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Alors que la saison 2022 approche désormais à grands pas, la première manche étant prévue dans précisément deux semaines au Qatar, Wilco Zeelenberg, le team manager de l’équipe WithU Yamaha RNF MotoGP, née cet hiver sur les cendres du Petronas Yamaha SRT, a répondu à quelques questions quant aux objectifs de sa nouvelle structure.

Nous retranscrivons ici l’intégralité de ses propos sans la moindre mise en forme.


Wilco, comment se sont déroulés ces essais de présaison ?
C’est bien sûr un nouveau départ, avec un nouveau groupe, en particulier pour Darryn Binder. Nous avons dû procéder à quelques remplacements dans l’équipe car certains sont partis poursuivre l’aventure avec Valentino Rossi du côté du Mooney VR46 Team. Avec l’arrivée de Darryn, nous avons dû rebâtir une équipe durant l’hiver. Nous avons été très occupés, mais quand vous arrivez sur les essais et que tout est tout de même bien en place, c’est appréciable. Ce fut une bonne chose de commencer le travail en Malaisie, même si la chaleur combinée aux fortes températures ont bien sûr compliqué les choses. En ce qui concerne spécifiquement Darryn nous avons voulu passer beaucoup de temps en piste afin qu’il puisse atteindre le niveau de compétitivité dont il a besoin pour débuter au Qatar.

Dans quelle mesure vos opérations de tous les jours ont-elles évolué depuis le départ de Johan Stigefelt pour l’équipe Mooney VR46 ?
Il n’y a pas de changements majeurs depuis son départ, dans la mesure où il avait essentiellement la charge des catégories Moto2 et Moto3. Gérer l’équipe, inspirer les gars dans leur travail, essayer de les guider dans la bonne direction de sorte qu’ils prennent les bonnes décisions : voilà un peu mes domaines d’intervention, et il n’y a pas eu de grands changements en ce sens pour moi.

Qu’attendez-vous d’Andrea Dovizioso cette année ? La fin de saison dernière a été une période de transition pour lui avec la découverte de la Yamaha…
Andrea fait partie de cette catégorie de pilotes qui vont chercher la limite uniquement une fois que tout est bien réglé comme ils le souhaitent. Si on reprend ce qu’il s’est passé l’an dernier, il a un peu été pris au dépourvu et a remplacé au pied levé Franco Morbidelli, sa venue n’était donc pas du tout prévue. Il s’est en plus retrouvé sur une toute nouvelle machine après avoir passé les huit dernières années sur une Ducati. Cela n’a donc pas été facile pour lui de prendre le championnat en cours de route comme cela, qui plus est sur une machine qu’il ne connaissait pas. Il avait besoin de temps, et de toute façon de notre côté cela nous convenait très bien car cela ne servait à rien de faire des trucs fous. L’essentiel était déjà qu’il nous apporte un regard extérieur sur la Yamaha afin de pointer ses aspects positifs et négatifs, afin de développer la moto d’une meilleure manière à l’avenir.

« L’an dernier, cela n’a pas été facile pour Andrea Dovizioso de prendre le championnat en cours de route »

Dovizioso fait en effet partie des pilotes les plus expérimentés sur la grille. Quel est son rôle dans le développement de la M1 ?
Nos quatre pilotes apportent leur pierre à l’édifice, même si bien sûr Andrea est de loin le pilote le plus expérimenté. C’est très important pour les Japonais de bien comprendre les domaines dans lesquels ils doivent progresser. C’est aussi intéressant pour Fabio Quartararo et Franco d’analyser son pilotage qui peut être différent des leurs.

Pit Beirer [directeur de KTM Motorsport, ndlr] a récemment déclaré qu’une fois le weekend de course débuté, il n’est plus question de développer quoi que ce soit sur la moto. Dans quelle mesure vos pilotes peuvent-ils se concentrer sur leur propre weekend de course plutôt que sur le développement ?
Il est clair que le développement en cours de saison est difficile, car tout est plus ou moins gelé sitôt que vous participez à la première course au Qatar, notamment au niveau du moteur. Mais les retours que les pilotes peuvent formuler sont importants car ils nous sont utiles pour l’année suivante. Après, du point de vue de l’électronique, le développement ne s’arrête jamais, même si ce n’est franchement pas le cas au niveau du châssis et du bras oscillant. Nous essayons donc de nous organiser pour tirer le meilleur parti des essais qu’on peut avoir le lundi des lendemains de course par exemple.

