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Début décembre à Monaco, le Conseil de Direction de la FIM a décerné la médaille d’or Nicolas Rodil del Valle à M. Fujio Yoshimura, président de Yoshimura Japan, en reconnaissance de son rôle actif dans la pratique, la promotion et le développement du motocyclisme. L’occasion de se plonger dans la saga Yoshimura. Attention, cela prend un peu de temps…


1/ Les errements

Hideo Yoshimura est né le 7 octobre 1922 dans l’île de Kyushu au Japon, où son père, inventeur, possédait un atelier de menuiserie. Dès son plus jeune âge, il veut être aviateur, une volonté renforcée par la visite du site du crash d’un accident d’avion survenu près de son domicile.

A 14 ans, Hideo passe l’examen d’entrée à l’école de pilotage de la marine impériale et est choisi comme l’un des 219 nouveaux cadets parmi plus de 10 000 candidats. Il commence sa formation l’année suivante mais, après 30 heures de vol, il subit un accident quasi mortel. Le moteur de son Yokosuka K2Y prend feu et il doit sauter hors de l’appareil à basse altitude, mais son parachute s’ouvre trop tard et il est hospitalisé deux mois. Le rêve de devenir pilote d’avion est brisé…

 

 

Il entre alors comme mécanicien dans la compagnie aérienne nationale japonaise entre 1938 et 1945, l’Imperial Japanese Airways mais constate qu’il n’a ni le niveau ni les diplômes pour être mécanicien navigant. Il démissionne, passe son examen et et devient en septembre 1941 le plus jeune ingénieur de vol de l’histoire de l’aviation japonaise. Il est réembauché par l’Imperial Japanese Airways et vole dans toute l’Asie du Sud-Est en tant qu’ingénieur de vol sur Douglas DC-3 alors que la guerre du Pacifique commence avec l’attaque du Japon sur Pearl Harbor. L’exercice de son métier lui permet peu à peu de diagnostiquer l’état d’un moteur juste en l’écoutant…

Il épouse Naoe en 1944 mais la guerre lui fait côtoyer les kamikazes et la mort. Le stress est combattu avec l’alcool, et on doit lui retirer les 2/3 de son estomac. Après la capitulation du Japon, le fait que sa maison soit à quatre kilomètres de la base américaine d’Itazuke, et qu’il soit l’un des rares Japonais à parler anglais à l’époque, l’amène à côtoyer les Américains à qui il fournit alcool et cigarettes au marché noir. Passage par la case prison en 1946, initialement pour 3 ans dont seulement 6 mois seront effectués pour bonne conduite. La légende a bien failli ne pas nous être connue…

 

 

A sa sortie de prison, Hideo Yoshimura se tourne d’abord vers les activités familiales qui ont évolué vers la fabrication d’attaches pour les tapis de convoyage, avant de trouver que les moteurs de motos et d’avions avaient beaucoup de points communs. Les deux premiers enfants de Hideo sont nés pendant cette période de sa vie, sa fille Namiko en 1946 et son fils Fujio en 1948. En 1954, il utilise un couloir de l’atelier familial pour y installer Yoshimura Motors.

 

 

2/ Les débuts de Yoshimura Motors

Environ un an après l’ouverture du magasin, Hideo est invité à participer à des courses d’accélération sur la base aérienne d’Itazuke. À l’époque, la Kyushu Timing Association (KTA), un club de motards militaires de la base américaine, organise des courses individuelles d’un quart de mile en utilisant une piste secondaire. Hideo y pilote une Cabton 600 (un twin parallèle OHV fabriqué au Japon) et il est fasciné par la sensation similaire à celle que vous ressentez lorsque vous décollez dans un avion.

Les motos japonaises sont alors de médiocres copies des motos britanniques ou allemandes quelque peu fragiles en raison de la mauvaise qualité de construction, donc après un certain temps, Hideo change sa moto au profit d’une BSA Golden Flash très fiable. Il la modifie en enlevant un peu de poids et en ajoutant de la puissance supplémentaire. La Yoshimura-BSA 650 gagne fréquemment sur l’aérodrome. C’est à ce moment que les motards japonais lui donnent le surnom de « Pop », une manière affectueuse de s’adresser à un homme assez vieux pour être leur père.

 

 

Hideo « Pop » Yoshimura découvre la passion du gonflage des moteurs: rectification des arbres à cames, travail sur les conduits, utilisation de soupapes plus grosses en provenance des automobiles, il se crée peu à peu une réputation de préparateur professionnel de moteurs 4 temps. A l’époque, personne ne retaille les arbres à cames et encore moins allonge les tiges de culbuteurs. Hideo le fait par soudage avant de les enduire de cyanure (!), de les chauffer au rouge avec un chalumeau, de les tremper  dans un bain d’huile et de les chauffer à nouveau (traitement de trempe et de revenu) pour rendre l’extension aussi durable que l’originale. Bien que le cyanure soit hautement toxique et nécessite une manipulation extrêmement prudente, son fils aîné Fujio aidait déjà à l’atelier lorsqu’il était au collège…

Une passion, un savoir-faire, un atelier, la maîtrise de l’anglais, une clientèle et une piste d’aviation à proximité, tout était réuni pour une croissance spectaculaire…

 

 

3/ Les courses se développent

Pour maintenir de bonnes relations avec la base aérienne d’Itazuke, Hideo Yoshimura apprend aux militaires à rouler à gauche. Cela lui permet aussi de les faire adhérer à la KTA qu’il développe à vitesse grand V. En plus d’Itazuke, des courses sont organisées à Ashiya et Gannosu, toujours sur des bases aériennes.

