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Si vous écoutez un pilote débriefer avec son équipe dans un box pendant un weekend de course, vous entendrez invariablement un commentaire sur le chattering. C’est l’ennemi le plus fourbe pour un pilote car il prive de confiance. Avec la moto qui a tendance à danser sous le pilote, il ne peut pas ouvrir l’accélérateur et le problème persiste plus longtemps.

Mais qu’est-ce que le chattering exactement ? C’est un déséquilibre harmonique créé par les vibrations et les fréquences sur une moto. L’homme et la machine doivent être en parfaite harmonie pour faire de la course, mais parfois, l’harmonie imparfaite des fréquences peut tout bouleverser.

Le mot chattering est très utilisé, mais la plupart du temps, il n’est pas strictement exact. Il est appliqué à tout ce qui tremble et vibre, mais dans le sens originel, le chattering a été causé par le pneu avant ou le pneu arrière (voire les deux). Les améliorations concernant les pneus ont éliminé une grande partie de ce phénomène.

Néanmoins, il semble y avoir maintenant une plus grande variété de types de chattering. Les nouvelles formes de chattering sont à une fréquence plus faible, et peuvent parfois être un mouvement de rebond entre l’avant et l’arrière de la moto, comme nous le voyions dans le passé. La vidéo de Pol Espargaró en Thaïlande est un bon exemple, où il a subi des chattering horribles et a dû rattraper la moto sur son coude.

Mauvaises ondes

Avec un pilote qui se bat pour la victoire, il fait tout ce qu’il peut pour s’assurer que pendant qu’il est sur la piste, il extrait chaque dernière once de performance de son vélo. Le seul problème est que la moto est finalement une boite soumise à des vibrations qui abrite un moteur fonctionnant à plus de 15 000 tr/min sur un circuit cahotique avec un pilote de 70 kg qui passe son temps à sauter d’un côté à l’autre.

Le pilote pousse aussi fort que possible, essayant d’aller vite. Mais cela les plonge profondément dans le territoire des oscillations. En effet, plus vous poussez fort sur un pneu, plus il glisse au lieu d’enrouler simplement dans le virage. Même une légère dérive est en fait un enchaînement de séquences de glisse et d’adhérence.

Cette séquence de glisse-adhérence crée une vibration à une certaine fréquence, qui se déplace du pneu vers la moto, et y est généralement atténuée par les fréquences des autres composants de la moto, en particulier grâce à la fourche et l’amortisseur. Si vous n’avez pas de chance, cette fréquence coïncide avec la fréquence inhérente de la moto (la somme de nombreuses fréquences individuelles pour chaque composant de la moto) et ces deux vont commencer à résonner en harmonie et à s’amplifier.

Ces vibrations et mouvements ont tous un effet sur les performances et s’ils ne sont pas traités correctement, ils peuvent ruiner un weekend, voire une saison. La course est une question de compromis. Les motos doivent être rigides mais souples. Elles  doivent être indulgentes mais aussi affûtées comme des rasoirs.

Fréquence de résonance

Le chattering est l’ennemi de cette condition, mais quelque chose qu’une équipe doit constamment avoir en tête. Chaque objet dans le monde a une fréquence lorsqu’il est frappé. Il faut d’abord comprendre ce qu’est une fréquence d’oscillation : la fréquence est le nombre de fois qu’une oscillation (ou cycle) se produit par unité de temps (ou période). Plus les oscillations sont rapides, plus la fréquence est grande. La fréquence est mesuré en Hertz (Hz) : 1 000 Hertz = 1 000 « oscillations » par seconde. Ci-dessous, la représentation d’oscillations, classées (de haut en bas) de la fréquence la plus faible à la plus élevée.

 

 

Les instruments de musique nous donnent le meilleur exemple de la façon dont ceux-ci peuvent affecter une moto. Si vous pincez une corde de guitare, elle libère une note de musique. La guitare peut libérer des fréquences sur une plage énorme, environ 1 300 Hertz.

Si vous jouez de la guitare et sélectionnez des notes au hasard sur le manche, vous pouvez entendre les différences entre l’une et l’autre. Vous le ressentez aussi car les vibrations provoquent la tonalité de la note. Beethoven était sourd mais pouvait toujours ressentir la musique de ces vibrations (N’allez pas penser qu’un pilote aveugle puisse battre Marc Márquez…).

Une moto est dans ce sens similaire à un instrument : les vibrations provoquées par le moteur ou l’environnement créant chacunes leurs propres notes. La clé pour un fabricant est d’éviter les fréquences qui provoquent une résonance dangereuse. C’est l’effet naturel des harmoniques avec leur fréquence amplifiée.

