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Trouver des mots pour rendre hommage à celui que nous avons côtoyé au quotidien durant ses dernières années est un exercice ni facile ni satisfaisant.

On pourrait tenter de décrire sa modestie, sa gentillesse, sa politesse, son immense savoir et son non moins immense courage, ou essayer de retracer sa carrière de plus de 50 ans sur tous les circuits du monde lors de plus de 1200 déplacements, mais tout cela serait forcément incomplet et très réducteur.

Alors, nous avons choisi trois documents qui résument et expliquent assez bien l’ami qui vient de nous quitter.

Le premier, un texte de Jacques Bussillet, raconte en détails comment Philippe est devenu le journaliste que tout le petit monde de la moto a ensuite connu.

Le deuxième illustre parfaitement son incroyable humilité, à l’occasion des histoires qu’il narrait sur le forum pit-lane.biz.

Enfin, le dernier, une vidéo qu’il avait eu plaisir à faire avec David Dumain, donne une idée du savoir qu’il possédait et du personnage modeste et courtois qu’il était.

Merci à tous ceux qui nous ont fait part de leur tristesse et de l’estime qu’ils portaient à Philippe.


Philippe était avare de confidences, il se livrait rarement.
J’ai une manie : Quand je téléphone, j’ai souvent un papier et crayon sous la main. Je note tout. Bref un jour Philippe m’appelle et me raconte comment il s’est passionné pour la moto. Ce texte est dans mon ordi depuis des années, je voulais qu’il m’en dise plus mais on s’est tant côtoyés à partir de notre rencontre à Imola qu’il ne voyait pas l’intérêt d’en rajouter.
Rien que pour vous, le coup de foudre de Philippe pour la moto

« Mon père était ouvrier, moi je me suis retrouvé sur une chaîne d’embouteillage à Bercy. Je devais avoir 16 ans, c’était dur… On embauchait à 7 h le matin, on sortait à sept heures le soir. En principe ça sonnait à 5 heures, moi j’étais crevé, j’en pouvais plus, mais une chaîne s’arrête s’il manque un poste. Les gars me disaient : « Petiot, nous a des femmes et des gosses à nourrir, faut qu’on fasse des heures supplémentaires, alors tu peux pas quitter ton poste, tu restes avec nous » et je sortais tous les soirs crevé, t’imagine pas. »

« Ma mère était secrétaire pour une association dans un immeuble de bureaux dédiés aussi à des associations. Comme ce n’était pas loin de l’Équipe, vers le Faubourg Montmartre, il y avait l’association des journalistes sportifs, et régulièrement la secrétaire disait à ma mère « On a des billets pour du volley, pour du foot ou du basket », mais ça nous branchait pas trop. Et puis un jour elle a proposé des billets pour Montlhéry, alors avec mon père on a dit « ça c’est chouette » et on y est allés sans même savoir ce que c’était. »

« La course nous intéressait pas trop, mais mon père nous y avait emmenés en nous disant que ce serait une chouette balade dans les bois autour du circuit. En fait, c’était les 10 heures de Montlhéry auto. On a pris le bus place d’Italie direct à l’entrée du circuit, et puis on a pris une passerelle au dessus de la piste, et là j’ai vu passer un bolide rouge à une vitesse inimaginable. Juste après, j’ai vu qu’il y avait un virage et je me suis dit « le mec est dingue, il va se foutre la gueule en l’air », mais j’ai entendu « blam blam blam », il a rentré des vitesses et a tourné d’un seul coup. Avant que j’aie eu le temps de m’en remettre, un truc blanc est passé encore plus vite, je me suis dit le premier a eu du pot, celui là il tourne pas, le bruit était un peu différent, mais ça a fait « blam blam blam », et la bagnole a tourné pareil. Et puis il y en a eu une verte, une bleue, j’ai appris après qu’on avait vu une Ferrari, une Porsche, une Jaguar et une Française, et j’ai dit à mon père « allons voir ces trucs de près, ça m’intrigue ».

« Donc, au lieu de partir marcher dans le bois, on est revenu vers le milieu puis on est allé voir l’anneau, et là il a commencé à pleuvoir. Une Jaguar arrivait à fond, elle est partie en travers sur l’anneau, elle a percuté une autre voiture puis est partie heurter des commissaires, ça a fait cinq morts. Je me suis dit c’est un truc de dingues, ça mérite pas que des gens se fassent tuer pour ça. »
(Note : ça devait être l’accident du 11 octobre 1964 lors des 1000 km de Paris et non les 10 heures comme Philippe croit se souvenir, où effectivement une Jaguar a heurté une Abarth devant les stands. Le nombre de morts est hélas exact, deux pilotes et trois commissaires.)

« Et puis j’ai eu envie de revoir ça, alors j’ai redemandé des places à la copine de ma mère et on est retourné à Montlhéry avec un copain. C’était Les Coupes de Paris, il y avait des autos et des motos. Les motos ça m’a vraiment botté et je me suis dit faut que je revienne voir ça dans de bonnes conditions. »
« J’avais remarqué qu’il y avait du monde dans les stands : C’est là que je voulais être. Là dessus, j’ai vu une affiche pour le Bol d’Or. Je me suis dit « faut que j’y sois », alors j’ai acheté un Moto Revue et j’ai regardé la liste des engagés, et je me suis dit « faut que j’en contacte un ». J’avais remarqué qu’en auto les gars avaient des panneauteurs, mais en moto, quasiment pas. Donc j’ai décidé de me proposer comme panneauteur à une équipe qui ferait le Bol. Je ne connaissais personne, mais, en lisant les petites annonces, j’ai vu le nom de Tchernine qui vendait une moto de course, une Velocette. Alors, j’ai appelé le numéro et je suis tombé sur sa mère, qui m’a dit de rappeler plus tard. A l’époque elle tenait un petit magasin de plomberie, elle vendait des robinets et des tuyaux de douche, son mari était plombier et ils étaient des émigrés russes. Donc j’ai rappelé, j’ai eu Thierry et je lui ai demandé s’ils avaient besoin d’un panneauteur pour la course. Il m’a dit oui, et c’est comme ça qu’avec un copain on s’est retrouvé dans le noir à se les geler de l’autre coté de l’anneau. Parce que à l’époque le panneautage se faisait avant la chicane sur l’anneau, on devait appeler le stand avec un téléphone militaire pour avoir les renseignements à mettre sur l’ardoise. J’ai donc fait la connaissance de l’équipe de Jet’s Motors qui faisait courir les Norton Gus Kuhn, dont Hubert Soumet avec lequel je suis resté super pote. »

« Et puis j’ai eu envie de tout savoir d’un moteur, alors je me suis engagé dans l’armée pour suivre une formation de mécanicien, et j’ai passé mon CAP de mécanique. Mais j’avais envie de faire du journalisme moto et voilà comment tout a commencé. Je suis parti faire mon premier reportage aux 200 Miles d’Imola en 1972. J’ai réussi à me faire accréditer et j’ai réussi à vendre mon article à un journal belge. Après, c’est venu tout seul. »