A Gannosu est même délimité un vrai tracé routier de 4,3 kilomètres qui enserre les pistes d’aviation en X, comme à Silverstone. Malgré une partie en terre, cela permet d’organiser de vraies courses, en 50, 125, 250, 350 et plus de 500.

 

4/ L’arrivé du Faucon, la Honda Dream Super Sports CB72

En novembre 1960 sort la Honda CB72 dotée moteur d’un bicylindre de 247 cc avec arbres à cames en tête. Deux versions sont disponibles, avec vilebrequin calé à 180 ou 360°. Pop Yoshimura préfère le Type I qui produit moins de vibrations à haut régime et peut fournir plus de puissance. Elle sera suivie de CB77 Super Hawk de 305 cc en 1961. Peu chères, le succès est au rendez-vous et les demandes de participation aux courses explosent…

Un peu débordé entre la préparation des machines, les courses et la gestion de son entreprise, Hideo embauche Fukuo Kuradome comme pilote, mécanicien, vendeur et … collecteur de factures impayées chez les Américains.

 

 

5/ La reconnaissance

Au fil du temps, les courses se professionnalisent et deux autres pilotes sont embauchés, Kuniomi Nagamatsu et Fukumi Koutake. Ce dernier volera ensuite de ses propres ailes et, après une belle carrière au Japon, fera courir Daijiro Kato, Tohru Ukawa et Akira Yanagawa. Mais en attendant, les pilotes s’entraînent, affinent leur style, et la structure ainsi constituée attire l’attention de Honda qui leur confie de développement des très confidentielles CR72 de compétition.

 

 

Pop Yoshimura perfectionne alors son savoir-faire, tout d’abord en allégeant les vilebrequins, ce qu’il n’avait jamais fait, jugeant cela peu utile, puis en garnissant ses arbres à cames de stellite (cobalt/chrome) avant de les rectifier, afin d’obtenir plus de levée.

En juillet 1962, Gannosu, le foyer de Pop, des troupes américaines et de tous les pilotes de moto sur l’île de Kyushu, est choisi pour accueillir la 5e course « All-Japan » nationale dans laquelle les constructeurs alignent des motos d’usine.

 

6/ La première « vraie » course

20 000 personnes viennent assister à l’événement, d’autant que, même s’il reste une petite partie non goudronnée, c’est la première fois que le tracé d’une course All Japan se rapproche de celui d’un vrai circuit. Tous les constructeurs sont aux aguets. Au total, 173 motos  participent aux qualifications samedi et aux courses dimanche. en 250cc, Honda mise davantage sur les CB préparées, Yamaha sur les TD1 de compétition, soigneusement gardées sous des bâches et mise à l’abri chez le concessionnaire local dès les séances terminées…

 

 

Évidemment, Yamaha remporte les trois premières places devant une Tohatsu. La première CB72 est 5e, et ce n’est pas une Yoshimura. Dès lors, Honda fournira des CR72 et CB77 à l’équipe Yoshimura. Lors du même weekend, Pop chute alors qu’il mène la course sur une Yoshimura-BSA en plus de 500cc. Il décide immédiatement de mettre fin à sa carrière de pilote.

 

7/ Suzuka… déjà !

En septembre, après la course de Gannosu, le premier circuit entièrement goudronné du Japon ouvre ses portes à Suzuka, et, en novembre, le 1er championnat de course sur route MFJ (Fédération de motos du Japon) s’y tient en tant qu’événement d’ouverture.

 

 

En 1963, le circuit de Suzuka accueille le premier Grand Prix de moto du Japon, au cours duquel le pilote de Yoshimura, Kuniomi Nagamatsu, avec le soutien de Pop, court dans la catégorie GP125 sur une Honda RC145 DOHC 8 soupapes  d’usine (la machine qui a remporté tous les GP de 1962) et termine à la 7e place.

 

 

L’année suivante, Kuniomi Nagamatsu obtient la 5e place des GP50 et GP350, mais 1964 voit aussi le circuit japonais accueillir une course d’endurance de 18 heures qui est à la fois devenue un tournant pour Pop et sa société, et l’ancêtre de la Suzuka 8 Hours Endurance Road Race d’aujourd’hui. La course a commencé à 20h00 le 1er août et s’est terminée à 14h00 le lendemain. Pop est le team manager de deux équipes, Yoshimura et Fukuoka Honda. L’équipe Yoshimura engage Kuradome, Watanabe et Koutake dans la catégorie 250cc au guidon d’une CB72. L’équipe Fukuoka Honda engage Matsumoto, Ogata et Aoki dans la catégorie des plus de 251 cm3 au guidon d’une CB77 optimisée par Yoshimura.

Dans la Suzuka 18 Hour Endurance Race, les teams Yoshimura et Fukuoka Honda affrontent l’équipe d’usine de Honda. La CB Yoshimura est rapide mais doit se retirer. La Fukuoka Honda prend le relais et double l’équipe de R&D Honda qui abandonne ensuite à cause de problèmes de moteur. Pop monte sur la plus haute marche du podium en tant que team manager et fait la renommée de Yoshimura au niveau national.

 

 

8/ Déménagement

Les performances des CB72/77 réglées par Yoshimura aux 18 heures de Suzuka font la plus grande impression sur Honda, mais les bases américaines se raréfient au Japon. Pop Yoshimura avait retardé le déménagement pour aider les coureurs locaux et préparer leurs machines, mais le moment était enfin venu. En avril 1965, il déménage à Fussa, dans la banlieue de Tokyo, juste à côté de la base aérienne américaine de Yokota.