Compte tenu de sa faible expérience et de son passage direct du Moto3 au MotoGP, Darryn Binder va-t-il vraiment être en mesure d’avoir une contribution significative au développement de la moto ?
Les retours de Darryn concernant la moto sont très clairs. Ce n’est pas parce qu’il n’a jamais piloté de grosses motos qu’il ne peut pas être performant, sinon il ne nous aurait pas rejoint. Son âge aide aussi : il a 23 ans, pas 18 ou 19, et il a déjà eu l’occasion de piloter des machines plus imposantes que celles du Moto3, donc c’est un plus. Il est clair que nous devons donc être derrière lui afin de minimiser les risques d’erreur, comme chausser le mauvais type de gommes, ou attaquer au mauvais moment. Si on parvient à faire cela, ce sera déjà très bien. Pour le moment il n’a pas fait trop d’erreurs en piste, ce qui signifie qu’il a la situation sous contrôle. Sachant qu’il vient du Moto3, on peut déjà considérer cela comme une grande réussite.

« Pour le moment Darryn Binder n’a pas fait trop d’erreur, on peut déjà considérer cela comme une grande réussite »

Comment se déroule la relation entre Andrea Dovizioso et Ramón Forcada [chef mécanicien émérite passé par l’équipe officielle Yamaha] dans le garage ?
Ramón, tout comme Andrea, est un gars très expérimenté, c’est quelqu’un de très précis, un perfectionniste je dirais. Il détient une parfaite connaissance de la moto, et il nourrit le désir d’améliorer le package global. C’est très important pour nous de le compter dans nos rangs afin d’améliorer la moto course après course. Il a par le passé travaillé avec des pilotes champions du monde, autrement dit des gars avec qui il n’est pas très facile de travailler. Andrea est lui aussi un perfectionniste, mais il est beaucoup plus accessible. Pour le moment ils n’ont travaillé ensemble que sur quelques courses en fin de saison dernière, ils doivent donc encore apprendre à se connaître, mais ce qui est sûr c’est qu’ils ont déjà beaucoup de respect l’un envers l’autre.

Pensez-vous que vous allez bénéficier des développements réalisés par l’équipe d’usine en cours de saison ?
Nous avons bien entendu reçu la M1 spécification 2022 de la part de Yamaha, en tout cas dans le cas d’Andrea. Nous allons tout faire pour que celle-ci reste au même niveau que le matériel confié aux pilotes d’usine, comme cela a été le cas par le passé d’ailleurs. Certains éléments, pour peu qu’ils soient testés et validés en amont, nous serons directement transférés, mais d’autres pièces nécessiteront plus de temps avant d’être implémentées, telles que le bras oscillant ou bien encore le châssis : en somme des parties de la moto très structurante et qu’on ne peut pas intégrer sur un coup de tête. Quand de nouvelles pièces seront disponibles, Andrea devra bien sûr les essayer avant de les utiliser lors des weekends de course.

Lors du lancement de l’équipe il y a quelques semaines, Dovizioso a laissé entendre que 2022 serait probablement sa dernière saison en MotoGP. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une bonne manière d’aborder le championnat, à plus forte raison quand on voit le niveau de compétition qui règne dans la catégorie à l’heure actuelle ?
Je pense que s’il parvient à tirer son épingle du jeu cette saison, alors il voudra en faire encore une autre. Je pense que c’est difficile pour un pilote de dire avant même le début de la saison ce qu’il fera précisément à l’issue de celle-ci.

