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Lors de cette nouvelle série d’articles, dont nous ne connaissons par encore le nombre exact, nous allons essayer de retracer ce qui a abouti à la création de l’IRTA (International Racing Team Association), une des quatre entités qui gèrent aujourd’hui le MotoGP avec Dorna Sports, la FIM et la MSMA.

Retrouvez ici la première partie concernant Kenny Roberts, Barry Sheene et le projet World Series

Retrouvez ici la deuxième partie concernant la période des World Series à la grève des pilotes au Grand Prix de France


La grève des pilotes à Nogaro ayant été largement médiatisée, on sait avec une assez grande précision ce qui s’est réellement passé. Ce n’était assurément pas la première (on se rappelle de Charade 1973, Nürburgring 1974, Opatija 1974, Spa 1979), mais celle-ci est plus profonde, dans le sens où elle est motivée par les trois points qui pourrissent la vie des pilotes de l’époque.

Le premier concerne évidemment la sécurité. Malgré les remarques faites à Silverstone l’année précédente, la piste de Nogaro, considérée dangereuse par les pilotes, n’a pas reçu d’améliorations. Elle est bosselée au point de mettre à mal les 500cc d’usine qui ont vu leur poids minimum descendu à 117 kilos.

Les Suzuki sont particulièrement concernées, à commencer par celles de Randy Mamola qui casse ses bracelets et ses repose-pieds : « Ce n’est pas un circuit de Grand Prix, c’est un terrain de cross ! »

Pour Franco Uncini, c’est carrément le cadre qui se rompt, tandis que les adversaires ne sont guère mieux lotis, d’un côté ou l’autre de la limite de la chute malgré des chronos guère plus rapides que ceux des motos privées.

Kenny Roberts, qui avait déjà eu maille à partir avec l’organisation française en 1978 : « ce circuit est indigne d’une course à ce niveau. Aux essais, il était déjà délicat, en course, quand nous serons en paquet, ça va être dangereux. Moi, je m’en vais, ça suffit comme ça de nous prendre pour des pantins ! »

Voilà qui résume la pensée des principaux pilotes 500cc au terme des essais libres, et les usines japonaises, contactées par fax, se montre plutôt solidaires de leurs pilotes. Mais ce n’est pas tout. Face à des concurrents qui occupent de plus en plus de place, le paddock est un gigantesque bazar complètement paralysé où les derniers arrivés ne peuvent même pas rentrer. Les pilotes invoquent le risque d’un incendie général.

Le directeur du circuit, André Diviès, rétorque : « j’ai visité d’autres Grands Prix en 81 pour mesurer les emplacements nécessaires aux différentes équipes mais c’est devenu de la folie : maintenant, ils promènent des maisons avec eux et bientôt ils auront des piscines ! »

Enfin, le dernier point de mécontentement concerne les contrôles administratifs, à l’image du multiple champion du monde Ángel Nieto refoulé à l’entrée du paddock car il avait oublié son laissez-passer.

Peu à peu, les positions se radicalisent et aboutissent la réunion des pilotes de pointe 500cc dans le camping-car de Kenny Roberts. Une lettre sera rédigée et signée par les pilotes, mais ne recevra aucune réponse de l’organisation. En conséquence, « le camping-car de la révolte » quitte tant bien que mal le circuit vendredi après-midi.

 

 

 

Au final, les courses auront bien lieu et cette grève très médiatique laisse un goût un peu amer dans le paddock.

D’un côté Franco Uncini résume l’avis des pilotes concernés qu’ils représentent : « lorsque nous sommes arrivés ici, mardi, nous ne pensions pas au boycott. Nous étions tous venus pour courir. Brenni, le délégué italien, avait promis que la piste serait refaite et cette promesse n’a pas été tenue. Et c’est lors des premiers essais que nous avons découverts que nos 500cc sont inconduisible sur cette piste. Notre sécurité est en jeu, donc nous avons décidé de ne pas courir. Mais il faut que tout le monde sache que nous sommes venus ici pour courir, que nous avons tout fait pour courir, mais que ce n’est vraiment pas possible. En plus, nous ne pouvons pas comprendre qu’avec la présence d’un circuit comme le Paul Ricard, la fédération française décide de mettre le Grand prix à Nogaro. »

De l’autre côté, nombreux sont ceux qui estiment que les stars de la 500 ont poussé le bouchon un peu loin, peut-être manipulés par un Kenny Roberts en contentieux avec le directeur du circuit depuis 1978 pour une histoire de prime de départ. Le rôle d’Ángel Nieto, parfois vindicatif mais également « mystérieusement silencieux » lors du précédent congrès de la FIM à Tokyo, n’est également pas négligeable…

Alain Chevallier : « je pense que c’est lamentable parce que le circuit est tel que nous le connaissions il y a un mois et qu’à partir de ce moment-là, il ne fallait pas venir. Puisque nous avons demandé que la piste soit refaite et que nous savions que rien n’avait été fait, on ne peut pas dire à tous ces types qui sont là et qui ont payé leur voyage : allez vous faire voir. En fait, on s’aperçoit que tout est faussé parce que cela fait l’affaire de certaines usines : Luchinelli est blessé et on s’est aperçu que les cadres en aluminium des Suzuki cassaient sur le circuit bosselé. Si les usines veulent faire des cadres en chewing-gum, c’est leur problème mais une moto de course doit être capable de prendre des bosses. Je ne vois pas pourquoi un GP se déroulerait forcément sur un billard. Si c’était un grand problème de bottes de paille ou de sécurité, je marcherais. Mais nous savions tous ce que nous allions trouver. »

Légitime ou pas, manipulée ou pas, cette grève a toutefois mis au grand jour tous les points de friction qui opposaient à l’époque les pilotes, les organisateurs et la FIM.

Elle fera logiquement la une de tous les magazines mais n’aura finalement toutefois pas d’importantes répercussions à très court terme, la FIM semblant alors davantage préoccupée par le problème naissant des droits télévisés et n’abordant même pas le sujet lors de son congrès d’automne du 20 au 25 octobre à Opatija, se contentant de prendre note d’un rapport établi sur les Grands Prix de Yougoslavie, de Grande-Bretagne, de Suède, de Saint-Marin et d’Allemagne rédigé par un certain Mike Trimby, le délégué officiel de la Hong Kong Automobile Association (HKAA), sur la base des informations fournies par le champion du monde en titre 500, Franco Uncini, délégué des pilotes, dans le but « d’informer par écrit la CCR des différents problèmes liés aux Grands Prix ».

A suivre…

 

Retrouvez ici la première partie concernant Kenny Roberts, Barry Sheene et le projet World Series

Retrouvez ici la deuxième partie concernant la période des World Series à la grève des pilotes au Grand Prix de France