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Double dose de plaisir

Partenaire de Valentin Debise, Paddock-GP a pris le guidon des Yamaha R1 et R6 du double leader FSBK au lendemain des courses à Magny-Cours qu’il a toutes remportées. Un privilège doublé d’une curiosité légitime… Pourquoi fait-il cela, et surtout, comment fait-il pour le gérer aussi bien ?

Par David Dumain.

Rien n’est banal dans cet essai. Tout s’est avéré dingue, comme les défis que se lance Valentin Debise chaque année.
L’homme est connu des paddocks de vitesse en France, mais aussi en Allemagne, aux États-Unis, et jusqu’en Grands Prix où il a laissé là aussi son empreinte. Avant d’effectuer deux saisons complètes dans la toute nouvelle catégorie Moto2 en 2010 et 2011, Valentin a connu in extremis la dernière saison des deux-temps dans la catégorie intermédiaire et marqué 18 points en 250. Cette courte immersion dans une catégorie qui a fait partie d’une certaine époque dorée des Grands Prix lui a-t-elle donné l’envie de se lancer sur les traces de Freddie Spencer, le dernier champion à avoir cumulé les titres la même année en 250 et 500 en 1985, sept ans avant la naissance de Valentin Debise ? C’est la question qui nous brûlait les lèvres. La première des mille questions que nous avions à poser au singulier pilote albigeois qui mène actuellement de front les championnats de France Superbike et Supersport… L’intéressé confirme son inspiration des années Spencer, notamment au moment où sa carrière l’a mené jusqu’au pays natal de « fast Freddie », en championnat AMA : « J’avais vu qu’à une certaine époque, les pilotes pouvaient rouler dans les deux catégories et ça m’a toujours intrigué. Je ne comprenais pas pourquoi personne ne le faisait aujourd’hui. Dès que je suis arrivé dans le championnat de vitesse américain, j’ai tenté de rouler dans les deux catégories 600 et 1000 et ça m’a bien plu, même si au début c’était difficile pour moi de changer de moto. Il m’a fallu énormément de temps, mais aujourd’hui ça va… » Valentin a le sens de l’euphémisme, lui qui mène en patron les deux championnats français de vitesse les plus relevés. Au lendemain de l’épreuve de Magny-Cours, cinquième des sept rendez-vous du calendrier FSBK, le pilote Yamaha mène le championnat Superbike avec 39 points d’avance sur Kenny Foray et sa BMW. En Supersport 600, où les Yamaha occupent les 10 premières positions, la domination du phénomène Debise est encore plus flagrante, sa R6 devançant celle de Matthieu Gregorio de 89 points…

Valentin a toujours suivi son propre chemin, qui le mènera de nouveau bientôt en mondial, pour une pige en Supersport à Most ce weekend, avec l’aide du GMT 94. Nous avons répondu avec grand plaisir à l’invitation de Valentin d’essayer ses Yamaha R1 et R6 de FSBK, au lendemain d’une épreuve de Magny-Cours qu’il a menée de la tête et des épaules, remportant les quatre courses de la veille et confortant son avance au classement. L’occasion de faire l’expérience de passer d’une moto à une autre, comme il le fait depuis plusieurs années maintenant, à la manière des pilotes des années 60 et 70, jusqu’au début des années 80 avec l’inoubliable doublé de Freddie Spencer en 1985. Nous avions des tonnes de questions à poser à Valentin, mais d’abord, nous nous sommes rué sur ses motos pour quelques tours de piste à Magny-Cours… Récit d’une expérience aussi singulière que le challenge relevé par Valentin.