Sa nouvelle boutique porte l’inscription en anglais « YOSHIMURA COMPETITION MOTORS ». Le désormais célèbre logo « ヨシムラ » (Yoshimura épelé en katakana qui, aux yeux des Américains, ressemblait à « trois égal quarante-sept » !) est également introduit à cette époque.

 

 

À l’époque à Tokyo, sur deux installations militaires américaines voisines, la base aérienne de Yokota à Fussa et la base aérienne de Johnson à Iruma, s’organisent des courses chaque dimanche, et parmi elles les plus faciles d’accès étaient les courses de dragsters. De nombreuses CB72/77 optimisées par Yoshimura y ont fait leurs débuts sur les pistes d’atterrissage.

 

 

9/ La brouille avec Honda…

En 1965, la vitesse étonnante des CB72 réglées par Yoshimura dans la catégories junior du Grand Prix du Japon attire l’attention de Soichiro Honda lui-même. Très étonné, il ordonne à ses ingénieurs de tester la Yoshimura CB. Considérant cela comme un honneur et une opportunité de contribuer au développement technologique de la firme japonaise, Pop Yoshimura fait subir à sa moto une série de tests au département R&D moto de Honda à Wako.

Les ingénieurs de Honda sont stupéfaits par la puissance délivrée. Alors que le moteur d’origine CB72 développe 24 ch et la version Honda R&D un peu plus de 27 ch, celui optimisée par Yoshimura produit plus de 32 ch. Au moment des 18 heures de Suzuka en 1964, la Yoshimura CB72 (SOHC) délivrait déjà autant de puissance que la Honda CR72 de série (DOHC) et la Yamaha YDS (2 temps) : malaise chez les ingénieurs Honda face au résultat obtenu par « un magasin de motos local »…

 

 

Après cette comparaison, Soichiro Honda demande à ses ingénieurs de battre Yoshimura en 2 semaines. Il n’a pas l’intention de déclencher une querelle mais en tant que leader et passionné de compétition, le patron japonais veut juste inspirer ses employés à faire de leur mieux. Toutefois, cet incident détériore sérieusement les relations entre les deux sociétés au cours des années à venir. Bien que le département R&D de Honda ait réussi plus tard à extraire plus de puissance de leurs moteurs de course CB72, cela est resté très embarrassant pour certains d’être comparé à Yoshimura.

 

10/ Les conseils du préparateur…

D’avril 1965 à août 1967 Pop Yoshimua contribue au magazine japonais Motorcyclist en publiant des articles techniques. Cette série d’articles, la première du genre au Japon, a été bien accueillie par beaucoup, y compris par les ingénieurs de Honda qui ont construit la CB72/77. Tout cela a contribué à faire de Yoshimura une marque nationale. On sait aujourd’hui que le meulage et le polissage des conduits d’admission d’un moteur pour obtenir une finition miroir augmentent les frottements de la veine gazeuse, mais à l’époque, c’était considéré comme la meilleure option pour tirer plus de puissance d’un moteur. Pop polit tout du matin au soir, conduits, soupapes, vilebrequins et même pignons de boîte de vitesses.

Alors que Yoshimura se forge une réputation et acquiert une reconnaissance nationale, un sérieux problème se développe. Honda commence à limiter l’approvisionnement de Yoshimura en pièces du kit de course d’origine (pièces de base). On suppose que quelqu’un était envieux du succès de Yoshimura. Pour tenter de résoudre le problème d’approvisionnement, Pop a finalement contacté Soichiro pour lui poser la question, mais cela n’a fait qu’empirer la situation. On dit que Soichiro a furieusement rejeté la faute de l’incident sur ses employés. À la fin de 1965, les relations avec Honda cessent complètement. Honda crée alors son Racing Service Center (le prédécesseur de la Honda Racing Corporation) afin de développer et de fournir des pièces de course authentiques.

Pendant ce temps, deux jeunes fans de Pop sont entrés dans le monde du travail de Yoshimura : Ken Matsuura (qui, en 1966, a fait tout le chemin depuis Ehime sur une Honda S600) et Mamoru Moriwaki (qui, la même année, a fait tout le chemin depuis Kobe sur une Honda CB72). Les deux hommes deviendront par la suite des constructeurs et des préparateurs mondialement reconnus.

 

 

En 1966, Yoshimura déménage dans la zone rurale d’Akigawa, à quelques kilomètres de Fussa, pour y établir un grand atelier. À partir de ce moment, il commence à régler de plus en plus d’automobiles, et le nom de Yoshimura devient de plus en plus important sur la scène du sport automobile japonais…

 

 

11/ Les voitures

Honda a sorti ses S500 et S600 en 1964 et S800 en 1966, toutes équipées de 4 cylindres à double arbre à cames 8 soupapes très proches des mécaniques motos, à l’exception de leur refroidissement par eau. Hideo y applique ses recettes à base d’arbres à cames et de polissage.

 

 

De plus en plus de pilotes utilisent des moteurs préparés par Hideo, que ce soit sur des T360, des S600, des S800 ou même des monoplaces. A l’époque, il n’est pas rare que les clients de Pop courent à la fois en moto et en voiture…

 

12/ L’arrivée de  Ken Matsuura et Mamoru Moriwaki…

En 1966, Ken Matsuura quitte son île de Shikoku avec sa petite Honda S600 remplie d’un matelas futon pour faire deux années d’apprentissage chez Pop Yoshimura. Il y modifie sa S600 pour rivaliser avec les officielles Honda RSC-tuned et obtient une victoire dans la catégorie GP-1 du Grand Prix du Japon 1967. Il retourne ensuite chez lui pour ouvrir sa société de réglage de moteur désormais de renommée internationale, Ken Matsuura Racing. L’entreprise est spécialisée dans les composants de moteur de haute précision, tels que les pistons forgés, les bielles en titane et les soupapes creuses en titane, et répond depuis des décennies aux diverses demandes des équipes d’usines de motos et d’automobiles.

