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En ce 4 juillet 1948, la cité italienne de Trévise pleure l’un des siens. Rien n’effacera le chagrin des milliers de passionnés, venus accompagner « il diavolo nero » (le diable noir) pour son dernier voyage. Bien que cela semble encore difficile à croire, Omobono Tenni est mort. Un pilote moto, as de l’entre-deux-guerres s’en est allé. La faute à un tragique accident, survenu sur l’un des tracés les plus sombres de toute l’histoire. Son nom : Bremgarten.

Les informations à son propos sont rarissimes, comme cachées. Pourtant, Bremgarten était bel et bien un circuit européen très important durant les années 1940 et 1950. L’histoire nous amène en Suisse, et plus précisément dans la banlieue nord de Berne, Bethlehem. C’est sur les routes de ce quartier plutôt calme en apparence que se déroulait le Grand Prix de Suisse il y a 71 ans.

Fondé en 1931 afin d’accueillir les deux-roues, Bremgarten s’est vite imposé comme un circuit incontournable en Europe. L’absence de véritables lignes droites couplée aux arbres jouxtant la piste le rendait difficile à maîtriser, mais plaisant. Après la Seconde Guerre mondiale, il continua d’attirer les foules tout comme les pilotes de grande classe. C’est donc naturellement qu’il fut retenu par la FIM pour la première saison du championnat du monde motocycliste, tenue en 1949.

Bremgarten n’avait pas à rougir face à Monza, Assen ou Spa-Francorchamps, autres tracés foulés par le mondial cette année-là. Programmée pour le week-end du 3 juillet, la manche Suisse est par conséquent la deuxième course de l’histoire des Grands Prix moto. Pour l’occasion, le futur champion du monde Leslie Graham, sur AJS, ne fit qu’une bouchée de la course 500cc et accentua son avance sur son rival Nello Pagani.

Le virage nommé ‘Tenni’ – un droit relevé – trahit la présence d’un circuit disparu. Photo : Pascual Nicolas

Absent du calendrier en 1950, Bremgarten fait son grand retour l’année suivante pour le plus grand bonheur de Fergus Anderson, vainqueur en 500cc. Jusqu’en 1954, seuls des britanniques ont trouvé la clé pour dompter les courbes rapides sillonnant la Bremgartenwald. Jack Brett et Geoff Duke étant les derniers vainqueurs en catégorie reine.

Puis plus rien. Après le terrible accident impliquant 87 morts survenu aux 24 Heures du Mans 1955, plus aucune compétition motocycliste ne fut organisée en suisse. C’est l’un des seuls pays européens à ne pas avoir un circuit permanent homologué FIA/FIM, au plus grand désarroi des résidents de la capitale.

Instantanément, le site tombe en désuétude. Boudé par les autorités, le temps fit son œuvre. L’asphalte et les pavés si caractéristiques furent ôtés, au profit de larges nationales et d’un camping. Il ne reste rien de Bremgarten. Nombre de bernois ne savent pas que la Formule 1 et les Grands Prix motos passèrent sur leurs routes il y a moins d’un siècle. Les informations sur ledit tracé sont difficiles à trouver, à tel point qu’une visite s’est imposée.

Les coureurs sont nombreux dans ces bois, mais peu ont connaissance de l’histoire du lieu. Photo : Nicolas Pascual.

Rien, absolument rien n’a été fait pour préserver ce joyau, niché au milieu des bois. Aucune plaque commémorative en l’honneur de Omobono Tenni ou de Achille Varzi tandis que leurs esprits reposent ici à jamais. Le néant. Aucun respect pour ces milliers de gens qui espéraient se divertir, le temps d’un weekend, tout en s’abreuvant des propriétés mystiques confiées à la poétique « Fontaine de Verre », située en plein milieu de la forêt.

La destruction et le non-entretien du patrimoine est l’un des fléaux culturels de ce siècle. Uniquement animés par le pouvoir et l’argent, les décisionnaires se fichent royalement de leurs propres racines. Si ce n’était pour l’initiative de quelques passionnés, d’autres vestiges du sport motocycliste et automobile périraient de la sorte. Bremgarten était, Bremgarten n’est plus. Il n’est pas trop tard et nous ne pouvons qu’espérer : les âmes ont toute l’éternité pour être honorées.

La carte du circuit. Remarquez l’absence de franches lignes droites, l’une des particularités du circuit. Photo : Lispir

 

Photo de couverture : Hari Pot / ANEFO (Phil Read à Assen, pour l’illustration) 

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