« Box 23 ». Le message de Valentin s’affiche sur mon téléphone au moment où quelques gouttes parsèment mon pare-brise. Magny-Cours n’est plus qu’à quelques kilomètres, mais il ne reste plus qu’une heure de roulage. Ça va être tendu… Depuis la veille, j’ai eu un mal fou à couvrir les quelques neuf heures de route (via Toulouse) entre le circuit de Catalunya et celui de Magny-Cours, la faute à ma participation aux 24 Heures de Barcelone, huit ans après la dernière. J’ai pensé renoncer quelques heures plus tôt quand j’enchaînais les pauses sommeil à chaque aire de repos, mais un coup de fil de Valentin m’a revigoré. « On t’a préparé les deux motos avec des pneus neufs… » Une telle offre ne se refuse pas, quand bien même je ne ferais qu’une poignée de tours avec chacune, comme à l’époque bénie où les équipes officielles engagées en Grands Prix invitaient une poignée de journalistes à prendre le guidon des missiles de Rossi, Stoner, Pedrosa et consorts. Nous n’avions que cinq tours autorisés au guidon des Desmosedici, ZX-RR, RC-V et autres M1, mais cinq tours inoubliables, dont nous savourions chaque mètre, chaque seconde. J’étais bien décidé à faire de même au guidon des deux motos installées en tête des deux championnats de France Superbike et Supersport, toutes deux pilotées par le même homme. Et bien décidé à lui poser ensuite ma multitude de questions…

 

 

D’abord, l’essai. La pluie n’était heureusement que passagère. Le temps de renfiler ma combinaison encore odorante de la veille, les trajectoires seront sèches. Le timing est parfait, les pneus sont à température, moi pas tout à fait… Gregory Leblanc jette un œil et propose de me suivre avec sa caméra, « mais il ne faut pas que tu roules sous les 45, je n’ai plus de frein… ». Aucun risque… En onze Bol d’or, dont dix ici-même à Magny-Cours, je ne suis pas descendu souvent sous cette barre. Depuis 2014 et ma dernière participation, les motos et les pneus ont certes fait des progrès, mais j’ai suivi la courbe inverse. Rien de tel qu’une course de 24 Heures pour se remettre dans le bain, et si ce n’est une certaine fatigue, certains automatismes sont cependant revenus au bon moment pour permettre d’apprécier les jouets de Valentin Debise à leur juste valeur. D’abord la R1, qui me dépaysera moins que la R6, après deux tours d’horloge à rouler sur une 1000.

Avant-dernière session de la journée, pas de temps à perdre. Je cale immédiatement… L’embrayage est très sensible. Valentin y accorde une importance particulière, et le change à chaque course, car le règlement Superbike n’autorise pas de préparation moteur comme en Supersport. « Avec l’électronique et les embrayages qu’on doit laisser d’origine en France, la 1000 a été plus compliquée à régler que la 600 » confie Valentin. « C’est plus compliqué d’avoir un bon accord suspensions-pneus-pilote ».

Dès le premier tour, je suis surpris par la facilité de la R1, ainsi que par la puissance de son freinage. Si ma remarque surprendra Valentin quand je lui confierai mes premières impressions, c’est cependant ce chapitre du freinage qu’il relève en premier lorsque je lui demanderai de m’indiquer le point le plus délicat à gérer en termes de pilotage lorsqu’on passe de l’une à l’autre moto. « La plus grande différence au niveau du pilotage entre les deux motos, c’est le point de freinage. Je freinais toujours trop tard avec la 1000, ce qui est compliqué quand on doit l’arrêter avec son poids plus important. J’ai tendance à freiner trop tard, ce qui me fait rater mes points de corde. J’ai dû m’imposer de freiner plus tôt sur la 1000. » De fait, la puissance de freinage me paraît insondable, mais je m’applique à ne pas me mettre en difficulté à Adelaïde, où la R1 suit exactement mon regard. Cette moto paraît réglée au micro-poil, mais Valentin confiera plus tard n’avoir effectué « que quelques clics sur le fourche », s’attachant davantage à régler le frein moteur. « C’est primordial pour moi, plus que le traction control, car c’est ce qui fait tourner la moto. On touche très peu les suspensions en général ». Quelle que soit la méthode, le résultat fonctionne quel que soit le rythme.

La R1 obéit au doigt et à l’œil, y compris dans le secteur très compliqué du 180°, où je change ma trajectoire à chaque tour. Pas simple d’appliquer la méthode décrite de manière simplissime par Valentin : « Avec la 1000, il faut essayer de casser les virages, même parfois en exagérant, pour passer le moins de temps possible sur l’angle ». Pas si simple, car l’arrivée de la puissance reste un moment délicat, malgré l’électronique qui veille. Le quatre-cylindres cross-plane Yamaha tracte méchamment et écarte ma trajectoire à l’accélération, de sorte que je dois corriger en permanence mes trajectoires en réduisant les gaz ou en appuyant sur le frein arrière. Les virages serrés d’Adelaide et du Lycée me posent problème. Dois-je les négocier en première ou en deuxième ? Ce sera peut-être plus facile avec la 600…