1966 voit également l’arrivée de Mamoru Moriwaki, pilote de Honda CB72 originaire de la ville de Kobe, à 17 heures de route. Juste après avoir effectué sa première visite à Yoshimura avec son père, il revient avec sa CB72 pour qu’elle soit préparée. Celle-ci subit une préparation complète, lui permettant de passer de 130 km/h à plus de 200 km/h ! Sans qu’il y ait cependant un lien de cause à effet, Mamoru Moriwaki commence à « fréquenter » Namiko Yoshimura, la fille du patron. Il l’épousera avant de fonder en 1973 sa propre entreprise, Moriwaki Engineering, à Suzuka.

Mais entre temps, Mamoru Moriwaki, calme et véritable homme à tout faire de Pop Yoshimura, se voit confier le rôle de copilote de Fujio en voiture, un peu trop bouillant pour la moto… et les deux hommes remportent la catégorie GT-1 lors de la course de 1000 km de Fuji en 1970 sur une S800.

 

13/ Le premier échappement 4 dans 1…

Pendant ce temps, Hideo Pop Yoshimura, presque par hasard, découvre qu’un échappement 4 dans 1 donne des résultats surprenants, entraînant une augmentation spectaculaire de la puissance du moteur et du couple à mi-régime ! C’est en travaillant sur un moteur S800 installé dans un châssis Brabham BT15 Formule 3 que le Japonais fait cette découverte.

A cette époque, l’atelier d’Akigawa se dote d’un dynamomètre de moteur afin de tester diverses configurations d’échappement, et après avoir essayé d’innombrables combinaisons de diamètres de tuyaux, de longueurs de tuyaux et positions de collecteur, Hideo développe le système d’échappement 4-en-1 qui fonctionne étonnamment bien sur le moteur 4 cylindres en ligne de la S800. Plus tard, après le lancement de la Honda CB750 Four, le système s’est avéré également efficace sur les motos.

 

14/ Yoshimura et Honda se réconcilient…

Des 2 cylindres des N360 et Z360 aux 4 cylindres des S600, S800 et H1300, les Honda dont les moteurs sont préparés chez Yoshimura sont de plus en plus nombreuses sur les circuits japonais. La relation entre Yoshimura et Honda revient progressivement à la normale…

 

15/ L’arrivée de la Honda 750

C’est en 1968, au 15e Salon de l’automobile de Tokyo, qui s’est tenu du 26 octobre au 11 novembre, que Honda a dévoilé au monde la première moto à moteur transversal à 4 cylindres en ligne (SACT 8 soupapes) produite en grande série.

La moto s’appelait Dream CB750 Four et a été reçue comme une révolution par Yoshimura ainsi que par la scène motocycliste internationale. Ciblant le plus grand marché au monde, Honda a ensuite présenté la version américaine de la moto lors d’une réunion de concessionnaires à Las Vegas en janvier 1969.

Avec un alésage et une course de 61x63mm pour une capacité de 736cc, le moteur de la CB750 développait 67 chevaux à 8000 tr/mn, le rendement le plus élevé de toutes les motos de série à l’époque, ce qui offrait des performances impressionnantes pour permettre un quart de mile départ arrêté en 12,4 secondes et une vitesse maximale de 200 km/h. L’exportation vers l’Amérique du Nord a commencé en avril, tandis qu’au Japon, la date de lancement officielle était le 18 juillet et la date de vente au détail a été fixée au 10 août.

Fujio Yoshimura se souvient : « Je m’étais cassé le bras droit lors d’une course et je n’ai pas pu aller au Salon de l’automobile de Tokyo, mais mon père (Pop) a pu passer une commande juste après en avoir vu une au salon. Mais ce que nous avons obtenu n’était pas un Sandcast. C’était un Diecast K0 ».
Le premier lot du premier modèle K0 avait des moteurs moulés au sable, puis cela a été remplacé par des moteurs moulés sous pression en septembre 1969 pour améliorer la productivité.

En raison de sa popularité, il a fallu un certain temps pour qu’elle soit livrée à Yoshimura et, un jour, en attendant la livraison de la CB750, Koji Ota de Meiwa Racing (l’équipe de course interne de Honda Saitama Factory) a amené une CB750 jusqu’à l’atelier d’Akigawa pour demander à Pop de travailler sur son moteur, en commençant par la modification des cames. Ota était un admirateur du travail et de la personnalité de Pop depuis qu’il a été époustouflé par ce que Pop avait fait sur la moto de course CB125 d’Ota. Pop a ainsi mis la main pour la première fois sur une CB750.

 

 

Cette photo d’archive montre un jeu de vilebrequin et de bielles pour CB750 qui a subi un processus de polissage miroir visant à améliorer la résistance et à réduire la friction. Le polissage était le travail habituel de Yoshimura depuis les CB72. Tout fait à la main à l’aide de ponceuses électriques, le processus était une tâche incroyablement longue.

