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Le championnat 2016 MotoGP va débuter aujourd’hui au Qatar. Les essais de pré-saison sont achevés et il est temps de faire un bilan visant a cerner les différences fondamentales existantes entre Bridgestone et Michelin, puis un résumé de ce que l’on pouvait observer sur le sujet lors des tests d’intersaison.

Voici la dernière partie de cet “article-essai”, la première se trouvant ici.

Voyons maintenant les forces en présence avant le premier GP de la saison.


Yamaha

Lorenzo s’est particulièrement mis en valeur au cours des essais de pré-saison. Atomique a Sepang, il était moins a l’aise en Australie pour pourtant finir en beauté au Qatar. Si on considère que Lorenzo a été très performant durant les années 2012-2013, l’arrivée d’un pneumatique comportant une carcasse moins rigide ne peut être qu’une bonne nouvelle.

Jorge est un pilote coulé , qui perturbe relativement peu sa moto en freinage/entrée en courbe. C’est aussi un pilote qui a une stratégie connue : toujours le plus vite en action, il aime prendre la tète et imprimer son rythme a la course…

Les Michelin vont sans doute le forcer a revoir cet aspect de son pilotage : en 2014, avec des “Bridge” plus rigides qui chauffaient moins vite, il a chu dès le premier tour, ce qui n’est pas une bonne façon de commencer la saison… !

Mais Jorge en a pris conscience puisque sa simulation de course en 42:46.091 , soit un temps supérieur de 10 secondes au rythme gagnant de Rossi l’an passé, comporte un premier tour lui même plus lent de 4 secondes… Le temps de chauffer avec prudence le pneu avant le plus dur (n°34).

On peut aussi observer que Lorenzo qui a brillé a Sepang, a enchaîné des runs courts…Sous hautes températures mais n’a pas eu la même stratégie par temps frais.

La tentative avec le pneu tendre a avorté suite a la dégradation des performances …

En fait, Jorge voudrait un pneu qui se situe entre le 34 avec lequel il a un bon rythme et du graining et le 36 trop instable dont le comportement devient aléatoire après quelques tours..

Ce désir semble en voie d’être écouté par le manufacturier français qui a communiqué sur la nécessité de modifier son allocation dans ce sens : un pneu tendre renforcé sera proposé lors des essais de la course.

Pour Rossi, cela va être un peu plus compliqué…
Très rapide a Losail usuellement, Valentino s’est trouvé en difficulté lors de ce test : le pneu avant insuffisamment adhérent ne lui permet pas de freiner aussi fort qu’il le pourrait, mais c’est aussi un des rares a émettre quelques réserves sur le train arrière.
De fait, il est tombé dans le virage le plus lent du circuit du Qatar, en low-side du train arrière…(« trop d’angle » selon lui)

Plus que Lorenzo, Rossi aura besoin de progrès de l’électronique pour pouvoir mettre le pneu arrière en contrainte d’une façon qui ,si elle ne lui convient pas mieux, sera plus sure.

Le style un peu plus haché de l’italien : freinage tardif, virage avec légèrement moins de vitesse que Lorenzo, et remise en vitesse plus brutale sur l’angle (ce qui lui a posé quelques problèmes de consommation en 2013, lors de son retour chez Yamaha, puisqu’il était tombé en panne sèche dès l’arrivée passée) met a mal la rigidité du boudin.

Le pneu chauffe et la nouvelle donne électronique ne s’adapte plus tour par tour et c’est un problème qui menace la fin de course de Vale, surtout si le pneu se dégrade un peu.

Sur le circuit low-grip de Sepang, cela ne l’a pas trop gêné , les dérives a hautes vitesses et l’énorme grip du fluide tracé australien n’ont pas perturbé son feeling mais les ruptures de rythme de la piste du Qatar, ont donné de nouveaux symptômes au Doctor…

Cela dit, l’homme a déjà montré qu’il pouvait être surprenant : que va t’ il inventer sur ce GP ?

Monter une jante arrière plus étroite pour « pincer » le pneu ? Nous verrons bien…

Les pilotes tech3 ont une pointe de vitesse inférieure mais ne sont pas loin en terme de rythme, des pilotes officiels :

Pol Espargaro: Qatar race simulation
Difference to Lorenzo after 17 laps: +3.537sec
Difference to Lorenzo after 21 laps: +3.980sec

Vis a vis de Iannone c’est encore mieux :
Pol Espargaro: Qatar race simulation
Difference to Iannone after 17 laps: -6.912sec
Difference to Iannone 17 laps (without slow lap*): -0.348sec

Espargaro est un pilote qui a besoin d’une adhérence conséquente a l’arrière pour aller vite.

Compte tenu d’un staff électronique un peu moins poussé chez Tech3 que dans le team usine, ses résultats peuvent être un indicateur de ce que Yamaha Factory a d’ores et déjà réussi a gagner a ce niveau

Honda

Perdus a Sepang en début de pré-saison , les pilotes Honda se sont ressaisis en Australie, et ne sont pas si mal a Losail…
Ce qui est intéressant, c’est de constater que Crutchlow et Marquez ne sont pas d’accord: pour Marc Marquez,  les Honda pèchent par trop de pertes en sortie de courbe, pour Cal c’est au milieu du virage qu’il y a un blocage dû aux Michelin et c’est cette perte de vitesse qui perturbe les relances de la japonaise vis a vis des autres machines.
Difficile de dire quelle approche est la plus pertinente, sur le terrain les deux pilotes ont souvent eu des résultats assez proches au cours de ces essais.

Concernant le Qatar, Honda avait déjà des problèmes au niveau du train arrière sur ce tracé, du temps de Bridgestone.
Pourtant il faut attirer l’attention sur le fait que le chrono de Marquez, le dernier jour, a été effectué a une heure tardive, avec des conditions de températures et une piste tout a fait rafraîchie…Tout a fait en phase avec les horaires de la course (voire plus tard).