« C’est difficile pour un pilote en début de saison de dire ce qu’il fera précisément à l’issue de celle-ci »

La vocation de l’équipe Yamaha RNF est-elle de devenir la pépinière de jeunes pilotes pour pourvoir aux futurs besoins de l’équipe d’usine Yamaha ?
Notre objectif est de mettre de très bonnes motos à disposition de jeunes pilotes, afin que ces derniers viennent jouer des coudes avec les pilotes de l’équipe d’usine. C’est ce qui s’est passé en 2019 et en 2020, et nous en sommes très fiers. Notre objectif est donc de faire cela, mais le niveau est tel en ce moment en MotoGP que croire au fait que nous soyons capables de renouveler ce type de performance alors que nous repartons de zéro en tant que structure est tout simplement irréaliste.
Fabio Quartararo a coiffé la couronne l’an dernier, et nous en sommes très fiers. Nous aimerions vraiment renouveler cet exploit, mais il faut garder les pieds sur terre. On va bien voir, espérons que nous puissions déjà nous montrer compétitifs, car le championnat a beaucoup évolué au cours des trois dernières années. Il y a quelques temps, réaliser une bonne performance pour nous signifiait finir en cinquième ou sixième position, alors que maintenant on est déjà contents de boucler le weekend dans le top 10, voire de finir simplement dans les points. Il ne faut donc pas que nous nous voyions trop beaux, car il y a beaucoup de bons pilotes et d’excellentes motos.

« Croire que nous sommes capable de renouveler nos exploits de 2019 et 2020 alors que nous repartons de zéro, c’est irréaliste »

Vous avez acquis une réputation de dénicheur de jeunes talents. Qu’aimez-vous dans ces défis ?
Je suis dans le paddock MotoGP depuis maintenant pas mal d’années, et j’ai pu endosser tous les rôles possibles et imaginables durant cette période : chef mécanicien, technicien, pilote… j’ai donc une bonne idée de ce que ressentent les pilotes. Typiquement je suis parfois très nerveux lors des weekends de course, et je pense qu’on ne peut éprouver cela que si on a été justement soi-même pilote.

Quelle différence faites-vous entre la situation de Fabio Quartararo il y a trois ans et celle de Darryn Binder cette année ?
La première différence qui me vient à l’esprit entre les deux, c’est le fait que Fabio était plus jeune à l’époque de ses débuts. Son parcours est aussi sensiblement différent : il était au-dessus du lot quand il avait 13 ou 14 ans, mais par la suite il a rencontré davantage de difficultés lors de son adolescence. Mais quand nous l’avons recruté nous savions pertinemment qu’il avait le potentiel pour faire de belles choses. C’est un peu la même chose pour Darryn, il a beaucoup de potentiel et beaucoup de mental. Il est vraiment similaire à Fabio : il a beaucoup de ressources, ce qui lui permet de rebondir même en cas de coup dur. C’est pour cette raison que nous avons décidé de le recruter alors qu’il évoluait encore en Moto3. Nous avons la conviction que nous sommes en mesure de le guider dans le bon chemin pour qu’il soit très compétitif à l’avenir en MotoGP, même s’il y a du pain sur la planche.  

Nous venons de parler de la collaboration entre Andrea Dovizioso et Ramón Forcada, mais qu’en est-il de celle entre Darryn Binder et Noe Herrera, son chef mécanicien ? Les deux sont nouveaux en MotoGP…
Je suis très fier d’avoir Noe parmi nous, car c’est quelqu’un de très expérimenté. Il va pouvoir apporter tout son savoir-faire issu de sa carrière en Moto2, notamment lors de ses deux dernières années au sein de l’équipe KTM Ajo. Darryn et Noe s’entendent très bien. Ils sont tous les deux impatients de faire leurs débuts en MotoGP, et ils ne comptent surtout pas laisser passer cette opportunité passer. Nos attentes sont grandes envers eux, mais ils sont également avides de résultats, et tout se passe bien entre eux jusqu’ici.

En 2020, lors de sa dernière saison chez Ducati, Dovizioso avait rencontré de gros problèmes avec la nouvelle carcasse du pneu arrière. Lors de la présentation de l’équipe il a reconnu que c’était un problème qui perdurait. Avez-vous des idées pour l’aider sur ce point ?
C’est en effet encore un problème le concernant. Ses sensations sont similaires à celles qu’il pouvait avoir en 2020, mais la Yamaha tourne bien mieux que la Ducati, donc il est tout de même bien moins en difficulté. Je n’ai pas de réponse à apporter à cette question, car l’an dernier Andrea nous a rejoint en cours de route et il s’est retrouvé sur une nouvelle moto, et par conséquent il n’est pas étonnant qu’il ait été décontenancé par celle-ci. Cette année il va avoir encore une fois une nouvelle moto entre les mains. Mais ce qui est sûr, c’est que si le problème persiste, nous allons devoir le régler.

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