 

Lorsque j’interrogerai plus tard Valentin sur le sujet, il conviendra que la gestion des braquets est l’une des plus délicates à gérer lorsqu’on s’engage dans deux catégories, en raison de ce qu’il appelle la « philosophie » de pilotage : « Sur un circuit comme Magny-Cours, avec la 1000 je vais tirer un braquet plus long pour arrondir les virages car on passe beaucoup de temps sur l’angle. A Pau aussi, je tirais un braquet assez long sur la 1000 pour être entre la première et la seconde, mais c’était plus compliqué, parce qu’avec la 600 j’avais adopté un braquet très court pour être entre la deux et la quatre. Il y a un virage que je passe en deux avec la 1000 et en quatre avec la 600. Mais cela dépend aussi de la philosophie que je veux adopter sur l’une ou l’autre moto, car en passant de l’une à l’autre, les trajectoires changent, les points d’accélération, les points de déclenchement. En fait, il y a beaucoup de points différents à gérer, mais ici à Magny-Cours, ça allait à peu près. » Avec quatre victoires en autant de course, on veut bien le croire…

 

 

La faculté d’adaptation de Valentin est impressionnante. Je vais pouvoir juger de la mienne en passant de la R1 à la R6. Et la claque sera impressionnante. Complètement déconcerté par la différence de puissance, j’éprouverai les plus grandes difficultés à trouver mes trajectoires. Idem pour les freinages, que je déclencherai au même endroit qu’avec la 1000, sachant pertinemment la marge folle que je laisse à chaque fois, que le quickshift me rappellera cruellement au moment de rentrer les rapports. Cette R6 paraît avoir un potentiel incroyable, mais je ne parviens pas à l’exploiter. Je décide de ne plus regarder le chrono embarqué pour me concentrer sur le pilotage. L’effet déceptif du manque de puissance s’atténue, j’essaie de rentrer plus vite en courbe, notamment au 180°… mais je tâtonne encore malgré la précision de la moto. Ce passage de l’une à l’autre moto me perturbe davantage que prévu, même si Valentin m’avait prévenu : « La difficulté, c’est de se recaler entre une moto et une autre, parce que le pilotage entre une 600 et une 1000 n’a rien à voir. Sur la 600, j’ai énormément de vitesse de passage en courbe, alors qu’avec la 1000 il faut plutôt s’arrêter et favoriser la sortie, relever la moto pour passer la puissance au sol. » Cela paraissait simple, dit comme ça…

 

Je finis tout de même par boucler un tour sans hésiter, pour terminer la séance… dans la même seconde qu’avec la R1. J’ai honte. Je me dis que j’ai été mauvais avec la 1000. Que je ne donnerai pas mon chrono dans l’article. Que je menacerai Valentin de représailles s’il le communique… Bref, je suis frustré en rentrant au box. J’ai envie de continuer. Je me maudis d’être arrivé à la fin, alors que plusieurs trains de Michelin m’étaient réservés. J’en oublie presque qu’en une petite heure, j’ai pris un plaisir fou avec ces deux machines. Deux fois plus que si je n’en avais essayé qu’une. Je me dis aussi que je vais changer mon titre, que j’avais préparé avant d’enfourcher les motos de Valentin. « Double dose de vitesse » deviendra « double dose de plaisir ». Je m’excuse auprès de Valentin d’avoir si peu profité de l’opportunité qu’il m’offrait. Il paraît s’en moquer. Il est détendu, comme à chaque fois occasion qui m’a été donnée de le côtoyer. Détendu, mais appliqué à faire les choses correctement.