Le 17 août, juste une semaine après le début des ventes au Japon, deux CB750 de l’équipe de course interne de Honda Blue Helmet MSC terminent 1-2 à la course d’endurance de 10 heures de Suzuka (Morio Sumiya / Tetsuya Hishiki à la 1ère place, Yoichi Oguma / Minoru Sato 2e). Les 13 et 14 septembre suivants, une autre CB750 (pilotée par Michel Rougerie et Daniel Urdich) gagne le 33e Bol d’Or de 24H. Puis, en 1970, une machine de course d’usine CB750 pilotée par Dick Mann remporte une victoire historique au Daytona 200. L’histoire est écrite…

 

16/ Le premier pas aux USA…

1970 a été l’année où l’AMA a modifié le règlement des courses sur route. Comme ils l’ont fait pour les courses de flat track et de speedway l’année précédente, la limitation de 500 cm3 pour les moteurs OHV/SOHC/DOHC, qui offrait un avantage concurrentiel à la Harley-Davidson KR750 à soupapes latérales, a été supprimée pour permettre une cylindrée maximale de 750 cm3 pour tous les moteurs, quel que soit l’emplacement des soupapes ou le nombre de cylindres.

La Daytona 200 de renommée internationale est alors devenu un champ de bataille entre les machines multicylindres telles que Triumph/BSA triple, Kawasaki 2-temps triple et Honda quatre. Bien que la Honda de Dick Mann ait été la seule des quatre CB750 à terminer la course, la victoire de la nouvelle moto 4 temps 4 cylindres a fait sensation au niveau international. Les vétérans et les retraités de l’armée américaine qui étaient devenus des clients de Yoshimura alors qu’ils étaient stationnés au Japon ont commencé à se renseigner sur les pièces de performance de Yoshimura pour la CB750.

À l’usine d’Akigawa, Yoshimura commence donc à explorer le potentiel de la CB750 en utilisant sa K0 comme mulet de test, et développe des pièces de performance telles que des cames à grande levée et des kits de pistons à gros alésage (la version initiale était le kit de piston 810/812cc 64mm puis le kit de pistons 823cc 64,5 mm a été ajouté; tous deux basés sur les pistons d’origine pour le CB350 twin). Les carburateurs CR et la transmission à rapports rapprochés ont été fournis par Honda RSC.

Alors que l’année 1970 touche à sa fin, Yoshimura reçoit une demande d’un concessionnaire Honda américain pour préparer les moteurs CB750 pour le Daytona 200 de l’année suivante. Le nom du concessionnaire est Krause Honda. Leur patron, Ronald Krause, qui savait que l’équipe d’usine Honda ne reviendrait pas à Daytona, avait décidé de se lancer seul dans la course. A l’époque, les résultats en course, en particulier celui de la Daytona 200, étaient un facteur extrêmement important affectant les ventes de motos…

 

 

Pour les Krause Honda CB750, Yoshimura réussit à augmenter la puissance du moteur de 67 chevaux d’origine à 97,  en apportant des modifications telles qu’un arbre à cames à grande levée, des ressorts de soupapes renforcés, un vilebrequin allégé, un travail sur les conduits de la culasse, une rectification de la culasse (-1 mm pour plus taux de compression), les carburateurs CR et la transmission à rapports rapprochés, ainsi que  premier pot d’échappement Yoshimura 4-en-1 avec une longue extrémité en mégaphone, remplacé avant la première course par un tube droit et court qui était plus léger et ne présentait aucune différence de performance.

 

17/ « Yoshimura Magic »

Au début de la Daytona 200 de 1971, la Krause Honda CB750 préparée par Yoshimura et pilotée par le rookie Gary Fisher mène le peloton, devant les vétérans des GP et les grands de l’AMA. C’était certainement la moto la plus rapide sur le banking à 31 degrés d’inclinaison ainsi que dans la ligne droite arrière, jusqu’à ce qu’elle se retire de la course au 10ème tour avec une chaîne de distribution cassée. Cela n’a pas fait les gros titres, mais suffisamment pour faire connaître au monde l’expression « Yoshimura Magic ». Satisfait des performances du moteur, Ronald Krause propose à Yoshimura de poursuivre la collaboration pour le reste de la saison de course sur route AMA. Pop pensait également que c’était un bon début, et il avait aussi quelque chose de spécial en tête…

 

18/ Le Shugokan…

Pendant ce temps là, au Japon, Fujio teste un premier quatre dans un sur la K0 familiale.

« La première chose que j’ai remarquée, c’est le son, un son qu’on n’avait jamais entendu auparavant. Et puis la puissance ! Le moteur montait si vite ! J’ai pensé, c’est ça. Tout comme les échappements que nous avions fabriqués pour les S8 (Honda S800), il était léger, ce qui contribuait à une meilleure maniabilité et à de meilleures performances globales. Étant donné que 750 et S8 partageaient presque la même cylindrée par cylindre, Pop devait avoir une idée approximative des diamètres des tuyaux et autres. »

C’est la naissance du Shugokan : échappement 4 en 1 pour motos.

« À l’époque, nous ne pouvions pas trouver de tubes en acier appropriés, avec le bon diamètre et la bonnes épaisseur, et nous avons donc dû les fabriquer roulant et en soudant des feuilles de métal en tubes, en y versant du sable et en les cintrant à la main. Nous avons essayé diverses combinaisons de diamètre de tube, de longueur de tube et de position du collecteur. »

Le 4-en-1 a non seulement rendu le système d’échappement beaucoup plus léger, mais a également augmenté le couple à bas et moyen régime ainsi que la puissance à haut régime. Le seul problème pour les motos était l’encombrement qui pouvait interférer avec la garde au sol, l’angle d’inclinaison ou le pneu avant.