C’est un peu comme quand vous mouillez votre doigt et le glissez autour du bord d’un verre à vin. Le verre va commencer à vibrer, ce qui crée un son aigu. Dans le cas d’une moto, le pilote peut ressentir une vibration à haute fréquence dans son dos ou dans ses mains, tandis que la moto élargit en virage.

 

Lorsque l’on frotte notre doigt dessus, selon la fréquence, le verre peut produire un son mélodieux ou se briser

 

Chaque objet a des fréquences de résonance naturelles qui peuvent les amener à amplifier la fréquence. Des ponts et des bâtiments se sont effondrés à cause de ce phénomène – c’est pourquoi les armées doivent cesser de marcher au pas sur un pont par exemple – et ce pouvoir destructeur a le même effet sur une moto. Il la fait vibrer et se déplacer sous le pilote.

 

En 1850, le pont de la Basse-Chaîne à Angers s’effondra, à cause d’un phénomène de résonance. 225 soldats furent tués lors de l’effondrement de ce pont.

 

Cela commence dans le pneu comme une vibration, et doit résonner avec les autres fréquences de la moto pour créer du chattering. La raison pour laquelle tout le monde ne souffre pas de ce phénomène alors qu’ils ont tous les mêmes pneus, c’est parce qu’ils pilotent tous des motos différentes. La KTM de Pol Espargaró n’est pas réglée comme celle de Miguel Oliveira ni de Brad Binder, et est différente d’une Honda, Yamaha, Suzuki, etc.

Une solution miracle ?

Ce chattering se produit lorsqu’il y a relativement peu de « tension » sur la moto. Il commence souvent juste après que le pilote a relâché la pression de freinage, et disparaît dès qu’il ouvre à nouveau les gaz. Donc surtout pendant la phase de transition. Il coûte du temps au tour, mais cela ne vous fait normalement pas tomber.

Le remède le plus simple pour cela sur une moto ? Modifiez la fréquence en enroulant avec l’accélérateur ou en ajoutant une touche de frein. Garder la tension sur la moto plus longtemps ou utiliser une trajectoire différente peut faire une grande différence. Souvenez-vous des photos de Rossi, où vous pouvez le voir toujours tenir le frein avant alors qu’il commence déjà à ouvrir la poignée des gaz ? Un pilote comme Lorenzo aurait plus de problèmes que quelqu’un comme Stoner ou Márquez.

En jouant de la guitare et en remontant les doigts le long du manche, vous augmentez la tension sur la corde et changez la fréquence. L’objectif sur une moto de course est de resserrer la corde en accélérant et en forçant le centre de gravité à l’arrière de la moto. Plus facile à dire qu’à faire pour un pilote avec la moto entre les jambes qui réagit au chattering et à tendance à s’écarter de la trajectoire…

L’ouverture des gaz pourrait cependant aggraver les choses et entraîner un crash. Le remède peut être pire que le mal… Parfois, juste sortir du chattering et tenter de rattraper la perte de temps est la meilleure option.

Des expérimentations en amènent d’autres

Dans l’ère actuelle de l’aérodynamique en MotoGP, la clé peut provenir des carénages. Les ailerons ou winglets en fibre de carbone ultra légers sont essentiels à la performance, mais selon la façon dont le vent frappe le carénage, cela peut avoir un effet important sur ce qui se passe avec la moto. Nous avions abordé l’avantage aérodynamique des ailerons, mais l’air se déplace-t-il proprement sur la moto ou provoque-t-il un effet en aval sur une autre partie, tel qu’un vortex ?

Comment pouvez-vous réduire les effets du chattering ? Il existe de nombreuses façons de le contourner, allant du style de pilotage et du positionnement du corps sur la moto, aux équipes ajoutant des masses sur différentes parties des motos pour tenter d’éviter que les fréquences de certaines parties soient éliminées, à l’instar de Ducati et de leur Salad Box. Cela équivaut à ajuster votre style sur la guitare. Au lieu d’un jeu dur, vous pouvez réduire la force et tout à coup les notes sont les mêmes mais elles sortent plus propres.

Il n’y a cependant aucune garantie. Le problème est qu’une solution pourrait fonctionner aujourd’hui mais pas demain. Vous voulez réduire les chances de démarrage de la résonance, mais il y a des centaines de composants impliqués.

Un chef d’équipe se bat constamment pour essayer de faire sortir les plus belles notes de son instrument. Parfois, cela signifie avoir des discussions difficiles avec son pilote, mais dans la plupart des cas, il s’agit de trouver un compromis.

Sources : GPOne, MotoGP.com et Mottomatters

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