 

 

On s’installe pour le débrief, sans prendre le temps de nous changer, combinaison sur les hanches. Je lui confie à quel point c’était bon, mais aussi la difficulté de passer de l’une à l’autre moto. Lui commence à en avoir l’habitude, pour avoir pratiqué ce double engagement non seulement en France l’an passé, mais en championnat allemand également l’an passé, ainsi que les années précédentes aux États-Unis. « J’ai fait quatre ans en Amérique et c’était une super expérience, je voulais découvrir la façon dont les mecs travaillaient. J’ai vraiment voulu m’adapter à leur façon de travailler et ne pas reproduire celle dont j’avais l’habitude en Europe. Ça a bien marché parce que j’ai fait l’effort de m’intégrer. Le plus dur est de s’adapter aux motos, aux circuits très bosselés avec beaucoup de chicanes et aux pneus, car les Dunlop qui sont utilisés là-bas n’ont rien à voir avec les Dunlop que l’on a en Europe ou qui sont utilisés au Japon. Je suis donc parti vivre là-bas, j’ai pris une moto d’origine, je suis allé rouler sur des circuits qui n’étaient même pas ceux du championnat pour me mettre dans l’atmosphère de ce qui allait m’attendre, et j’ai essayé d’adapter mon pilotage et ma préparation aux circuits. C’est ce qui m’a permis de réussir à gagner des courses. »

 

 

Les réelles facultés d’adaptation de Valentin ne doivent pas occulter le travail fourni par le pilote albigeois, notamment pour s’adapter aux pneumatiques. Cette journée à Magny-Cours au lendemain du FSBK était notamment consacrée à trouver les bons réglages en Pirelli en vue de la manche de mondial Supersport à Most. Une véritable démarche pour celui qui a fait le pari gagnant de disputer le championnat Supersport 600 avec une machine à la préparation minimale : « Une préparation moteur coûte très cher, plus cher que d’aller s’entraîner sur un circuit. J’ai fait le pari de rester d’origine, en mettant juste un joint de culasse un peu plus fin pour gagner un petit peu de puissance. On a gagné entre 4 à 5 chevaux, alors qu’on a le droit en 600 de faire de la métrologie, de mettre des arbres à cames, donc je ne pèche qu’en puissance par rapport à certains adversaires qui peaufinent un peu plus leur moteur. Par contre je mets de l’essence de course pour les qualifs et les manches. Pas pour les essais libres, pour des raisons d’économies. C’est la démarche minimale pour gagner : j’investis de l’argent dans ce qui me semble primordial : aller s’entraîner, avoir des suspensions bien réglées, des embrayages qui fonctionnent parfaitement en cohésion avec l’électronique… Et pour les pneus, je suis servi royalement avec Michelin. »

 

 

Son statut d’essayeur pour le manufacturier clermontois lui apporte également sur un autre plan : « Ça me donne l’habitude de m’adapter à des pneus ou des situations. Avant de monter sur la R1 ou la R6, je sais déjà exactement ce que je vais faire, où je vais freiner, la façon dont je dois piloter en fonction des conditions. Ensuite, je m’adapte évidemment à la course. L’avantage de disputer les deux catégories, c’est que je peux m’inspirer de ce que je peux faire sur l’une pour l’appliquer à l’autre. Ça peut m’arriver de faire un virage avec la 1000 façon 600 et vice-versa. »

 

 

Tout paraît facile avec Valentin… Au point de reproduire son double engagement au niveau mondial ? Valentin tempère : « D’abord, c’est impossible du point de vue règlementaire. Et même si le règlement l’autorisait, ce n’est pas certain qu’un team voudrait le tenter, car c’est compliqué. Le niveau mondial impose de se rapprocher encore des limites, or à chacun de mes débuts de course, je n’y suis pas vraiment. En mondial, la course peut être finie si on perd des dixièmes dès le départ, voire des centièmes. En championnat de France, ça roule vite et on bat des records en ce moment, mais on n’est pas une vingtaine dans la même seconde. Si je mets un tour à m’adapter, la course est morte. Franchement, si j’ai la chance de rouler en mondial, une catégorie me suffira… »

Rien n’est moins sûr avec ce boulimique de défis. D’autant qu’il prête ses jouets…

 

 

Partenaires de Valentin Debise : SPARK (échappements) ; K-TECH/TOURNAY Distribution (suspensions) ; MOTUL (huiles) ; MOTO MASTER (disques de frein) ; ZCOO/TOPTEC (plaquettes de frein) ; BLINDER (instrumentations, éclairages) ; SPIDER ; I2M/NR BIKE (cartographie moteur, acquisition de données) ; CBO Track Days ; MICHELIN ; BEST OF BIKE ; SPEEDWAY ; SN Diffusion, GALESPEED/TOURNAY Distribution ; PADDOCK-GP.com.

 

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