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1985 fut une grande année de sports mécaniques. En Grands Prix motos, un homme s’était décidé à réaliser un exploit surhumain. Un doublé historique, rappelant ceux des mythes Agostini et Hailwood. Remporter, dans la même année, le titre 250cc et le 500cc, le tout appuyé par le HRC.

Tout d’abord, rendons-nous compte du défi. Les doublés ne sont pas rares dans l’histoire, puisque 15 personnes ont déjà réussi à remporter deux titres en une seule année, et ce jusqu’en 1988. Le « roi Ago » est le maître en la matière, avec cinq doublés en carrière (350cc/500cc). Cependant, ceci est à nuancer. La plupart du temps, ces exploits ont eu lieu avant le renouveau des années 1980, le passage à « l’ère moderne », dirons-nous. Ensuite, jamais les cases 250cc et 500cc n’avaient été cochées simultanément.

Freddie Spencer n’est pas un pilote comme les autres. Dès son arrivée à temps complet en 1982, il éblouit la planète moto de son talent. L’américain devient même le plus jeune champion du monde en 1983, seulement un an après ses débuts. Pour ce faire, Honda le met dans de très bonnes conditions. En 250cc, il sera le seul équipé d’une RS250RW, elle aussi sponsorisée par Rothmans. En catégorie reine, « fast Freddie » se voit doté d’une NSR500, la dernière évolution que les autres pilotes de pointe (Randy Mamola et Wayne Gardner) découvriront plus tard dans l’année.

Traditionnellement, la saison commence par le Daytona 200. Dès lors, Spencer fait parler la poudre. Il remporte la catégorie Superbike avec la manière, en remontant tout le peloton. Une performance restée dans les annales, considérée comme l’une des plus grandes sur le tracé floridien.

 

La Honda RS250R-W de 1985, frappée du mythique n°19. Photo : Rikita

 

Le challenge peut donc commencer. Dès l’entame du championnat en Afrique du Sud, Spencer s’impose en 250cc. Il s’agit de la première victoire Honda dans cette catégorie depuis Ralph Bryans en 1967. Vous l’aurez compris, Freddie n’a pas le temps. Cependant, le tenant du titre Eddie Lawson lui résiste en 500cc. Il termine tout de même deuxième.

S’il parvient à remporter la course 500cc en Espagne, le tracé de Jarama lui pose des problèmes en 250cc. Une pauvre neuvième place le fait passer derrière ses rivaux Anton Mang et Carlos Lavado au général. Toujours pas de victoire en Allemagne.

Le défi prend une tout autre tournure. Le début de saison est bon mais courir deux fois dans la même journée est éprouvant. Freddie ne devrait-il pas se concentrer sur une seule catégorie au risque de finir double vice-champion ?

Heureusement, les doutes sont balayés au Mugello. Il devient le premier homme à remporter la 250cc et la 500cc dans la même journée depuis Tom Herron au TT 1976, et Jarno Saarinen en 1973 sur les épreuves plus conventionnelles. L’histoire est en marche.

Le reste de la saison 250cc est inouï. Ce succès sur le sol italien marque le début d’une série d’invincibilité longue de six courses. Une quatrième place au Grand Prix de Grande-Bretagne scelle le sort de la catégorie; Spencer est champion du monde. Immédiatement, il décide d’arrêter de concourir sur cette cylindrée pour se concentrer sur le gros morceau.

En effet, la 500cc est plus relevée que jamais. Eddie Lawson, comme à son habitude, ne lâche rien et fait preuve d’une régularité déconcertante. Spencer est le seul à pouvoir rivaliser; Sarron pointe troisième et ne joue pas dans la même cour malgré une victoire en Allemagne.

Le TT Assen aurait pu être le juge de paix, au vu de l’hécatombe chez les leaders. Heureusement pour le suspens, les trois premiers repartent sans marquer le moindre point. Non loin de là, à Spa-Francorchamps, le championnat évolue. Spencer est désormais bien plus fort que Lawson, ça ne fait plus de doute.

 

Malgré sa moche fin de carrière (pour un pilote de son calibre), Spencer est resté proche des sports motos, mais aussi de la France. Photo : Martin Cox

 

L’officiel Honda s’empare des quatre victoires suivantes, et est sacré champion du monde en Suède, une course avant la fin. Spencer a réalisé l’exploit que l’on pensait infaisable. Par ailleurs, il manquera la dernière manche du championnat en raison d’une blessure au pouce.

Il faut bien prendre en compte la difficulté de la chose. Lawson, en terminant deuxième, a marqué une moyenne de 11,05 points par course (sur une base de 15 points pour le vainqueur), ce qui est énorme pour un vice-champion du monde. Idem en 250cc, où Mang tient une moyenne de plus de 10 points ! Ce tour de force demanda énormément de ressources à « fast Freddie ». Bien trop.

Plus jamais il ne remporta de courses. Cela est difficile à concevoir mais c’est pourtant la dure réalité. De nombreux spécialistes s’accordent à dire que cette saison n’est pas étrangère à la perte de forme de l’américain. Le niveau d’engagement était tel que les blessures, à retardement, s’accumulèrent par la suite. Un retour misérable en 1989 ne changera pas la donne.

Encore à l’heure actuelle, Spencer fait partie de ces « talents gâchés » qui aurait pu régner sans pitié sur les Grands Prix motos. Le sort en décida autrement. Comme quoi, ce n’est pas parce qu’un pilote domine outrageusement, semble voler, immunisé par les dieux du sport, que tout ne peut pas s’arrêter du jour au lendemain.

 

Photo de couverture : HRC 

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