Course après course, le 4 dans 1 est développé de façon empirique, même si la fiabilité des motos en course fait défaut, que ce soit à cause des chaînes de distribution ou de réservoirs d’huile fissurés. Toutefois, en quelques mois la majorité des pilotes américains utilisent des 4 dans 1 réalisés par des artisans locaux, Pop, comme d’habitude, n’ayant même pas pris la peine de déposer un brevet pour cela. Le Japonais est fasciné par la réaction des Américains au nouveau concept, qui, en revanche, avait été rejeté par les ingénieurs japonais. Ce qui suscite l’intérêt américain pour le 4-en-1 n’est peut-être pas seulement un raisonnement logique, mais aussi le son qu’il produit.

 

 

Les mécaniciens Krause Honda préparent leurs CB750 Yoshimura pour la Daytona 200 en 1972. L’année est marquée par les débuts du pneu Dunlop KR83 qui a été conçu à l’origine pour gérer la puissance (environ 100 chevaux) des pilotes 750cc 2-temps Kawasaki et Suzuki à Daytona. Inutile de dire que les Krause Honda sont également passées de Goodyear à Dunlop. 

5e et 8e à l’issue des qualifications, les Krause Honda CB750 de Gary Fisher et Roger Reiman mènent la vie dure aux meilleurs pilotes 2 temps dont Yvon Duhamel et Gary Nixon sur Kawasaki KR750, Art Baumann sur une Suzuki TR750 et Kenny Roberts sur une Yamaha 350 TR3. Mais une fois de plus, des détails mineurs entravent la course des Honda jaunes. Le nom de Pop Yoshimura est toutefois devenu incontournable dans le milieu et les revues américaines…

 

 

19/ Yoshimura Racing : Expansion aux USA…

Alors que Yoshimura commercialise avec succès ses pièces performances aux USA, deux employés américains d’un opérateur de charter militaire américain, l’ingénieur de vol Dale Alexander et le pilote Starr Thompson de la Flying Tiger Line, commencent à visiter fréquemment Yoshimura au Japon. Peu à peu, ils achètent et transportent à bord secrètement des pièces de performance pour CB750 (telles que des arbres cames et des kits de cylindres à gros alésage) pour leur profit personnel. Les récents reportages sur les courses de motos à Daytona et l’émergence de la technologie d’échappement 4-en-1 rendaient leur activité annexe très rentable…

Il se trouve que Pop pense depuis un certain temps à étendre son entreprise aux États-Unis, qu’il considère comme un pays de rêve où il pourra utiliser pleinement son talent pour régler les performances des motos 4 temps. Les deux aviateurs américains lui proposent de créer une nouvelle société aux États-Unis.

La nouvelle société Yoshimura Racing, une joint-venture 50-50 entre les Yoshimura (Pop et Fujio) et les Américains (Alexander et Thompson), est fondée fin 1972 à Simi Valley, au nord-ouest de Los Angeles. Son atelier, propre et spacieux, ressemble à celui d’une équipe de course américaine prospère, et l’entreprise commence à  vendre des pots d’échappement 4 en 1 dès la fin de l’année 1972, puis d’autres pièces…

 

 

20/ La Kawasaki 900 Z1

Première moto 4 cylindres en ligne à double arbre à cames en tête produite en série, la Kawasaki 900 Z1 Super Four marque l’histoire de la moto. Sa production débute en août 1972, 3 mois avant sa sortie sur le marché américain, en novembre de la même année. À leur grande surprise, Yoshimura est choisi par KMC (Kawasaki Motors Corp., USA) pour essayer la nouvelle Z1.

« Je pense que c’est à peu près à cette époque que j’ai reçu une Z1 à l’US Kawasaki. Ma CB avait plus de puissance, mais la Z1 avait de bien meilleures caractéristiques de moteur et moins de vibrations. La vitesse de pointe était d’environ 209 km/h. J’ai remarqué une oscillation du châssis à haute vitesse, mais ce n’était pas si différent de ma CB », se souvient Fujio, faisant référence à la Yoshimura Honda CB750 K0 qu’il avait l’habitude de conduire au Japon.

Il n’était certes pas juste de comparer une Z1 d’origine avec la CB750 de Fujio, car c’était la moto exacte qui a été utilisée pour développer l’échappement 4 en 1 d’origine. Il a été entièrement réglé avec un kit de gros alésage, un travail des conduits, une rectification de la culasse pour une compression plus élevée, un vilebrequin et des bielles polies miroir, un arbre à cames à haute levée, un ensemble de carburateurs Keihin CR et un échappement 4 en 1, donc pas une moto de série en production à cette époque.

Pop l’attend à l’atelier. Dès l’arrivée de Fujio, la Z1 est démontée et la préparation commence…

« Nous avons immédiatement obtenu 10 mph supplémentaires avec le bas moteur d’origine, y compris les pistons, et cela tournait à plus de 10 000 tr/min. Nous l’avons fait en quelques jours. »

Résultat plutôt modeste pour une préparation Yoshimura, mais suffisant pour que Kawasaki demande à Yoshimura de préparer un autre moteur Z1 pour tenter de battre des records du monde de vitesse sur le Daytona International Speedway en mars 1973, juste après le Daytona 200.

Un moteur de Z1 est est donc préparé au Japon par Pop lui-même, puis livré à Kawasaki Heavy Industries à Akashi, d’où il est expédié à KMC aux États-Unis, puis à Daytona. Bien que ses pistons et son bas moteur restent d’origine, il est équipé d’une culasse entièrement préparée, d’un ensemble de carburateurs CR et évidemment d’un échappement 4 en 1.

