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Si Fabio Quartararo et Johann Zarco brillent actuellement en MotoGP, la catégorie la plus élevée de la compétition motocycliste de vitesse, derrière, la relève tarde à poindre et ne repose pour le moment que sur les épaules fragiles de Lorenzo Fellon.

À l’inverse, et comme d’habitude, l’Espagne et l’Italie regorgent de jeunes espoirs s’illustrant déjà en Moto2, Moto3, JuniorGP et autres formules de promotion telles la Red Bull MotoGP Rookies Cup, l’European Talent Cup ou même le MiniGP.

Les causes, que l’on connaît, tiennent essentiellement, à la culture de la moto que ces deux pays ont entretenu après la deuxième guerre mondiale, la France se dirigeant à l’inverse vers l’automobile populaire durant les trente glorieuses.

Au niveau moto, le résultat est donc pour le moment sans appel, et ce malgré les efforts importants produits ces derniers temps par la Fédération Française de Motocyclisme visant à grandement faciliter et à développer la pratique moto de vitesse dans l’Hexagone.

Ces derniers ne porteront sans doute leurs fruits que dans quelques années, et c’est également dans cette optique que s’est développée une initiative à priori intéressante à Belmont-sur-Rance, une commune de l’Aveyron situé à mi-chemin entre Toulouse et Montpellier : la création, pour la rentrée prochaine, d’une section sportive dédiée à la moto de vitesse, autrement dit ce que l’on appelait avant un sport-étude.

Pour en savoir plus, nous avons interviewé Paul Vincent, qui travaille actuellement en Endurance et en Superbike après avoir œuvré en Grand Prix, et qui est fortement impliqué dans ce projet.

 

 


Bonjour Paul Vincent, on a entendu parler d’une initiative intéressante à Belmont-sur-Rance, à tel point qu’on se demande pourquoi cela n’a pas été fait plus tôt ? Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Comment est née cette initiative et quelle est-elle ?
Paul Vincent : « Il y a un an et demi, j’ai commencé à entraîner en vitesse un petit qui arrive du cross sur Albi. De ce fait, en allant une à deux fois par semaine sur le circuit de Belmont, j’ai rencontré le directeur du collège de Belmont qui est juste à côté de la piste de karting et ils avaient un projet de faire un sport-études de karting et force est de constater qu’à force de me voir toutes les semaines avec ce petit, ils se sont demandés si on pouvait faire la même chose en moto. Donc, évidemment, on en a discuté très longuement et le projet est né comme ça. Une telle sorte de projet n’existait effectivement pas en France, mais il fallait vraiment l’encadrer et le faire correctement. On n’a pas le droit à l’erreur ! »

Cela engendre la 2e question : Qui êtes-vous, Paul Vincent ?
« J’ai travaillé en Grand Prix pendant 7 à 8 ans en Moto2 et en Moto3 en tant que data engineer, et pendant 2, 3 ans, j’ai aussi coaché des pilotes en Moto 2 tels que Sam Lowes et Iker Lecuona. Ensuite, depuis 2019, je suis crew chief chez Suzuki en endurance, donc au SERT avec Yoshimura. »

Vous avez la compétence et vous connaissez les pilotes, donc l’idée a germé, mais a-t-elle été difficile à mettre en place ?
« Mettre sur pied un projet comme ça aurait été impossible sans la très grande motivation du Directeur du Collège Saint-Michel de Belmont, Guillaume Bessière. Tout simplement parce que en tant que directeur du Collège de Saint Michel, qui est un collège privé, il est un rouage indispensable du projet, du fait de sa connaissance des arcanes de l’Éducation Nationale. Moi je peux m’occuper de toute la partie moto, mais lui seul pouvait gérer l’aspect scolaire du projet, comment l’intégrer dans son collège, pour des enfants qui vont avoir des âges différents et s’intégrer dans des classes et un cursus scolaire différents, avec un emploi du temps adapté. Donc au final oui, sans un directeur d’établissement qui est réellement motivé par ce projet, cela aurait juste été impossible à mettre en place, tout comme cela aurait été impossible sans l’enthousiasme de Damien Boudarel, le gérant de la piste de karting de Belmont. »

D’accord, donc là, ça représente un travail de combien de temps aujourd’hui ?
« Aujourd’hui, cela fait déjà un an et demi que l’on est parti d’une feuille blanche. »

Peut-on dire qu’aujourd’hui le projet a abouti ?
« Aujourd’hui, dans les grandes lignes, oui, c’est abouti. On a réussi à avoir des intervenants diplômés d’État qui vont s’occuper de faire les cours pour nos deux groupes, le groupe Excellence et le groupe Initiation. Benoît Thibal s’occupera du groupe Excellence, Julien Barthélémy du groupe Initiation. Le groupe Excellence sera vraiment le cœur du sport-études. »

Concrètement, aujourd’hui, qu’est-ce que vous offrez pour la rentrée scolaire en septembre 2023 ?
« Nous proposons une véritable formation pour devenir pilote de vitesse, en plus d’un cursus scolaire normal. Le groupe Excellence aura 5 heures de moto par semaine sur des Ohvale 160 MiniGP, 3h le mardi et 2h le mercredi, le groupe Initiation 1h30 le mardi.
Nous nous adressons à des enfants de la 6e à la 3e, qui pourront bénéficier par ailleurs d’un internat pour suivre le cursus scolaire normal. »

 

 