Crutchlow avait peut être raison car c’est après une modification radicale des settings que Marquez a retrouvé le sourire en même temps que le moyen d’utiliser le pneu dur qui correspond a son tempérament de gros freineur…

La Honda n’est donc toujours pas une moto facile et son évolution est bridée par le fait qu’il n’y a que peu de pilotes d’expérience, capables de décrypter son comportement : en effet, Pedrosa avec sa petite taille et son poids réduit, a toujours eu du mal a faire chauffer ses pneus, surtout a Losail, il semble le top pilote le plus affecté par le passage aux Michelin.

Les jeunes pilotes satellites Honda, Rabat et Miller, semblent confirmer cette appréciation: chutes et profondeur de classement…

 

Suzuki

Chez Suz’, il y a de quoi se réjouir, mais aussi, se poser des questions: Vinales entre dans la cour des grands, tandis qu’Aleix Espargaro semble s’écrouler littéralement…

Pourtant, dès Valence, les Suzuki boys ont fait forte impression : est-ce que le pneu arrière plus léger et avec plus de grip gommait les différences de boite seamless, ou favorisait une accélération du bloc japonais jusque là décevant sur ce point, ou le pneu convenait- il mieux au châssis ? En réalité, à Valence, les Suz’ étaient les seules a utiliser l’électronique 2015… Ce qui, sur un circuit manquant de grip, n’est pas un désavantage.

A Phillip Island, Vinales prend la tête ! Certains objecteront que sur ce tracé a fort grip et sans rupture de rythme marquée, l’électronique entre moins en ligne de compte…

Mais au Qatar, Vinales est encore là…
Toutefois, il n’y a pas de simulation de course et la communication est assez pauvre tant sur les succès de Vinales que sur les désillusions de son coéquipier.

Le châssis 2015 est ici aussi plus performant que le 2016 bien qu’il y ait au Qatar finalement assez peu de différences…Il faut croire que chez Suz’ les progrès concernant le moteur (distribution mécaniquement variable, et calage Crossplane, comme les Yam) sont les responsables de l’amélioration des performances de la moto…Et de celles de Vinales.

Toutes ces évolutions concernent le même aspect : la progressivité de la réponse moteur, la motricité, éviter de perturber le châssis par les mouvements du train arrière et la nouveauté qui a accaparé Suzuki au Qatar : la boite « full seamless », va dans le même sens.

En fait l’excellent grip du Bibendum arrière convient tout à fait à la Suz’ puisque les résultats ont suivi son adoption , avant la plupart des évolutions mécaniques.

Pour l’avant, on sait que, comme Lorenzo, Vinales a laissé tomber sa simulation de course, étant équipé du pneu n°36 et la moto lourde de son plein d’essence s’avérant « dangereuse » a conduire. Aleix Espargaro, qui lui aime brusquer son train avant en entrée de courbe, est loin d’avoir développé la moindre confiance avec les Michelin.

 

Ducati

Chez Ducati, les vieux modèles font la loi; durant ces essais, les pilotes officiels ont rongé leur frein, les D16GP étant dominées par la GP 15 de Stoner, et même par les GP 14.2 des pilotes satellites…

Pourtant , au Qatar, il y avait un mieux du coté des nouveautés. On aurait pu croire, vu le manque de résultats que Ducati s’était replongé dans une galère coté partie cycle, mais au cours des derniers essais, les pilotes officiels ont relevé la tète après avoir essayé un cadre a l’ancrage d’amortisseur modifié… Pas suffisamment toutefois pour éclipser les performances d’un Scott Redding en pleine forme.

Comme Petrucci, malheureusement blessé très tôt, le pilote anglais rassemble des éléments qui semblent fonctionner avec le pneu français : relativement corpulent comparé au standard du MotoGP, il utilise en plus une moto réputée pour sa réticence en virage mais qui semble avoir trouvé une seconde jeunesse avec Michelin…

Les pneus chauffent et le rythme est impressionnant, et à ce duo, on peut ajouter Loris Baz qui partage un bon nombre de ces conditions…

Il faut néanmoins prendre en compte le fait que les Ducati satellites utilisent l’équipement électronique Magneti Marelli depuis plus longtemps que les concurrents qui sont forcés de l’adopter cette année… L’expérience paye, et c’est là aussi que l’on peut estimer ce qu’il reste a conquérir pour les pilotes d’usine.

En ce qui concerne la D16GP officielle, Dovizioso a communiqué sur des vibrations dues au pneu avant (chattering?) qui disparaissent suivant la dureté de pneu choisie (du 36 au 34). Les Desmosedici ont refusé de fonctionner avec le pneu n°36, préférant la rigidité du 34 et parvenant à le garder en température mieux que la Yamaha de Lorenzo (pas de graining)

Sur le premier GP de cette saison, les Ducati satellites sont bien armées, en tout cas pour faire bonne impression au point de, peut être, perturber les Yamaha et Honda d’usine en début de course.

Les Aprilia semblant être un ton en dessous à ce stade, voilà ce que l’on pouvait dire de ces essais de pré-saison dans cet “article-essai”…

Les seuls changements communiqués par Michelin à propos de l’allocation de la course concernent le pneu tendre qui sera renforcé.

Si tout le monde s’est focalisé sur le pneu avant lors de ces tests du Qatar, il faut noter que ce sont ceux qui maîtrisent le mieux le pneu arrière qui se sont illustré lors des tests d’intersaison : les Ducati satellites, Vinales, Lorenzo…

La fin de course sur pneus usés risque d’être intéressante a ce niveau !