KMC apporte trois Z1 à Daytona, dont une version sprint qu’ils ont construite autour du moteur préparé par Yoshimura et équipée d’un carénage complet en gelcoat blanc, d’une selle monoplace à dosseret, d’une paire de guidons bracelets, d’un ensemble d’amortisseurs arrière et un jeu de pneus de course Goodyear rainurés. Les deux autres Z1 sont essentiellement d’origine, à l’exception des guidons clubman, des amortisseurs arrière robustes et des pneus de course Goodyear pour assurer la sécurité lors des courses d’endurance à grande vitesse.

L’as du KMC, Yvon Duhamel, est chargé de s’attaquer au record de vitesse moyenne sur un tour en circuit fermé avec la version sprint. Les deux versions quasi stocks visent les records d’endurance de 24 heures.

 

 

L’opération est un grand succès !  Kawasaki établit pas moins de 46 records FIM/AMA. La Z1 propulsée par le moteur Yoshimura couvre un tour à 160,288 mph (environ 258 km/h), 10 km à 150,845 mph (environ 243 km/h) et 100 km à 141,439 mph (environ 228 km/h). L’une des Z1 d’origine parcourt 2 630,402 milles (environ 4 232 km) en 24 heures à la vitesse moyenne de 109,602 mph (environ 176 km/h), battant le précédent record de plus de 20 mph.

 

 

Le défi est filmé comme un documentaire promotionnel qui est utilisé dans le monde entier pour vanter les performances et l’endurance de la Kawasaki Z1, ainsi que pour l’efficacité des méthodes de préparation de Yoshimura.

Les commandes pour les moteurs de 900 Kawasaki et les 750 Honda affluent à Simi Valley. En août de la même année, Yoshimura emmène quatre motos, dont une Z1, une CB750 et une CB500, à la Bonneville Speed ​​Week dans l’Utah. Sous la houlette de Pop, et avec Dale Alexander aux commandes, Yoshimura a réussi à battre sept records du monde de vitesse sur les célèbres Salt Flats.

 

 

Le prochain défi a lieu en Europe. Kawasaki a fait confiance à Yoshimura pour préparer ses moteurs Z1 pour la course de 24 heures du Bol d’Or 1973, qui est prévue du 22 au 23 septembre sur le circuit Bugatti du Mans. Pour se donner toutes les chances, un lot de moteurs Z1 est envoyé de l’usine Kawasaki d’Akashi à l’atelier Yoshimura d’Akigawa, où Fujio et les mécaniciens appliquent leur préparation alors que Pop travaille sur d’autres projets à Simi Valley. Des arbres à cames bruts sont également fournis à Yoshimura pour travailler sur l’utilisation de leur rectifieuse d’arbres à cames mécanique à Akigawa, éliminant ainsi le besoin de soudage et de meulage.

Au terme de la classique française, quatre des six Kawasaki Z1 équipées de moteurs Yoshimura décrochent avec succès les 2e (Alain Renouf/René Guili #37), 4e (Jean-Claude Guénard/Michel Cholet #48), 5e (Eric Offenstadt/Jacques Luc #51) et 7e (Gérard Choukroun/Gilles Husson #56) places du classement général du Bol d’Or, derrière la CB750 (réalésée à 969cc) de l’importateur français Honda Japauto pilotée par Gérard Debrock et Thierry Tchernine, au terme d’une course quasiment entièrement disputée sous la pluie.

 

 

il s’agit bel et bien d’un nouveau succès international pour Yoshimura dont le nom commence également à faire rêver en Europe. Malheureusement, si la tendance est excellente pour les réparateurs tels que Yoshimura, il se passe quelque chose de louche à Simi Valley…

 

21/ L’embrouille américaine…

L’expansion de la renommée de Yoshimura est florissante, et Yoshimura Racing en recueille les fruits au USA. Malheureusement, il se trouve que les partenaires commerciaux aux États-Unis, Dale Alexander et Starr Thompson, investissent les bénéfices commerciaux dans des achats tels que l’achat de voitures de luxe, et les paiements pour les pièces, fournies par Yoshimura Competition Motors à Akigawa, ne sont plus payées malgré les nombreuses relances de la fille aînée de Pop, Namiko Yoshimura, alors en charge de la comptabilité au Japon.

Depuis le début, Namiko et son mari Mamoru Moriwaki étaient sceptiques au sujet des partenaires commerciaux américains. Il y avait quelque chose de suspect chez eux, mais Pop ne partageait pas la même méfiance. Après de longues et amères disputes au sujet de la dette, Pop commet une grosse erreur de jugement et demande à Namiko de quitter Yoshimura Competition Motors.

Namiko et Mamoru quittent donc Akigawa quelques jours plus tard, puis vivent un certain temps à Kobe avant de déménager à Suzuka pour créer leur propre entreprise, Moriwaki Engineering, le 30 septembre 1973. Bien qu’à ce moment Namiko soit en colère envers son père, elle et Mamoru estiment néanmoins qu’ils doivent se préparer au pire pour Yoshimura et sa filiale, et être prêt à les soutenir si nécessaire. Mamoru dit à Namiko qu’elle voulait construire « un endroit pour que Pop revienne à tout moment et fasse ses trucs. »

Mamoru Moriwaki n’est pas seulement été un bon pilote sur deux et quatre roues, mais un ingénieur vraiment unique et brillant avec une pensée rationnelle, une approche logique et des idées innovantes, en particulier en ce qui concerne la construction des cadres de motos. Namiko a déclaré plus tard dans une interview : « Même s’il n’y avait pas eu de problème avec la filiale américaine, il aurait commencé sa propre entreprise tôt ou tard, car sa méthode est très différente de celle de mon père. »

Après le départ de Namiko, Pop ne s’occupe plus de l’atelier d’Akigawa. Il avait demandé à Namiko et Mamoru de revenir s’en occuper, mais ces derniers étaient déjà bien trop occupés à diriger leur nouvelle entreprise. Le site de l’usine a été mis en vente en janvier 1974 et en mars, l’usine a été cédée.