Cela paraît très intéressant, mais peut-on avoir une idée des prix de ces prestations ?
« Cela dépend de la formule la mieux adaptée à chaque enfant, mais en gros disons que c’est comparable aux formules déjà existantes pour faire 6 courses de MiniGP et 2 ou 3 stages. Sauf que si on fait le calcul, ça fait seulement 6 weekends de 4 heures de roulage approximativement et deux stages, alors que notre formule propose 5 heures par semaines encadrées par des Brevets d’État, la demi-pension, voire l’internat, etc…
Grâce à l’expérience que j’ai déjà du haut niveau avec les Grands Prix et l’Endurance, et tous les pilotes que j’ai pu avoir, je pense très sincèrement qu’il vaut mieux investir dans le fait de rouler avec un encadrement 2 fois par semaine plutôt que d’aller rouler 6 weekends dans l’année pour grosso-modo le même prix. Je considère que, comme dans tous les sports, il faut que les enfants pratiquent plus régulièrement, comme par exemple dans le foot où les gamins jouent 2 fois par semaine. Ce n’était jamais le cas en moto, principalement parce que c’est un sport mécanique, donc ça coûtait excessivement cher. L’idée était donc de trouver quelque chose d’abordable au niveau tarif, mais où effectivement, derrière, on a un vrai suivi et on les entraîne plusieurs fois par semaine, toutes les semaines et toute l’année afin de se donner toutes les chances d’obtenir une vraie progression. Notre réel objectif, c’est ça.
Ils seront suivis également sur la préparation physique. Un médecin du sport, ostéo, kiné, ainsi qu’au niveau nutrition et diététique.  Il faut que, quand ils sortent de là, s’ils doivent devenir des sportifs, ils soient conscients des efforts qu’il y a à faire sur tous les niveaux : Pilotages oui, mais aussi les études, la préparation physique et mentale etc.
L’idée, c’est qu’ils soient suivis de près et qu’on ne laisse rien passer. Si jamais on voit que l’enfant est un peu trop fatigué, on ne l’empêchera pas d’aller faire des courses, mais on le verra et on saura aussi dire “attention” et adapter son programme. Un vrai sport-études, quoi ! »

Les inscriptions sont-elles déjà ouvertes et c’est limité à combien de personnes ?
« Les inscriptions sont ouvertes et c’est limité à 6 enfants en Excellence. En Initiation, c’est déjà plein, et c’est 8 enfants. »

Avez-vous des précisions à rajouter ?
« Je voudrais préciser que si la partie moto est attractive, l’aspect pédagogique est également très important à nos yeux : On ne va pas les laisser tout seul au collège, c’est-à-dire qu’on va évidemment leur faire un emploi du temps adapté pour qu’ils puissent faire du sport, mais on considère aussi qu’il faut qu’ils travaillent autant à l’école qu’à la moto. Ce n’est pas « ils viennent pour faire de la moto et on laisse le collège de côté” ! Au contraire, ce n’est pas du tout l’idée de ce sport-études ! On les prend en charge au niveau scolaire, donc on va exiger d’eux qu’ils travaillent à l’école et qu’ils aient des bonnes notes. On ne veut pas qu’ils laissent de côté la partie scolaire, aussi parce qu’avec tous les pilotes de haut niveau avec qui j’ai travaillé, il y en avait qui n’ont peut-être pas réussi à aller là où ils auraient pu aller, parce que derrière il y avait souvent un manque de motivation dans le travail et dans l’effort, à maintenir dans le temps.
Mon observation sur les pilotes de haut niveau, ou un sportif, c’est quelqu’un qui d’une façon générale dans la vie a une analyse objective de sa performance, en étant un peu dur avec lui-même. Et c’est quelqu’un qui a une bonne combinaison entre motivation et analyse, mais je me rends compte qu’avec le temps, c’est plutôt l’endurance de la motivation qui est importante plutôt que l’intensité de celle-ci. C’est à dire quelqu’un qui est capable d’avoir un projet et d’aller au bout. J’ai vu beaucoup de gars échouer qui avaient beaucoup de talent, mais qui n’étaient pas prêts à maintenir l’effort. Pourquoi ? L’effort qui n’accompagne pas le talent fait dépérir celui-ci petit à petit. Ce qui est dur quand tu es coach, c’est quand tu te rends compte que ton pilote n’a pas la capacité de maintenir son effort, tu perds confiance en lui. Mais ceux qui ont cette capacité d’endurance font une différence énorme à 18-20 ans.
D’autre part, nous sommes très contents d’avoir Gregg Black comme Parrain. Pourquoi Gregg Black ? C’est un des pilotes avec qui je travaille ces dernières années et avec qui nous avons été deux fois champion du monde d’Endurance, mais surtout on voulait quelqu’un qui représente notre école. Gregg, c’est quelqu’un qui a du talent sur une moto, c’est vraiment un excellent pilote, c’est évident, mais c’est aussi quelqu’un qui sait se remettre en question en permanence. Pour moi, sa grande force c’est, sa remise en question et son travail. Depuis que je travaille avec lui, il travaille énormément pour progresser sur lui-même, il prend beaucoup de notes, il travaille chez lui, il s’entraîne dur, et c’est cette attitude-là, ces valeurs-là, qu’on a envie de donner comme exemple aux enfants. Nous sommes donc ravis qu’il ait accepté ce rôle de Parrain, et déjà impatients de l’accueillir deux fois dans l’année. »

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