en 2019, nous aurons les mêmes carcasses et les mêmes profils 2018, et on fera juste quelques petits tuning au niveau des mélanges de gommes ».

Ce que vous faites cet automne, aux tests de pré-saison à Valencia et Jerez ?

« Oui, pour l’arrière on va essayer de tester un soft avec une nouvelle technologie qui donne plus de grip et plus de constance, et un hard un peu plus dur avec toujours la même technologie visant le grip et la constance. Pour l’avant, mais ce sera testé en 2019, on va essayer des mélanges qui sont situés entre le médium et le hard. Sur plusieurs circuits, on s’est rendu compte qu’il manquait quelque chose entre médium et hard, car certains pilotes avaient la perception que le médium était trop soft mais ils n’arrivaient pas à exploiter le hard. On va donc faire quelque chose d’intermédiaire.
Et pour les pneus pluie, on va travailler sur un mélange arrière extra soft, pour utiliser dans des conditions comme à Valence, où il faisait froid et il y avait beaucoup d’eau, Silverstone, ou Misano où il y a très peu de grip ».

Pourquoi la décision réglementaire de devoir annoncer en début d’année les pneus que vous allez utiliser durant toute l’année, et est-ce que cela ne vous handicape pas ?

« La décision correspond à cet esprit de stabilité : les teams et les pilotes aiment connaître bien à l’avance les pneus que l’on va proposer à chaque course. Ils peuvent ainsi commencer à préparer les motos, les stratégies, les réglages et l’électronique. Dans le passé, on développait et on changeait souvent les gommes, les pneumatiques, et quand on trouvait une bonne solution, on voulait tout de suite l’introduire au Grand Prix d’après. Les pilotes et les teams étaient un peu déstabilisé et ils ont donc demandé ce point de règlement. On a répondu positivement mais, pour nous, c’est pénalisant. C’est vrai que ça nous pénalise parce que, en février, en mars, on ne sait pas quel temps il fera durant l’année. Avant, on choisissait un mois à l’avance : on regardait un peu la tendance météo pour anticiper les températures. Là, on ne peut plus, donc le risque de faire une erreur dans le choix des gommes est plus élevé ».

Il existe néanmoins une petite souplesse puisque l’on a vu que, ponctuellement, vous offriez 4 sortes de pneus au lieu des 3 habituelles…

« Ils nous autorisent surtout à amener le 4e pneu quand ce sont des nouveaux circuits où des nouveaux revêtements. Par exemple à Silverstone, c’était après un resurfaçage et on n’avait pas fait de tests. Donc dans ces cas-là, on peut amener une 4e spécification. Pareil en Argentine et à Barcelone, après un resurfaçage. Sinon, c’est 3 spécifications, et avec cela on essaie de couvrir toutes les conditions possibles, du froid au chaud, avec plus ou moins d’usure. On essaie d’anticiper. Ce n’est pas facile, mais maintenant on a pas mal de datas : on a les informations récoltées durant 3 saisons, et avec ça, je pense que l’on peut bien faire. Il y a moins de stress mais on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Par exemple, comme en Thaïlande. On y avait fait des essais en février et on avait 48° au sol. Tout le monde nous a dit « quand vous allez revenir pour la course, il fera plus froid car c’est la saison des pluies ». En fait, cela a été l’inverse et la piste était à 60° ! Donc 12° de plus, ce qui change beaucoup pour les pneumatiques. En plus, la piste avait beaucoup moins de grip. On ne savait pas pourquoi mais l’adhérence était bien moindre, ce qui générait beaucoup plus de patinage, donc on usait beaucoup plus les pneumatiques. C’était limite ! Ça s’est bien passé et cela a été une bonne course, mais on va être obligé de revoir un peu l’allocation pour l’année prochaine ».

Si on devait choisir un point positif pour cette saison…

« Je dirais qu’à chaque fois, que les conditions aient été sèches ou de pluie, les pneumatiques ont toujours bien performé, mais au-delà de ça, il y a eu des courses, comme par exemple à Barcelone, les 6 spécifications que l’on a amenées ont été utilisées en course. C’était aussi le cas à Austin, en Autriche et à Misano. Ça, ça veut dire que tous les pneumatiques fonctionnent, et que chaque marque, chaque moto, chaque pilote, trouve vraiment le pneu qui lui convient ! C’est aussi pour ça que l’on a pu voir des vainqueurs différents et des podiums constitués de 3 marques différentes. C’est donc la preuve que même avec un manufacturier unique, avec les mêmes pneumatiques, il y a quand même du spectacle et tout le monde a la possibilité de gagner ».

Un point négatif ou à améliorer…

« C’est toujours la question la plus difficile (rires). Une chose que l’on pourrait améliorer est la quantité des pneus pluie. Si la piste reste mouillée pendant les 3 jours, on peut parfois être un peu juste en nombre de pneus. C’est fixé par le règlement mais, justement, on est en train d’en discuter pour essayer de faire évoluer ce point pour l’année prochaine. On est partant pour fournir un pneu avant supplémentaire et un pneu arrière de plus. Car s’il pleut durant les 3 jours, comme c’était le cas à Motegi l’année dernière, les quantités dont on dispose aujourd’hui sont un peu juste. Je dirais qu’on peut améliorer ça, et qu’à 99 %, cela va changer ».