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Début 1979. Le torchon brûle entre Kenny Roberts et la FIM. En cette année, le champion du monde en titre revêt le statut du leader rebelle, prêt à en découdre avec les instances afin d’être plus respectés. Voici l’histoire d’un combat qui transforma à jamais le sport moto.

Revenons un an en arrière. 1978 voit l’arrivée du prodige, qui, pour sa première saison en 500cc, s’empare du titre mondial au nez et à la barbe de Barry Sheene. L’officiel Yamaha est doté d’un talent unique accompagné d’un style de pilotage fin et novateur, directement inspiré des œuvres de Jarno Saarinen.

Belle gueule, rapide et charismatique. Le cocktail parfait pour devenir la face d’un sport bien en retard par rapport à la Formule 1. Il est important de préciser que la F1, championnat de fait concurrentiel, a largement évolué depuis 1973. La mort de Ronnie Peterson à Monza en 1978 contribuera à l’apparition de nouveautés dédiées à la sécurité.

Dans le même temps, les sports motos accusent un retard. Depuis toujours, la discipline est moins professionnelle, moins lisse, mais aussi moins évoluée. Rappelons que le Tourist Trophy figurait encore au calendrier en 1976, bien qu’aucun des cadors du championnat n’y participe. De plus, même en 1979, le championnat « du monde » n’est en réalité qu’un petit championnat d’Europe auquel l’on a ajouté une course au Venezuela. Autrement dit, personne n’a encore eu cette vision au long-terme pour faire progresser les Grands Prix.

 

Photo : Yamaha Community

 

« King Kenny » veut changer les choses, quitte à se brouiller avec les instances. Lors du Grand Prix d’Espagne, une première altercation naquit. Les organisateurs de Jarama refusent purement et simplement de lui verser sa prime de départ. En effet, après avoir manqué la manche vénézuélienne en début de saison, Roberts devait courir pour maintenir son avance au championnat.

Sur Yamaha, il domine la course d’une main de maître (devançant seize Suzuki) mais refuse le trophée du vainqueur. « Vous pouvez le garder. Je comprends que vous ayez besoin d’argent » dira-t-il, ironiquement, au président de la FIM. Ceci lui vaudra une suspension de ses points finalement provisoire. Cet avertissement est loin de décourager le « nain jaune ».

Le 1er juillet, en arrivant sur le tracé de Spa-Francorchamps, les pilotes sont formels : La piste est impraticable. Le tracé avait été resurfacé mais les hydrocarbures nécessaires à la fabrication du goudron avaient été mal dosés, à tel point que les rouleaux-compresseurs eux-mêmes glissaient ! Pourtant, cinq semaines auparavant, les responsables de la FIM avaient donné le feu vert.

Immédiatement, Roberts, Virginio Ferrari, Sheene et Wil Hartog s’insurgent. Les autorités belges, bien embêtées, ont tenu à nettoyer la piste toute la nuit sous la direction du responsable des travaux publics Guy Mathot. Selon les ténors, cela ne suffit pas. Le samedi matin, ces quelques pilotes donnent une conférence de presse exceptionnelle, stipulant qu’ils ne courront pas.

Coup de tonnerre. Peu de temps après, les fans s’insurgent d’une telle issue. Dans les montagnes ardennaises, plusieurs bagarres éclatent et d’innombrables supporters sont arrêtés et blessés. Pourtant, d’autres pilotes (dont les side caristes) maintiennent leur engagement. Dennis Ireland, vainqueur surprise, profite de la situation ubuesque.

 

Photo : Yamaha Community

 

C’en est trop. À Silverstone, ces mêmes pilotes annoncent la création d’une organisation parallèle, les World Series, pour concurrencer les GP dès 1980 ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, le plan de Kenny Roberts était partagé par la grande majorité du plateau.

Les arguments avancés étaient simples : Plus de sécurité, plus de primes et deux catégories. Formula 1 (500cc) et Formula 2 (250cc). Nicolás Rodil del Valle, président de la FIM, est en porte-à-faux. Mis à part des menaces, que peut-il faire concrètement ? Prendre le risque de perdre ses pilotes ? Ou plutôt devrait-il céder du terrain ?

La deuxième option est évidemment choisie. Pour la fin de saison 1979, la fédération mondiale est obligée de lâcher du lest et d’augmenter les primes des participants. C’est une victoire pour Roberts et les autres. En réalité, les World Series n’auraient jamais pu voir le jour bien que le « King » y croyait. Cela servit juste de levier pour faire craquer Rodil del Valle.

Si la sécurité n’est pas encore optimale, les pilotes vivent mieux. Roberts, champion 1979 puis 1980, a changé la face du sport. Bien entendu, d’autres épisodes de mécontentement suivront, en particulier la grève des pilotes organisée à Nogaro en 1982 – elle aussi menée par Kenny – mais globalement, l’environnement est plus sain.

Traditionnellement, l’ère Roberts (1978/1983) fait référence quand l’on évoque « les temps anciens ». Ces années charnières scindent l’histoire du sport moto en deux. D’un côté le Continental Circus et ses folies meurtrières, de l’autre, un sport plus froid, certes, mais bien plus professionnel. En seulement quelques années, « King Kenny » nous laissa une empreinte indélébile, toujours perceptible de nous jours.

 

Un grand monsieur. Photo : Koen Suyk ANEFO

Photo de couverture : ANEFO 

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