Lorsque Pop déménage aux États-Unis avec sa femme Naoe et un petit groupe de mécaniciens en mai 1974, cela marque la fin des opérations de Yoshimura au Japon, au bénéfice de Yoshimura Racing à Simi Valley, en Californie. Mais la situation chez Yoshimura Racing est bien pire que ce à quoi Pop s’attendait : les partenaires commerciaux aux États-Unis n’ont aucune intention de payer leur dette ! De plus, ils revendiquent la propriété de l’entrepôt rempli de machines-outils et pièces envoyées du Japon.  Pop n’a pas d’autre choix que de poursuivre ses partenaires au tribunal, mais ce dernier ne fait qu’entériner la propriété de l’entreprise à 50/50, laissant aux Américains la gestion de fait et l’exploitation commerciale du nom de la société Yoshimura Racing.

« Vous pouvez avoir l’entreprise, mais je reviendrai », déclare Pop avant de retourner au Japon le 3 janvier 1975.

 

22/ La reconstruction

De retour dans son pays natal, Pop reçoit le soutien total de ses filles et gendres : Namiko et Mamoru Moriwaki qui dirigent Moriwaki Engineering à Suzuka, ainsi que Yumiko et Shohei Kato qui dirigent le magasin de pièces détachées Yoshimura Kato à Atsugi. Moriwaki Engineering a commencé à produire en interne des Yoshimura 4-en-1 cintrés à la main. La production de échappements Yoshimura pliés à la machine, relativement simple, est sous-traitée.

Namiko demande de ne pas faire affaire avec le « Yoshimura » de la Simi Valley. Mamoru Moriwaki mène des négociations avec Honda, Kawasaki et d’autres fabricants de motos concernant la fourniture de composants OEM, tels que des arbres à cames et pistons. Son affaire se développe et il verse à Pop une redevance pour chaque échappement Yoshimura produit chez Moriwaki. C’était un signe de respect et de soutien mutuel entre les membres de la famille.

Pop Yoshimura travaille comme un forcené et commence à reconstruire un réseau de distribution grâce à l’aide de David Dixon (de Dixon Racing au Royaume-Uni) et de Ross Hannan (en Australie). Parallèlement, il ouvre  le 1er juin 1975 une nouvelle filiale nommée Yoshimura R&D of America, à North Hollywood dans la banlieue de Los Angeles, et propose aux clients américains d’échanger les « faux » produits Yoshimura Racing contre des « vrais » produits Yoshimura R&D of America.

Finalement, Yoshimura Racing fait faillite après avoir changé son nom en Dale-Starr Engineering. Les anciens partenaires commerciaux sont reconnus coupables lors d’un procès pour contrebande de pièces en provenance du Japon (pour avoir exploité leurs privilèges en tant que pilotes de ligne et ne pas avoir payé les douanes)

Le ciel s’éclaircit pour Pop Yoshimura, d’autant que 1976 est la toute première année du championnat de production AMA Superbike…


Voilà ! Nous en resterons là pour ce long mais néanmoins succinct résumé du début de l’histoire de la famille Yoshimura. L’immense majorité des informations provient d’un travail titanesque de Tomoya Ishibashi mis en ligne par la famille Yoshimura qui a également fourni la plupart des documents photographiques avec les archives Road Rider. Le tout édité par Bike Bros Magazines sur le site officiel https://www.yoshimura-jp.com/.

Vous pouvez trouver la suite de l’histoire et ses innombrables précisions, du moins jusqu’en 1979, le reste restant encore à écrire et faisant probablement l’objet d’un livre dans le futur. Pour notre part, nous n’en avons pas encore tout à fait fini avec la saga Yoshimura et Moriwaki, puisque nous intéresserons en détail aux arbres à cames et aux carburateurs…

Où sont-ils aujourd’hui ?

Hideo Pop Yoshimura est décédé le 29 mars 1995 au Japon. Naoe Yoshimura, sa femme, est aujourd’hui chairman de Yoshimura Japan Co, LTD.

  • Leur fils, Fujio Yoshimura est aujourd’hui Président de Yoshimura Japan Co, LTD après avoir été aux manettes de Yoshimura R&D of America. Yusaku Yoshimura, petit-fils de Pop, préside aujourd’hui aux destinées de Yoshimura R&D of America. Son 2e fils a suivi des études d’ingénieur et est aujourd’hui Directeur Général de Yoshimura Japan Co, LTD.
  • Leur fille Namiko, mariée à Mamoru Moriwaki, a ouvert Moriwaki Engineering. Ils ont eu une fille, Midori, qui dirige aujourd’hui la structure MIE Midori International Engineering qui, entre autres, aligne des motos en World Superbike.
  • Leur fille Yumiko, mariée à Shohei Kato, a ouvert le magasin Yoshimura Kato à Atsugi. Ils ont eu un fils, Yohei, qui est aujourd’hui le Directeur général de Yoshimura Japan Co, LTD  et Directeur du team Yoshimura SERT Motul.

Chez les Yoshimura, le mot famille est loin d’être galvaudé…

 

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